Il n’y a vraiment rien d’étonnant à ce que l’armée israélienne se soit rendue coupable de piraterie en attaquant avec une telle violence la flottille de la Liberté qui tentait de rejoindre Gaza sous blocus.
Ce énième crime n’est ni un accident ni une erreur stratégique mais bien un acte délibéré, mûrement réfléchi, qui s’inscrit en droite ligne de toute une série d’autres méfaits sordides. En autorisant cette agression perpétrée dans les eaux internationales, le gouvernement israélien savait très bien ce qu’il faisait et a certainement anticipé les protestations indignées du monde entier. Mais Israël sait surtout que son comportement d’Etat voyou et arrogant ne lui vaudra que quelques timides remontrances de la part de ses soutiens habituels à commencer par les Etats-Unis mais aussi l’Europe.
Le fait est que ce pays a acquis la conviction qu’absolument tout lui est permis comme par exemple bombarder les civils libanais en 2006 ou commettre des crimes de guerre lors de la guerre de Gaza en janvier 2009. Ces événements qui ont choqué une grande partie de l’humanité ont-ils changé son comportement ? Ont-ils amené les grands de ce monde à faire pression sur lui pour qu’il cesse enfin d’uriner sur le droit international en respectant notamment les résolutions de l’ONU quant aux droits des Palestiniens ? Evidemment non.
Bien au contraire. Tout se passe comme si les dernières digues avaient cédé et que désormais plus rien n’est refusé à l’Etat hébreu. En voici un exemple. Le mois dernier, on apprenait avec surprise son entrée dans l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE). Cette intégration voulue à tout prix par les Etats-Unis, mais aussi la France, a donc passé outre des éléments qui auraient constitué des obstacles infranchissables pour tout autre candidat qu’il s’agisse de la poursuite de la colonisation des territoires palestiniens, du non-respect des conventions de Genève sur les prisonniers ou bien de l’édification d’un mur de séparation à l’intérieur des territoires occupés et dont plusieurs juridictions internationales ont demandé la destruction.
Plus grave encore, l’OCDE a admis en son sein Israël en considérant que ce pays englobait le Golan syrien occupé, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Cette organisation a donc entériné toutes les annexions militaires et illégales réalisées par l’Etat hébreu. Comme le relève si bien l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), cette entrée de l’Etat hébreu dans l’OCDE n’est ni plus ni moins qu’un « blanchiment », par les membres de cette organisation, de toutes ses violations du droit international. Comment s’étonner ensuite que ce même pays s’attaque à des bateaux de civils et fasse un carton pour l’exemple et, surtout, pour dissuader d’autres initiatives humanitaires de ce genre.
On aurait pu penser que l’assassinat à Dubaï, en janvier dernier, d’un chef militaire du Hamas par un commando israélien qui a utilisé des passeports européens allait jeter un froid entre Tel Aviv et les capitales européennes. Il n’en a rien été. Certes, quelques diplomates ont été expulsés mais cela s’est arrêté là. On aurait pu aussi croire que les humiliations subies par nombre de diplomates européens, notamment français, en poste en Israël, allaient déclencher la colère de leurs gouvernements mais rien de tout cela n’est arrivé. Tous se taisent, tous se couchent et pendant ce temps-là, à Gaza, c’est tout un peuple est en phase de réification.
Un autre exemple concerne les relations entre Israël et l’Union européenne. Gageons que ce qui vient de se passer au large des côtes de Gaza n’empêchera pas Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, de chercher à relancer le processus destiné à rehausser les liens euro-israéliens. L’Etat hébreu peut continuer à coloniser Jérusalem-Est et la Cisjordanie, il peut aussi continuer à imposer un blocus inhumain à la population de Gaza, cela ne changera rien. Le gouvernement français, soutenu par d’efficaces lobbyistes à Bruxelles, travaille d’arrache-pied à ce rehaussement et l’attaque de la Flottille de la Liberté ne modifiera pas la donne.
D’ores et déjà les habituels contre-feux ont été allumés. Tous ces débats à propos de la supposée erreur des Israéliens – on parle même sans vergogne d’erreur de communication – sont destinés à éluder la véritable interrogation, c’est-à-dire celle qui concerne la nature exact du régime de Tel Aviv. Il faudra bien comprendre qu’il n’y a rien à attendre de ce dernier tant que des pressions internationales efficaces ne l’acculeront pas à rendre leurs droits aux Palestiniens. Au-delà de leurs discours ambigus, ni le Premier ministre Benyamin Netanyahou ni son ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman ne sont prêts à accepter un Etat palestinien. Il est temps de le comprendre une bonne fois pour toute et de cesser de croire que la création de cet Etat est inéluctable. Il est temps aussi de comprendre qu’Israël est un pays ivre de son impunité et de l’indulgence des grandes puissances comme le fut l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid.
3 juin 2010
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