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Quand passent les icônes par Farouk Zahi

27 mai 2010

Contributions

Jeudi 20 mai, le Centre d’hôtellerie et de tourisme de Bou Saada est en effervescence. Il reçoit, en ce jour à marquer d’une pierre blanche, une des légendes vivantes de la Bataille d’Alger : Djamila Bouhired. Accompagnée de Khadidja Kacimi, sa compagne de toujours, elle a tenu en dépit des aléas de la route, à faire le déplacement, pour assister à la commémoration du 54e anniversaire de la grève scolaire du 19 mai 1956 organisée par l’Association culturelle « El Emir El Hachemi ».



Noyée telle une perle blanche dans un écrin de verdure, l’école hôtelière, œuvre du célébrissime Fernand Pouillon, inaugurée en mai 1969 par le défunt président Houari Boumèdiene, n’arrête pas à chaque fois, d’étonner le visiteur. Alliant le traditionnel et le moderne, elle offre un espace convivial qui pourfend l’austérité coutumière des établissements d’enseignement ou d’apprentissage. Le directeur, M.Amar Labed, entouré de son staff, reçoit la Dame sur le perron couvert non pas d’une bâche, mais d’une authentique tente de transhumance. Rayée de rouge et de noir, elle est l’expression atavique des armoiries de la grande tribu des Ouled Nail. Toute une symbolique.

Au salon d’honneur bondé, c’est le bonheur qui se lit sur tous les visages. Personne ne songe à serrer la main à Djamila, on l’étreint affectueusement pour lui dire des mots ne pouvant être que sincères. Le trémolo vocal se saisit de l’intellectuel à l’instar de Kamel Bouchama, invité pour la circonstance, au moudjahid tel Thameur Bachiri, président de l’Association du 1er Novembre 1954. Le consensus autour de l’icône est bien là, attachant et désintéressé. L’Algérie, meurtrie par sa nuit coloniale, se regarde sereinement à travers sa suppliciée maintenant apaisée. L’assistance, constituée de personnes de tout âge dont d’anciens acteurs de l’épopée estudiantine, reçoit par une ovation nourrie, l’illustre hôte. Entamé par la récitation de quelques versets du Coran et l’hymne national magistralement exécuté par « Faoudj El Badr » des Scouts musulmans algériens et placé sous l’égide du wali de M’Sila, le deuxième colloque culturel intitulé:

Connaissances pour le développement était ouvert par un bref discours inaugural de M. Lembarek Amrane, premier magistrat de la cité.

Il célébrait les sacrifices d’une jeunesse qui a su relever le défi, à une étape décisive de l’histoire de son pays. Discrètement émue, Djamila ne manqua pas d’offrir les fleurs qui lui étaient destinées au plus jeune des louveteaux. Ahmed Rachedi et Hassan Kechach, invités de la ville, ont tenu quant, à eux à faire assister à l’évènement, l’esprit de Mostefa Benboulaid, à travers la fresque filmique éponyme qu’ils se promettaient de projeter.

Dirigés par Mohamed Saidi, intellectuel et ancien ambassadeur et Amar Abdelatif, un des tous premiers agronomes algériens et ancien élève du lycée de Maison Carrée (El Harrach), les travaux débutèrent par une magistrale conférence de Kamel Bouchama, intellectuel et auteur prolifique sur le parcours de Abdelkader en terre du Ec Sham. Beaucoup de zones d’ombre entourant la vie de l’homme d’Etat et de l’érudit ont été éclairées par l’orateur. La langue arabe étayée par quelques propos pris à la langue de Molière et parfois au langage parlé, ont aidé à la compréhension générale du thème.

L’engouement suscité par cet auteur, a débuté la veille, lors d’une vente dédicace organisée à la librairie Saadane. Le stock d’œuvres ramené dans l’escarcelle, fut contre toute attente, vite épuisé. Le préjugé ancré dans les esprits, a été réduit en poussière par un lectorat décidément en latence. Mr Abdelmadjid Rezkane, ancien cadre ministériel, ancien président de la fédération de basket ball et promoteur des marathons nationaux, invité lui aussi du colloque, a entamé en parallèle, la prospection à la découverte d’un éventuel parcours pour l’organisation future, d’une compétition à l’instar de celle des dunes.

Le deuxième exposé consacré, au développement local avait pour thème : Atouts et tourisme. Aidé en cela par des planches projetées sur écran, le talentueux professeur Yacine Ould Moussa économiste, consultant et expert international fit boire ses paroles à l’assistance. Il abordait ainsi les tenants d’un tourisme de proximité où la ville en tant qu’entité socio culturelle, pouvait répondre à toutes les sollicitations du produit touristique. Les commodités de la mobilité, des communications, de la sécurité dans sa dimension générique et sanitaire notamment doivent se constituer autour du gîte et du couvert. Ce créneau, porteur dans le contexte, peut être avantageusement investi tout comme celui des PME /PMI. La zone d’expansion touristique (ZET), livrée aux alèas du temps et du béton, peut être avantageusement soustraite à la curée.

L’exposé du Dr Benadouda, ancien cadre de l’Etat et actuel maire de la glorieuse Guenzet (Sétif), dernier de la séance de la matinée, a été délivré sous la forme d’un témoignage sur la création de l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) et l’aboutissement à la grève déclenchée le mercredi 19 mai 1956. Il se rappelle encore, en dépit du temps passé, les figures de proue de cette historique déferlante.

