Les élections législatives ont commencé hier pour se terminer aujourd’hui en Tchéquie. Agée de sept ans au moment de la révolution de velours qui a vu le monde se dérober sous les pieds de ses aînés en 1989, Katerina Konecna, la candidate du parti communiste tchèque, l’un des rares survivants encore attaché à l’orthodoxie marxiste léniniste, ne se souvient pas de cette époque.
Dans cette région de Moravie-Silésie où les communistes disposent encore d’un considérable réservoir électoral qui peut leur permettre de peser dans la formation de la majorité que toutes les prévisions promettent aux sociaux-démocrates et pourquoi pas espérer une entrée au gouvernement qui serait pour eux une retentissante victoire.
Il est vrai que des cerises blanches ont remplacé la faucille et le marteau sur le «chiffon rouge» et les affiches électorales, mais dans cette région minière et industrielle qui incarnait il n’y a pas si longtemps les conquêtes du socialisme triomphant, les communistes n’ont pas encore vendu leur âme au diable. C’est même ce qui leur a valu un peu plus de 14% aux législatives d’il y a quatre ans. Ce qui, partout ailleurs, est désigné comme une horrible dictature, on en parle ici en termes d’erreurs du passé et cela séduit une partie de l’opinion angoissée par le chômage et la précarité.
Prise comme «échantillon», cette région tchèque où les alliances de gauche sont toujours possibles en dépit des résistances centrales, est caractéristique des perspectives de recompositions politiques en Europe: toujours réelles, mais à chaque opportunité contrariées. Les sociaux- démocrates, qui n’arrivent pas à «dépasser leurs contradictions internes» pour utiliser une formule fossilisée, attendent de l’autre plutôt le reniement que le compromis.
Et pensant souvent être en position de force, ils n’hésitent pas, le cas échéant, à convoquer les vieilles casseroles que les communistes sont censés traîner quelle que soit leur disponibilité à la rupture. Minorités agissantes ou potentiel électoral toujours utile, les anciens communistes lorgnent trop du côté des courants franchement ancrés à gauche pour peser dans la décision des états-majors sociaux-démocrates réformateurs souvent hégémoniques intra-muros.
Dans cette région de Tchéquie où les échanges culpabilisateurs sont encore au rendez-vous, en France où la gauche est incapable d’un minimum commun en dehors de l’initiative locale ou ailleurs, la recomposition pour un meilleur équilibre politique n’est pas annoncée pour demain, même si plus personne ou presque ne se souvient du temps des cerises.
29 mai 2010
Contributions