285 milliards de dollars pour quatre ans de dépenses. Le chiffre est énorme, inconcevable même pour un voleur, un chiffre capable de faire revenir l’océan vers le désert ou de fabriquer un pays avec un claquement de doigts. C’est ce que l’actuelle équipe dirigeante a décidé de dépenser pour des projets nationaux de la 3ème tentative
de relance. Avec l’ancienne enveloppe de la 2ème relance, nous avions eu droit à une autoroute, des chantiers de tramways, des logements et des discours et énormément de choses importées, mangées et oubliées. Aucune usine, pas de grande PME/PMI, aucun label algérien et si peu de plus-value hors hydrocarbures. Nous avons eu aussi droit au plus gros hold-up du siècle si on calcule le chiffre total de l’argent qui est passé sous table, des enquêtes, des inculpations, des rumeurs et pas une seule communication officielle sur notre argent et sur ceux qui l’ont dépensé, volé, placé, épargné ou jeté par des fenêtres pas réceptionnées.
Que va-t-il se passer avec les nouveaux 285 milliards de dollars à manger en quatre ans ? Le double de ce qui s’est passé avant. Le chiffre faramineux, capable de financer un débarquement d’Algériens sur Mars, et ce n’est pas une blague, ou d’acheter un Royaume moyen en plein océan Indien, a attiré l’attention médiatique internationale et, dans peu de mois, tous les requins, animaux, sangsues, multinationales, courtiers, intermédiaires, experts et bureaux d’études mondiaux. L’Algérie est un homme riche et myope, pressé de devenir moderne mais en gardant la même veste avec ses poches percées, un homme qu’on peut voler, contourner ou détourner. Les 285 milliards de dollars vont nous attirer le meilleur et le pire, mais le pire est ailleurs. Explication : cette somme colossale, capable de nous louer un continent pour des vacances de deux mois pour tout un peuple, va être dépensée sans contrôle populaire, sans Parlement, sans Sénat, sans contre-pouvoirs, sans Cour des comptes réelle, sans opposition politique, sans instrument de surveillance, sans ONG véritables, sans gouvernement indépendant, sans banques transparentes, sans presse libre, sans élus forts, sans police mûre, sans justice puissante, sans un seul mot d’explication pour le peuple qui en est le propriétaire formel. 285 milliards de dollars qui vont être dépensés selon le bon vouloir d’un seul homme ou presque. Pour une mosquée encore plus haute ou une route encore plus large, pour un poster géant ou un bureau d’études favori, pour une humeur ou une vision, mais toujours selon la volonté d’un seul décideur : l’index. 285 milliards de dollars gérés par un index et pas par un peuple.
Et c’est cela qui terrifie : jamais l’Algérie n’a eu autant d’argent dans le sachet et jamais elle n’a eu un pouvoir aussi faible et renfermé. Ce qui terrifie, c’est de voir cette unique occasion d’être une Corée du Sud en Afrique du nord, passer comme l’argent de toute une famille dans les mains d’un héritier incapable et dépensier. Cela fait peur quand on pense à ses propres enfants, à sa terre à soi, à l’avenir. Jamais nous n’aurons une occasion pareille de nous fabriquer un pays riche et heureux, jamais nous n’aurons autant d’argent, jamais plus. 285 milliards de dollars n’arrivent pas tous les jours. Ce qui arrive tous les jours, c’est ne pas savoir quoi en faire, sauf acheter, manger, construire par d’autres peuples importés puis en voler une part, en perdre une autre pendant le sommeil, s’en accuser, s’y salir ou s’y enrichir, puis se réveiller quatre ans après, avec le même état de l’Etat qu’en 62 ou presque : un peuple nourri au pipeline, gouverné par la force et incapable d’aller au-delà de l’industrie du KMS. A la fin, ce qui terrifie le plus c’est de voir une somme si colossale dépendre de si peu de personnes que nous n’avons presque pas élues et d’une seule main et même d’un seul doigt dans cette main. Le plan quinquennal des 285 milliards est une affaire nationale : nous demandons un référendum.
30 mai 2010
Contributions