Le film Hors-la-loi de Bouchareb tombe à point puisqu’il vienne remettre les pendules à l’heure. Les réactions passionnées, démesurées, disproportionnées, aveugles et subjectives qu’il a suscitées lors de sa projection au Festival de Cannes montrent qu’une certaine France reste crampée à un passé nostalgique. Comment peut-on porter des jugements divers sur un film qu’on
n’avait pas encore vu ? Comment peut-on, pour refuser la réalité historique, verser volontairement et consciemment dans l’amalgame, l’invective, la rancune et la honte ?
Les quelques centaines de personnes mobilisées à Cannes, lors de la projection du film, toutes tendances confondues allant du parti au pouvoir l’UMP, à l’extrême droite en passant par les harkis et les tortionnaires d’hier, âgées, malades et hystériques ne sont pas représentatives de toute la France. Cela faisait le ridicule de les voir brandir des drapeaux et exhiber leurs poitrines chargées de médailles dont la plupart ont été acquises sur les champs du déshonneur à Sétif, Guelma, Kherrata, en Kabylie, dans les Aurès, dans la Casbah d’Alger, dans l’Ouarsenis, dans les monts de Tlemcen, à Béchar, Tébessa, dans l’unanimité de notre Sahara, en un mot dans toutes les contrées de notre chère Algérie.
Ces vestiges de la colonisation ne peuvent absolument rien contre l’histoire. Ils ont beau gesticuler, menacer et appeler à la rescousse un sentiment national anachronique avec les réalités d’aujourd’hui, il est un fait avéré que les générations actuelles françaises sont aux antipodes de ce passé détestable de leur pays. D’ailleurs, une jeune femme qui a assisté à la projection de ce film a répondu à une question qui lui a été posée : “… Maintenant, je vais me renseigner sur ce qui s’était passé”. En réalité, ce qui dérange réellement ces nostalgiques, ce sont les comportements de ces générations montantes qui sont en droit de connaître la vérité sur les guerres coloniales, en général et la torture généralisée et les génocides commis, en particulier. Quand le sinistre général Aussares a confirmé la pratique de la torture, par l’armée coloniale, sa propre famille, et en particulier sa fille, a tout simplement rompu avec lui. Alors, pour revenir aux faits, le 8 mai 1945, la France a procédé à une véritable chasse à l’Algérien, en exterminant de sang-froid 45 000 civils qui n’avaient pour armes que leurs mains et un sentiment de liberté. A l’époque, il n’y avait ni FLN ni ALN mais tout simplement un peuple qui voulait en finir avec le colonialisme. La réaction barbare des colons et de l’armée française a inspiré les Algériens que seule la lutte armée est susceptible de mettre fin au joug colonial. C’est la naissance de l’esprit du 1er Novembre 1954.
Il y a un contraste saisissant entre l’Algérie et la France. L’une célèbre toujours avec ferveur, sérénité, et sans la moindre rancune les sacrifices incommensurables de son peuple pour sa liberté, tandis que l’autre ressasse son passé colonial avec nostalgie, tapages et des rancœurs détestables. Mais, au fait, combien de films français ont été produits pour condamner les crimes
nazis ? Cela n’a pas empêché la réconciliation franco-allemande. La grandeur de la France ne mérite-t-elle qu’elle présente, au moins, des excuses, à un peuple qui a tant souffert de ses exactions.
Mehdi C.
23 mai 2010
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