Chargé de l’encadrement de la colonie estudiantine de la deuxième université de France qu’était celle de Montpellier, il se rappelle des enfants de Bou Saada tels que Cheikh Abdelatif et les défunts Belgacem Belamri et Abdelmadjid Bensalem, respectivement étudiants en pharmacie pour les premiers et en médecine pour le troisième. Les étudiants algériens structurés, loin certes du champ de bataille, ont joué un rôle prépondérant dans les arcanes diplomatiques dans les pays, où ils résidaient dira-t-il. Et c’est à ce titre que des bureaux furent ouverts dans plusieurs capitales européennes. L’orateur évoquera son expérience au bureau de Madrid que les aboutissants de la politique gaullienne de terre brûlée, feront martialement fermer. Il sera même emprisonné pour délit de subversion. La section d’Alger, constituée autour de Mohamed Seddik Benyahia président, comprenait Amara Rachid vice président, Hafsa Bisker secrétaire générale, Zoulikha Bekadour trésorière. Mohamed Lounis, Salah Benkobi, Mustapha Saber, Taouti et Benhassine étaient tous membres de l’organisation politique estudiantine naissante(1). Beaucoup de ces étudiantes et étudiants rejoindront le maquis, certains d’entre eux n’en reviendront pas ; d’autres constitueront le premier encadrement du jeune Etat qu’ils auront arraché à l’hydre coloniale, par les larmes et le sang. La nouvelle organisation supplantait l’Association de la jeunesse estudiantine musulmane( AJEM), créée par Amara Rachid sous la houlette de Amar Ouamrane. Elle tenait le 13 février son assemblée constituante ; placée sous la présidence de Baghli, celle ci regroupait 200 membres, lycéens de terminale pour la plupart.

Les travaux reprenaient l’après midi par l’exposé de Mohamed Houari, professeur d’histoire au lycée Cheikh Abderrahmane Eddissi, autre figure de l’érudition locale à rayonnement national. Le thème en était le mouvement réformiste des Ouléma dans la cité séculaire de Sidi Thameur. Il aura à évoquer, les 21 membres fondateurs de la section locale présidée par le défunt Abderrahmane Terfaya. L’initiateur historique de la militance nationaliste a été Hadj Zerrouk Khalifa qui a, lors d’un périple au Macherek qui a duré 3 ans, rencontré Cheikh Abdelhamid Benbadis à l’université d’El Azhar. Et c’est en 1931 qu’ils décidèrent d’un commun accord, de se constituer en association scientifique.

La section de Bou Saada voyait le jour en 1932, son fief en était la mosquée des Ouled Hamida. Sa gestion autonome échappait à la machine bureaucratique coloniale. Ainsi, la medersa libre mixte faisait ses premiers pas. La nouvelle orientation religieuse modernisait les concepts et préparait les masses à l’éveil nationaliste. De nombreux élèves de l’illustre cheikh répondirent à l’appel de la mère-patrie, huit d’entre eux, consentirent le sacrifice suprême lors de l’insurrection armée.

L’intermède musical et poétique délivré par le violoniste et compositeur Mohamed Chemissa et le poète bilingue Bachir Meftah n’a pas manqué d’ajouter un zeste d’allégresse à la fête. Le cérémonial de délivrance de diplômes d’honneur aux acteurs morts ou encore vivants de la grève et qui prirent les armes de la résistance clôturait les travaux.

C’est ainsi que les proches reçurent la distinction des cinq(5) chouhada connus : Mohamed Attig, Mohamed Baza, Mokhtar Abdelatif, Said Henni et Hamid Bensalem. Emus, certains parmi les survivants au nombre de huit (8), ont eu droit aux honneurs appuyés de l’assistance. Il s’agissait de Hafsa Bisker*, Louiza Bouziane*, Mustapha Ayata*, Hamdane Lomri* Abderrezak Chérif*,Mohamed Bensiradj*, Belhadj Bensalem et Mohamed Bensalem. La cérémonie était rehaussée par la présence de Chabane Hamouda, professeur d’université chercheur, digne fils de Si El Haouès. Il tient, par attachement à la région, à marquer par sa présence, tout évenement d’ordre historique ou culturel. Hassan Kechach, a, dans une impeccable incarnation du personnage du lion des Aurès, fait oublier, le temps d’une longue projection de 2H30 le désespoir et la frustration. Clôturant la journée, la projection suivie dans un silence religieux, fut longuement ovationnée. L’émotion, bien vive, se lisait sur tous les visages, beaucoup n’ont pu contenir leurs larmes. Ne dit on pas que c’est dans la grande douleur que naissent les grandes espérances ? L’image la plus sublime à retenir de cette communion a été, sans nulle doute, ces jeunes filles et ces jeunes gens agglutinés autour de l’icône révolutionnaire, soit pour un entretien, soit pour une photo souvenir. Magnanime, notre héroïne s’est prêtée, sans impatience aucune, au jeu. Son livre d’or était bien vivant, il lui parlait même. Qui a dit que les jeunes ne connaissent rien à la révolution ?

La soirée de clôture de cette mémorable journée, eut lieu dans le jardin flamboyant de lumières du « Kerdada » (ex.Transat.). La chorale « El Anouar » a excellé dans les registres du « tarab el arabi » et dans celui du terroir. Les bardes populaires : Nouibet, Oumhani et Abdelghafar accrochèrent par leurs épîtres bédouines l’oreille habituée, à celles de Ben M’Saib ou de Bensahla ; la différence était à peine perceptible.

Il y a lieu enfin, de rendre un hommage particulier, aux chefs d’entreprises locales et Inalca-Algérie qui ont permis à la manifestation de se dérouler dans les meilleures conditions matérielles. L’acte culturel, peut être parfois, de la seule initiative de la société civile.

Source:

(1) Mme H. Bentoumi née BiskerLe 24 mai 2010

Renvoi:(*) officier de l’ALN

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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