F inalement il y a deux films « hors la loi », l’un réalisé par un gé nie, l’autre par un mauvais génie. Pour le « hors la loi » en compétition à Cannes, les acteurs sont connus : Jamel Debbouze, Sami Bouajila et Roschdy Zem. Pour le « hors la loi » algérien, les acteurs sont plus nombreux : Ali Kafi, Saïd Sadi, Benachenhou, le neveu de Abane, le député RCD Aït Hamouda, etc.
D’ailleurs, dans le film « algérien », le statut de hors la loi est flou et on ne sait pas qui est dans la loi et qui est « hors ». A tel point que l’opinion nationale qui n’existe pas a fini par se lasser et veut aller elle-même dans l’au-delà pour trancher. D’ailleurs, fait curieux, à chaque fois qu’il y a débat sur l’histoire algérienne par des Algériens, il y a polémique avec un même schéma : il s’agit d’un valeureux martyr dont on s’interroge sur la mort suspecte, dont une partie jure l’avoir connu, et l’autre jure ne pas l’avoir vraiment trahi. De suite, quelques témoins collatéraux en viennent à faire des révélations de plus en plus graves, des meurtres de plus en plus sombres et d’assassinats de plus en plus proches de la surface. Au point de justifier cette question posée par un ami sur la dernière polémique née après le livre de Sadi sur Amirouche : « Mais la France a tué qui finalement ? On a l’impression qu’elle a tué un Algérien sur le total de quatre martyrs. » Car l’impression est que les héros algériens se sont plus entretués que combattus et le chiffre des martyrs semble être une addition de massacres français et de fratricides algéro-algériens. Le « Qui tue qui ? », intelligente manoeuvre des années 90, est désormais une recette propulsée, rétroactivement, vers la période 1954/1962.
On ne sait plus « qui tue qui », et donc tout le monde a tué et chacun selon sa conception de l’indépendance. L’autre constat est plus terrible : le chroniqueur se souvient de cette période d’enfance où la gendarmerie d’un village arrêta des enfants qui avaient déterré les ossements d’un mort dans un cimetière français et qui avaient été surpris à jouer au ballon avec son crâne. Aujourd’hui, pas la peine de faire le parallèle : les restes de Amirouche servent à des adultes pour le même geste cannibale, car le cannibalisme mémoriel existe : si on a refusé la tombe à Amirouche, c’est aussi pour mieux le manger ; si on déterre de temps à autre un héros, c’est pour mieux se nourrir. Dans le cas d’Amirocuche, on laissera Aït Hamouda répondre à Benachenhou, Sadi répondre à l’histoire officielle, Kafi répondre dans le vague, et on retiendra un seul fait fascinant comme geste, acte et psychanalyse : le cadavre d’un héros de la révolution a été séquestré dans les sous-sol de la gendarmerie pendant des années. Enigme fascinante, raisons troubles, acte de parricide invraisemblable. Combien de cadavres dorment encore dans les sous-sols du pays ou dans les archives françaises ?
Pour répondre, il faut peut-être se dire que certains le savent. La loi sur la criminalisation de la colonisation française ne menace peut-être pas seulement les Français qui ont tué des Algériens mais aussi des Algériens qui ont tué leurs frères de combats? Mais dans tous les cas de figure, l’Histoire ne sent plus bon depuis longtemps, ni les archives françaises ou les dossiers de l’ancien colonisateur. Si on a conclu que la polémique sur Amirouche est née au moment où certains demandent de criminaliser la France coloniale, on tombe dans le club « Benachenhou » et on masque la vérité par la théorie du complot. Si on dit que Amirouche a été tué par le clan de Oujda, on est accusé de régionalisme et on retombe dans le nationalisme incestueux ou dans l’anti-Bouteflikisme et le Bouteflikisme. Si on ne dit rien, on est un végétal, un citoyen inutile, un complice par le silence et une amibe qui ne mérite pas l’Indépendance ni la vérité et on sert de sous-tasse pour les Ali Kafi & Cie.
Si on dit quelque chose, on est acteur du « hors la loi » local ou on risque de se tromper tant la vérité est une allumette qui tient tête à un orage. Si on se détourne de ce débat, le mensonge deviendra de plus en plus gros avec les siècles et on finira par être tous complices de meurtre et de dissimulation de cadavres. Solution ? Attendre qu’ils meurent tous, enfin. Nous, au moins, on aura la politesse de les enterrer, l’élégance de ne pas mentir sur leur mort et la correction de vraiment libérer ce pays de la colonisation et de l’auto-colonisation par les pairs. Chaque martyr pourra alors reposer en paix : qu’il soit tombé au champ d’honneur à cause d’une balle française ou à cause d’un croche-pied de l’un de ses «frères».
23 mai 2010 à 19 07 12 05125
La différence entre le système politique français dans la défense de ses crimes et la caste politique en exercice en Algérie est aussi grande et profonde que l’est la méditerranée. Comment ne pas resté ébahi et admiratif devant le tohubohu médiatique privé et étatique soulevé par le film « les hors la loi » oeuvre de français d’origines maghrébines alors qu’un livre d’un homme politique Algérien fort connu pour son engagement et psychiatre de formation sur la séquestration officielle de la dépouille d’un héros de la révolution n’a pas perturbé les médias de la caste au pouvoir en Algérie. Le système médiatique de la caste au pouvoir ne s’est pas gênée pour s’inviter à ce tohubohu franco-français car pour les ALGÉRIENS l’Histoire a déjà condamné et sans appel l’occupation et les crimes commis par la soldatesque colonialiste française du 5 juillet 1830 au 5 juillet 1962.