Rachid Ezziane, auteur d’un livre paru aux éditions El-Maârifa, nous décrit un des génocides de la période honnie du terrorisme perpétré au nom de la bêtise humaine, bafouant les lois de Dieu et celles de l’humanisme. L’auteur évoque dans un style accablant que nul ne peut oublier les différentes péripéties inimaginables où «l’homme» devient pour son congénère un bourreau dépassant la compréhension logique face au déploiement de cette haine.
Parti de son patelin pour rejoindre Alger, le cœur et l’esprit pleins d’espoir pour l’édition de son manuscrit, Bachir va vivre, avec de jeunes nymphettes, à la virginité préservée jusque-là, le comble de l’horreur. Une horde de sauvages à l’allure hirsute venus d’un autre temps, affublés d’une barbe rouge «sang» comparable au sang de leurs proies qui siège sur leurs mains de tueurs, arrête un train. Bachir se remémore les péripéties de l’absurde, de l’horreur, endormi ou éveillé après cette tragédie, avec une seule question : «Comment des êtres humains peuvent-ils agir de la sorte?» Une histoire vraie, vécue par tous ses sens. Rescapé de la fin du monde, un seul remède pour Bachir : extérioriser la douleur pour mieux revenir à la vie. Chaque soir, après un combat continuel pour faire face aux difficultés de l’existence, Bachir rejoint immanquablement le même cauchemar. Dans un style accablant, il revoyait son passé à partir du train qui devait l’emmener chercher un éditeur, avec à l’esprit beaucoup de rêves inassouvis ou de visions lugubres, quand les autres ramassaient beaucoup d’argent et lui des chimères. Beaucoup de manuscrits… Fallait-il attendre la réussite qui le fuyait ou partir à sa recherche ? Seule Zina, dans cet abîme sans fond, était un havre de paix morale pour son esprit torturé. Les passagers, conscients qu’ils prenaient peut-être un train mortuaire durant cette période de terreur, virent des deux côtés de la voie ferrée des hommes armés jusqu’aux dents de fusils, de haches ou de couteaux. Les premiers tirs nourris se mélangèrent aux hurlements des enfants. Face à eux, une escorte de gendarmes qui fut très vite décimée. L’apocalypse ! Après avoir décrit le comportement imprévisible de chacun des passagers, Rachid Ezziane, dit : «Ils étaient fatigués de souffrir, de mourir… lentement, longtemps.» Fatiha et son amie Souad, au bord de la démence, furent dirigées dans un coin par un des tueurs. Bachir se remémora son rêve d’édition anéanti non par le destin de Dieu, mais par l’œuvre des hommes ! Dans des phrases révélatrices, l’auteur se rebiffe pour faire le constat d’un peuple sans rêves, ni espoir, courant derrière un pain amer, dur comme de la pierre, auquel il faut ajouter la folie meurtrière des hommes ! Rachid Ezziane décrit aussi le summum de l’horreur, des victimes décapitées devant les enfants par ces bourreaux, sans état d’âme, descendus d’une autre planète. Bachir a fait l’objet de cet enlèvement en sa qualité d’écrivain dans la langue des impies, comme le lui ont signalé ces barbares ainsi que plusieurs filles âgées de 14 à 20 ans. Sa mort sera programmée sur un bûcher. L’auteur décrit leur calvaire au milieu de la forêt quand ce qui les attend n’a pas de nom. «Le viol en masse comme les tueries massives ne dura pas longtemps. Une heure plus tard, les violeurs et sacripants laissèrent leurs proies couchées comme des bêtes sacrifiées sur l’autel de la honte.» Les otages ne furent délivrés de cet enfer qu’avec le concours de Zohra, une des premières filles enlevées, qui s’adonna pour la fuite à la pratique vieille comme le monde «d’aller exciter les trois sentinelles de ce macabre endroit». Mais l’horreur principale, quelques années plus tard, sera pour Bachir de se retrouver nez à nez avec leur ancien tortionnaire et émir qui coulait des jours heureux avec une boutique comme récompense ; quand Bachir, pour survivre, est devenu écrivain public. Sa plainte déposée pour enlèvement, séquestration et reconnaissance de l’infâme personnage fut retirée quand on lui susurra de manière officielle de tourner la page, de pardonner. Mais comment pardonner quand votre bourreau est là sous vos yeux et qu’il bénéficie de la clémence humaine? Va-t-il aussi bénéficier de la clémence de Dieu ?
Aksouh Fatma-Zohra, auteur
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/05/29/article.php?sid=100765&cid=16
29 mai 2010
Non classé