Avec la projection ce soir de «Hors-la-loi», de Rachid Bouchareb, le 63e Festival de Cannes, qui s’achèvera dimanche avec la remise de la Palme d’Or, promet d’être remuant. Ce film concourt sous pavillon algérien et aligne au générique Jamel Debbouze, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan ; il court des années 1930 à 1962 et raconte l’histoire de trois frères chassés d’Algérie, qui survivront aux massacres de Sétif, le 8 mai 1945.
Une marche silencieuse est prévue jusqu’aux marches du palais, manifestation qui risque d’être perturbée par les membres les plus radicaux d’associations de rapatriés.
Un dépôt de gerbes en souvenir des victimes de la guerre d’Algérie est prévu ce matin à Cannes. Arrivé dès mercredi sur la Croisette, Rachid Bouchareb, qui ne se montre pas, a tenté dès l’ouverture du Festival de calmer le jeu. Peine perdue. « Il est très énervé par le tour qu’ont pris les choses », confiait hier un témoin, tandis qu’on apprenait par voie détournée que les services de sécurité et ceux des Renseignements généraux étaient particulièrement en alerte. Par voie détournée ?
C’est qu’officiellement, le mot d’ordre semblait être au silence. Un rendez-vous pris à la mairie débouchait au final sur un négligent No comment. Du côté de l’organisation du Festival, on assurait angéliquement n’avoir pas prévu de mesure de protection spéciale. « Nous n’avons reçu aucune menace, renchérissait-on dans l’entourage du film. Bien sûr, des bodyguards étaient prévus pour Jamel Debbouze et Roschdy Zem arrivés hier soir mais c’était en raison de leur notoriété.
Quant à la montée des marches, elle aura bien lieu. Reste à savoir dans quelle atmosphère et avec quelles forces de police dans les parages.
La polémique est née, fin avril, du député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca, attaquant la véracité historique du film. L’incendie n’a pas tardé à se déclarer. L’extrême droite, mais aussi des associations de harkis, d’anciens combattants et de pieds-noirs accusent haut et fort Bouchareb d’être un « faussaire ». Elle suscite sur Internet de virulentes réactions.
Le film s’ouvre par six minutes sur les massacres de Sétif du 8 mai 1945, défilé en l’honneur de la victoire qui tourna à l’émeute et à une répression sanglante de la population algérienne par l’armée française.
Ce qui a valu au réalisateur d’« Indigènes » d’être accusé de « négationnisme » et d’avoir voulu « glorifier les porteurs de valise du FLN ». Selon un rapport du service historique de la Défense, rédigé par le général Robert, le film fourmille « anachronismes » . Reste que les personnalités politiques qui s’indignent n’ont pas vu le film ! A la différence du ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, qui défend le caractère « romanesque » de « Hors-la-loi », une oeuvre qui, selon lui, « n’a pas vocation à être un film historique ».
L.M.
(Source : Le Parisien)
23 mai 2010
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