Au matin, le choc : une armée de colonisation attaque un convoi humanitaire de civils désarmés et les tue avant de courir devant les caméras pleurer en premier. Et dès les premiers comptes-rendus, les rôles s’organisent selon le casting du nouveau siècle des confrontations : les «arabes» d’un côté, de l’autre les juifs accusés d’être tous des israéliens qui sont eux aussi, tous, accusés d’être sionistes.
Au beau milieu, l’Occident, inventeur de la morale et de l’immoralisme passif. Dès les premières «explications» du massacre, on aura compris qu’il s’agit du meurtre commis depuis des décennies sur les mêmes victimes, par le même assassin. Tout était dit dans la violence même de l’interprétation forcée et des prises de positions médiatiques : une chaîne TV-Radio internationale occidentale parlera d’armes découvertes dans les bateaux d’aide, une autre liera, insidieusement, le lancement d’une roquette comme cause «politique» de la fusillade contre les humanitaires, un ou deux pays européens feront ce geste las de la main en «demandant une enquête approfondie» sur ce qui s’est passé.
Pour le reste, le ballet du dernier demi-siècle est connu : Abbas téléphone à Amr Moussa qui téléphone à ceux qui veulent bien se réunir, un «savant» musulman appelle à occuper la rue contre l’occupation d’El Qod’s, un analyste évalue les rapports de force entre la Turquie et le pays agresseur, des communiqués sont libellés, les trans-islamistes s’agitent, des gouvernements «arabes» terrorisés par les mouvements de rues convoquent leurs policiers pour prévenir des débordements possibles. Le piège est total et provoque le même accommodement automatisé. Pour les «arabes», les mondialistes, les onusiens et les simples buveurs de café, client d’El Jazeera : Israël n’est plus une affaire de colonisation, mais une affaire de confrontation. Les architectes du sionisme ont depuis longtemps réussi à faire oublier la terre volée sous l’écran des religions en bras de fer. La cause palestinienne a été habilement «islamisée» dès le 11 septembre, les islamistes y étant aussi coupables que les extrémistes de l’Etat sioniste, que les philosophes assis de l’Europe. Ceux qui sont morts dans la flottille pour la paix sont occidentaux courageux, laïcs engagés, islamistes audacieux ou défenseurs des droits de l’homme, on ne retiendra plus que cette camisole des apparences. D’ailleurs, pour le Moyen-Orient, on ne parle pas de terre volée, de civils tués, de populations affamées, mais de «crise». Une sorte d’euphémisme qui dédouane le scandale par la théorie.
Des humanitaires sont tués mais ils sont à peine des hommes, des humains : ils sont des sympathisants du Hamas, donc pas des humains blancs. Le pire est que l’occupation israélienne et ses crimes de guerres indisposent tellement l’Occident et sa «morale» qu’il s’empresse automatiquement de résoudre le conflit par l’analyse abyssale et des postures diplomatiques qui donnent la nausée. Le plus important n’est donc pas de regarder l’Homme Blanc et d’attendre ses réactions : ce crime va enfanter encore plus de désespoir chez nous, plus de lâcheté en Occident, plus d’extrémistes de toutes rives, plus de kamikazes et de criminels de guerre impunis. L’Occident a fini par se convaincre qu’il s’agit d’une croisade même s’il ne le dit pas, mais avec une étoile contre un croissant et, chez nous, la cause palestinienne est déjà perçue comme un effet islamiste dangereux ou un maquillage pour une prostitution diplomatique internationale pour certains régimes. Le crime d’Israël est un scandale moral insupportable, son impunité est une insulte au sens fragile de la justice, son hypocrisie appelle à la guerre pas à la réaction. Ses explications d’une connexion entre «des terroristes» et El Qaïda pour des gens qui apportaient des colis alimentaires est un comble indépassable. Ce pays est la pierre tombale des illusions que l’on peut se faire sur l’Occident et ses principes, sur nous-mêmes aussi.
1 juin 2010
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