Edition du Samedi 22 Mai 2010
Avec De Pomaria au Jardin de France, le cardiologue aspire à rendre hommage aux personnes qui, un jour ou l’autre, ont été dans sa vie, furtivement, le temps d’une rencontre, ou durablement, et qui fait de lui ce qu’il est aujourd’hui.
“Chaque révolution a ses panthéons et ses saints mais elle a aussi ses humbles et ses anges, c’est un devoir de mémoire que d’évoquer leur nom et surtout rappeler leur engagement et le sacrifice de leur vie qu’ils ont consenti pour que l’Algérie soit indépendante”, lit-on dans l’avant-propos de cet ouvrage bouleversant, qui transporte et tient totalement en haleine son lecteur, qui découvre des gens ordinaires, placés dans des situations extraordinaires. Le résultant n’en est que plus émouvant.
Mérad Boudia Kheir Eddine témoigne dans son ouvrage, paru aux éditions Thala, de sa vie, des anonymes qui l’ont traversée et dissèque, avec humilité et réserve, une partie de l’histoire nationale. Organisé en neuf chapitres, De Pomaria au Jardin de France se départage en deux grandes parties. Dans la première, il s’intéresse à la ville de Tlemcen, qui a porté pendant très longtemps le nom de Pomaria. Le professeur Mérad Boudia Kheir Eddine dit son grand amour pour Tlemcen à travers des descriptions de sa beauté exceptionnelle, des innombrables conquêtes et de ses mille et une légendes.
Avec un brin de nostalgie, quelques notes de mélancolie et un zeste de tristesse, l’auteur relate les petites et grandes histoires de cette ville, au passé glorieux, mais qui peine — parfois — à se fondre, de peur de se confondre. Dans la deuxième partie, Mérad Boudia Kheir Eddine s’intéresse, avec sa plume fébrile, trempée dans un grand bain d’émotion, à la vie de l’entre-deux-guerres. Misère et pauvreté sont au centre du récit et des souvenirs de l’auteur. Il y relate les conditions de son départ pour la France, la vie au pays des droits de l’homme, sa jeunesse désinvolte et toutes les personnes que son parcours a croisées. Cet ouvrage est un témoignage poignant et son auteur n’a d’autre prétention que d’accomplir un devoir de mémoire envers son pays, envers son histoire et surtout envers une jeunesse perdue, qui n’a parfois pas choisi de se sacrifier, mais qui l’a fait pourtant, et qui a contribué, même sans le vouloir, à l’indépendance du pays. Évoquer le nom de ces inconnus dans un livre, c’est les faire vivre éternellement. Avec De Pomaria au Jardin de France, le cardiologue aspire à rendre hommage aux personnes qui, un jour ou l’autre, ont été dans sa vie, furtivement, le temps d’une rencontre, ou durablement, et qui fait de lui ce qu’il est aujourd’hui.
Ce témoignage de 280 pages est également une manière de raviver le souvenir et de ne pas oublier que si l’Algérie est indépendante et souveraine, c’est grâce aussi au sacrifice de nombreuses personnes, mortes dans l’anonymat le plus total. Le livre est également un acte de courage et de résistance, qui démontre avec clarté, clairvoyance et surtout sans haine ni rancœur, les méfaits de l’occupation française en Algérie.
De ce point de vue, De Pomaria au Jardin de France est comme une réaction, sereine et intelligente, à la loi française du 23 février 2005 glorifiant “les bienfaits du colonialisme”.
De Pomaria au Jardin de France, de Mérad Boudia Kheir Eddine, témoignage, 280 pages, éditions Thala, Algérie 2009
22 mai 2010
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