Participant à un forum sur l’intégrité dans les marchés publics, organisé dans un pays d’Afrique centrale, il écoute, depuis plus de quatre heures, des interventions de très haut niveau sur le sujet.
Tous les aspects sont méthodiquement abordés: l’évaluation des besoins collectifs, leur budgétisation, la définition des exigences techniques, la procédure d’adjudication et la gestion des contrats, une fois conclus.
L’approche a pour objectif de trouver les voies et moyens de garantir le niveau le plus élevé possible de l’intégrité dans la passation et la gestion des marchés publics et partant de renforcer la confiance des citoyens dans la gestion des deniers publics.
Pour cela il s’agit, en premier lieu, de développer les instruments de précaution, en amont de l’appel d’offres ; précisément dans la détermination des besoins, leur évaluation, leur planification et leur budgétisation. Le même principe de précaution s’applique à la définition des exigences techniques et au choix de la procédure d’attribution du marché.
Il s’agit, en second lieu, d’organiser la transparence de la procédure d’adjudication, du lancement de l’appel d’offres à la conclusion du contrat.
- Il s’agit, enfin, de mettre en place les mécanismes de contrôle de la gestion des contrats, de la commande au paiement.
- Pour la mise en œuvre un Expert international est venu exposer un certain nombre de recommandations (1):
- Assurer la transparence par un traitement équitable de tous les concurrents à l’appel d’offres.
- Prendre des mesures adéquates en cas de dérogation aux règles de la concurrence.
- S’assurer de la conformité entre l’usage des deniers publics et leur destination.
- S’assurer de la compétence légale, professionnelle et morale des préposés à la passation des marchés.
- Mettre en place des mécanismes de prévention des comportements reprouvés.
- Renforcer la surveillance des marchés publics.
- Favoriser la coopération pouvoirs publics- secteur privé.
- Définir et délimiter les responsabilités.
- Traiter les recours éventuels avec diligence et objectivité.
- Porter à la connaissance de l’opinion publique la nature des marchés publics et leur mise en œuvre.
- Ainsi de brillants personnages se succèdent à la tribune pour développer, avec ingéniosité, les moyens de défendre le bien commun et de protéger les ressources collectives.
- Des hommes mobilisent une énergie extraordinaire pour tenter de se défendre contre les déviations d’autres hommes, contre le vorace appétit d’une partie d’eux-mêmes.
- Au moment où la science fait reculer les frontières de l’impossible en technologie comme en médecine, la morale reflue et les vertus s’évanouissent.
- Au seuil du troisième millénaire, la violence a, peut-être, déserté les champs de bataille, mais pour investir les sphères économiques et financières. Le profit immoral a destitué le butin de guerre. L’anonymat des réseaux financiers cache le vampirisme des nouvelles richesses.
- Les mouvements financiers n’échappent plus aux prélèvements quasi-mafieux. A l’échelle internationale c’est la rançon spéculative et à l’échelle des économies nationales c’est la ponction de la corruption.
- La situation a pris de telles proportions que la dépravation est devenue une donnée dont la probabilité fait l’objet d’études objectives. Incluse dans l’équation de la gestion, elle induit , obligatoirement, des mesures de protection et leur permanente adaptation.
- Les hommes inventent des lois pour contrer la loi de la prédation à laquelle ils reconnaissent implicitement que leur civilisation ne peut échapper. Elle prévaut, finalement, dans leur monde comme elle prévaut dans le monde animal et végétal.
- Tout en se questionnant sur l’efficacité des concepts et des idées que s’évertuent à exposer les experts, quand « l’Art de gouverner ne produit que des monstres » (2) ; Il ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec une curieuse histoire que lui avait raconté le responsable du musée de l’arbre dans ce même pays, lors d’une précédente visite.
- L’histoire à laquelle il n’avait pas accordé beaucoup d’attention, à ce moment, rapporte le surprenant comportement du monde végétal face à une agression d’insectes. Dans le contexte de sa seconde visite cette histoire lui semble prendre une dimension tout à fait particulière.
- Il se rappelle encore le vieux conservateur, d’une grande érudition, intarissable quand il s’agit de la vie des plantes sur lesquelles il veille depuis bien longtemps.
- Il en parle comme des êtres vivants capables de sensibilité et de mémoire, capables de communiquer et de s’organiser à distance.
- Le vieil homme l’avait guidé à un endroit de la forêt occupé par une espèce d’arbres au tronc gigantesque et d’une hauteur vertigineuse. Il lui expliqua, alors, que certains arbres ont dû être sacrifiés pour permettre aux autres d’avoir l’espace nécessaire à leur croissance. Pourtant un tronc coupé a un mètre du sol complètement caché du soleil par ses immenses congénères, continue à fleurir sur ses flancs grâce à l’enchevêtrement de ses racines avec les racines voisines. Mais le plus étonnant n’est pas là, il est dans la dramatique aventure vécue par ces arbres et dont le souvenir bouleverse encore le conservateur.
- Cette partie de la forêt, à l’orée de la clairière, a connu l’invasion d’une colonie de chenilles que rien ne semblait pouvoir contenir. Les chenilles ont littéralement tondu le terrain sur leur passage. De véritables vagues de mandibules affamées étaient parties pour décimer les arbres en peu de temps.
- Mais, après quelques jours, les feuilles des arbres blessés commencent à changer de couleur et les chenilles qui ne semblent pas apprécier cette métamorphose refluent comme repoussées par une substance dangereuse.
- Les prédateurs se détournent des arbres et dépérissent très rapidement.
- Le monde végétal a mis en place des mécanismes pour lutter contre la prédation. Ce comportement est, aujourd’hui , corroboré par de nombreuses recherches scientifiques qui ont toutes conclu à la capacité des plantes de secréter une substance qui rend leurs feuilles indigestes pour le prédateur. Privé de nourriture ce dernier se replie et meurt.
- Cette substance est en même temps le vecteur d’une alerte qui est perçue par les arbres que les prédateurs n’ont pas encore atteints. Ils se mettent alors a secréter la même substance chimique par prévention.
- Cette forme de régulation de la prédation, l’homme ne cesse d’œuvrer à sa mise en place mais le peut- il?
- Comment prévenir les comportements socialement reprouvés en l’absence de transparence pour ne pas dire dans l’opacité organisée ?
- Comment déceler les fautes et qualifier juridiquement les agissements quand la chaîne des responsabilités n’est pas claire et quand la frontière est mobile entre la gestion et le politique ?
- Comment fonder la sanction lorsqu’il n’y a aucune obligation de rendre compte ?
- La démarche de l’homme demeure tributaire du degré de transparence appliquée à la dépense publique et surtout de la culture de l’intégrité de ceux qui officient au nom de la société. Autant dire que tout est dans la volonté politique.
- « Les esprits irrésolus ne suivent presque jamais ni leur vue ni leur sentiment, tant qu’il leur reste une excuse pour ne pas se déterminer » (3).
Notes
1-Liste de vérification pour renforcer l’intégrité dans les marchés publics. O.C.D.E. 2009.
2- Richelieu, in Dictionnaire des citations par Pierre RIPERT, Maxi-Livres 2002.
3- Paule DE GONDI, Mémoires in Dictionnaire des citations par Pierre RIPERT, Maxi-Livres 2002.
3 juin 2010
Contributions