Rachid Bouchareb, le souffre-douleur de l’extrême-droite en France, a présenté Hors-la-loi, vendredi, au 63e Festival de Cannes l Il mérite largement de remporter un grand prix, sinon la palme.
Cannes (France)
De notre envoyé spécial
La Croisette, en partie envahie par un ramassis de pieds-noirs et d’anciens tortionnaires, était vendredi sous haute tension, avec CRS et gendarmes en tenue de combat à tous les carrefours. A la projection de presse du matin, Hors-la-loi a été très longuement applaudi et la salle de conférences de presse vite remplie de journalistes et de cameramen de télévision. très émouvante, superbe, Chafia Boudraâ a créé une énorme sympathie parmi les envoyés spéciaux du monde entier en parlant de son rôle de mère dans le film : « Je suis la mère du monde entier, votre mère aussi… », a-t-elle déclaré sous des applaudissements nourris. Hors-la-loi est un film riche en rebondissements, avec des situations très fortes menées jusqu’au bout. C’est une œuvre de colère, de révolte et de larmes. C’est aussi une histoire d’amour de trois fils pour leur mère.
La monstrueuse répression de Sétif de mai 1945 s’est passée le jour de la libération de Paris. Le film commence par des photos d’archives de Paris en liesse. Il se termine par les images d’Alger en juillet 1962 et la fête d’Indépendance. Après la mort du père à Sétif, la mère, modèle de bonté et d’endurance, a quitté le pays pour un bidonville de Nanterre. Les trois frères ont grandi. Messaoud (Roshdy Zem) s’est engagé en Indochine, Abdelkader (Sami Bouadjila) est devenu le chef d’une cellule FLN, Saïd (Jamel Debbouze) a préféré les sordides bas-fonds de Pigalle et le monde compromettant de la boxe. Tous les trois sont restés profondément liés à leur mère. Le début du film fait songer à Chroniques des années de braise de Mohamed Lakhdar Hamina.
Notre mère, la terre
La famille de paysans est expropriée de sa terre par un ordre outrancier du régime colonial. moment extrêmement émouvant du film quand l’image enregistre la détresse de toute l’Algérie dépossédée. On admire là la performance d’acteurs d’Ahmed Ben Aïssa, le père, et déjà celle de la mère, Chafia Boudraâ. Un tableau de l’occupation coloniale d’une extrême noirceur et la violence de la répression qui a poussé tant d’Algériens à l’émigration. Se posait alors la question de l’organisation de la lutte sur le territoire même de la France. Des cellules de résistance sont mises en place avec l’aide discrète, mais fort courageuse d’hommes et de femmes français au mépris de leur vie.
Bouchareb illustre dans son film, de façon dramatique, la lutte FLN-MNA avec des règlements de comptes terrifiants, qui balayent la croyance naïve que le combat nationaliste était mené dans l’union sacrée. Hors-la-loi a fait une grande impression encore une fois à Cannes. Depuis des jours, toute la presse mondiale attendait la projection. Rachid Bouchareb a affronté sereinement tous les détracteurs de son travail sans l’avoir vu. Hors-la-loi est un film, ce n’est pas un champ de bataille, répétait-il lors de sa conférence de presse. C’est une œuvre qui vise à l’apaisement des relations franco-algériennes, et non le contraire. L’abcès du passé colonial est maintenant percé, tout le monde va pouvoir s’exprimer.
Le public comme les historiens. « De quoi faut-il avoir peur ?, demande le cinéaste. Les Algériens, les Français, les Maghrébins, les Africains, surtout les nouvelles générations, ont besoin de connaître le passé colonial. C’est aussi le rôle du cinéma. »
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23 mai 2010
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