Edition du Mardi 08 Juin 2010
Fidèle à sa démarche qui consiste à retracer le quotidien d’une population et ce, à travers un itinéraire chronologique, en remontant le cours de l’histoire, l’auteure, dans ce roman, continue à creuser en profondeur.
Izuran II, les enfants d’Ayye est le deuxième volet de la trilogie que l’auteure Fatéma Bakhaï a entamé. Ce roman s’inscrit, lui aussi, dans la même lignée que le précédent, Izuran, au pays des hommes libres. Fidèle à sa démarche, qui consiste à retracer le quotidien d’une population et ce, à travers un itinéraire chronologique, en remontant le cours de l’histoire, l’auteure, dans ce roman, continue à creuser en profondeur. “L’histoire de mes ancêtres n’intéresse sans doute que moi. Les autres descendants ne veulent pas la connaître. Cette histoire les gêne. Elle les oblige à se regarder sous un autre angle”, lit-on en page 5. Le second volume n’est qu’une suite logique du premier.
Les évènements de cette deuxième partie ont pour décor Icosium (actuellement Alger) à l’époque des conquêtes musulmanes, et pour personnages, une famille déchirée : la vieille mère Doria avec la Muette, une fille nomade qu’elle a recueillie chez elle et son fils qui a préféré quitter le domaine familial. Si la mère est restée attachée aux traditions et aux croyances ancestrales, son fils – il a une école —, en revanche, s’est converti à l’islam, au plus grand dam de sa mère qui ne comprend pas comment on peut se détourner aussi facilement de ce que pratiquaient les ancêtres.
Ce sont des coups répétitifs qu’elle reçoit. Le dernier est celui du choix du prénom de son petit-fils. Elle qui se faisait une fête de cette naissance qui allait la réconcilier avec son fils. “Hassan ! répéta-t-elle, et le mot trébucha entre ses lèvres sèches. Ce n’est pas un nom de chez nous ! C’est le nom du petit-fils du Prophète ! (…)” (page 12) De guerre lasse, Doria se retire petit à petit.
Elle se consume à petit feu. Le chagrin finit par l’emporter. C’est à ce moment-là que les évènements se précipitent. En remontant le cours de l’histoire, l’auteure, tout en romançant les évènements, dévoilent des personnages, les met à nu. À travers les neuf chapitres qui composent ce roman, le lecteur suivra les péripéties de cette famille dont l’un de ses membres quitta sa ville natale pour se rendre à Cordoue, en Andalousie.
Une ville réputée pour ses enseignants, ses enseignements, son architecture… Une ville qui attire les jeunes qui voulaient s’y rendre pour se faire une situation. Les personnages, qui servent au lecteur de guide et ce, à travers leurs yeux.
Tout au long de ce livre, la mémoire est toujours là. Les personnages la perpétuent, en donnant à leur progéniture le prénom de l’ancêtre. “Doria ! jubilait Yazid. Il avait perçu la contrariété de Djohara, mais comment lui expliquer tout ce que ce prénom représentait pour lui ? (…) L’essentiel à présent gigotait dans son petit berceau. Yazid venait de renouer avec son passé, son pays, ses ancêtres. Ils étaient toujours là et Doria les portait en elle.” (page 68). Même s’il y a eu départ de la terre natale, le retour était incontestable. Même si ce ne sont pas ceux qui l’ont quittée, mais leur descendance.
Une quête du passé, des origines. Au fur et à mesure que l’histoire évolue, des repères historiques viennent se greffer. Ils jalonnent la trame. Un va-et- vient dans le temps, le passé et le vécu du quotidien. Ce qui nous permet de comprendre notre histoire, celle construite par nos ancêtres. Izuran II, les enfants d’Ayye est un roman où le détail est très présent, le lecteur voyage, rêve grâce à une écriture alliant fluidité du style et simplicité des mots.
Nonobstant le côté historique, c’est la nature humaine avec tout ce qu’elle véhicule comme sentiment et état qui est dévoilée. Des noms qui ont marqué l’histoire, mais qui étaient avant tout des êtres humains avec leur force et leur faiblesse.
Amine IDJER
Izuran II, les enfants d’Ayye, de Fatéma Bakhaï, éditions Alpha, roman, Alger 2010, 197 pages.
8 juin 2010
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