Le Carrefour D’algérie
On les aime un peu, beaucoup, pas du tout ou seulement de loin. De près, on les jalouse, on les supporte, on les déteste, on les regarde ou on attend qu’ils repartent. Qui ? Nos immigrés qui reviennent chaque été.
On aime bien chez eux leurs noms de famille qui est le nôtre, leurs enfants qui bégaient notre langue algérienne et reconnaissent à peine leur cousin. On aime aussi leurs valises, ce qu’ils nous apportent chaque saison chaude, les morceaux de savon ou les vieux foulards impossibles, on aime aussi leurs devises avec «taux de change familial», et on aime leurs voitures et leur manière de dépenser pendant leurs vacances. Et pourtant, le retour de nos immigrés dans nos familles n’est pas souvent heureux. Les Algériens ont appris à ne pas aimer l’avarice des immigrés «quand on va chez eux là-bas», leur cœur qui devient dur avec le temps et les décès des plus proches, leurs calculs et, parfois, leur indifférence qui peinent à cacher. Le pire dans le retour saisonnier de nos immigrés reste pourtant leurs enfants : de plus en plus insupportables au fil des générations. On reconnaît presque les enfants des immigrés dans les aéroports, dans les banques, dans les marchés et à la plage, à leurs cris, impolitesse ou crise de rage et de nerfs. Ce n’est pas le cas de tout mais de presque tous et il faut l’admettre. Les enfants des immigrés sont l’illustration de leurs malheurs et tristesse intimes : entre deux mondes, ils n’en ont aucun. Les Algériens d’ici n’aiment pas enfin, cette arnaque par la tendresse qui fait que lorsqu’une famille d’immigrés débarque chez nous, on lui sacrifie salaires et mouton mais lorsque l’un de nous débarque là-bas, dans le cas heureux où on lui a finalement envoyé un certificat d’hébergement après mille supplications, on lui demande presque la date de son billet de retour dès le second repas. Mais passons, nous en Algérie, on reste généreux comme notre terre. Les immigrés eux, peuvent être tristes et avares comme leur terre d’accueil qui ne veut pas les accueillir.
22 mai 2010
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