Sur une émission de grande écoute de la radio Chaîne III, consacrée aux animaux domestiques de compagnie – chiens, chats, oiseaux –, le vétérinaire, invité de l’émission, est quelque peu pris de court par le problème exposé par un auditeur. Propriétaire d’une chatte qu’il voulait stériliser, un non spécialiste lui a fait savoir que la stérilisation est interdite par l’Islam, qu’elle est «haram» ! Et de demander au vétérinaire, qui ne s’attendait certainement pas à l’intrusion du religieux dans le soin aux animaux, ce qu’il devait faire.
Bien évidemment, notre vétérinaire, qui n’est pas né de la dernière pluie, s’est borné à l’informer, lui expliquant que plusieurs portées pouvaient présenter un danger pour la santé. Et que pour le reste, c’est au propriétaire de l’animal de décider de ce qu’il doit faire ! Cette intrusion du religieux dans un tel domaine ne relève pas de l’exception. Ceux qui tirent les ficelles, via leurs blogs, dialoguant avec les internautes sur des sujets très divers, et même par le canal de la télévision, poursuivent toujours le même but : donnant leur avis sur tout, décrétant ce qui est licite et ce qui ne l’est pas, à travers la diffusion à grande échelle d’un islam normativisé, ils visent à régenter la société. À faire accepter, sans violence, par une majorité d’Algériens, ce projet de société que ni l’ex- FIS ni les groupes armés qui s’en réclamaient ne sont parvenus à imposer par les armes. Les conditions sociopolitiques – division et démobilisation du camp démocrate avec pour conséquence le recul des idées de progrès et de modernité – sur fond de verrouillage des espaces d’expression libre, favorisent ces islamistes de type nouveau, momentanément «pacifiques», dans leur entreprise d’embrigadement de la société. En tout cas, force est de constater qu’ils occupent librement le terrain, et grâce aux relais dont ils disposent au sein des institutions, ils initient des actions pour interdire certaines activités, fermer des bars-restaurants quand ce ne sont pas ces mêmes pouvoirs publics qui anticipent leurs désirs en procédant à leur fermeture ! Pire, certains pensent qu’en favorisant la diffusion du salafisme en Kabylie (ce qui est le cas puisque dans certains villages, des habitants ont interdit la construction de nouvelles mosquées), on viendra à bout de la question identitaire, voire qu’on arabisera cette région grâce à l’Islam ! En revanche, ces mêmes autorités ne se privent pas de réagir au quart de tour dès lors qu’une association, un syndicat, un parti, essaie d’organiser une rencontre, un débat sur un sujet concernant le devenir des Algériens, le statut des femmes, l’état des libertés syndicales, le religieux et le politique, le social et l’économie. Il en est ainsi de la fermeture de la Maison des syndicats, seul lieu de rencontre des organisations syndicales autonomes. Les mêmes interdits frappent certains écrivains ou cinéastes comme Malek Bensmaïl, dont le film-documentaire sur le village des Aurès de Ghassira n’a pas reçu un visa d’exploitation parce qu’il montre une Algérie que seuls les gens murés dans leurs bureaux, coupés du réel, ne veulent pas voir ou passent sans voir. L’expérience récente, mais combien douloureuse, du pays a montré que l’instrumentalisation du religieux a des limites. Les pouvoirs précédents qui s’y sont essayés ont échoué. Face aux problèmes de toutes sortes auxquels est confronté le pays – baisse du pouvoir d’achat, chômage, paupérisation, logement –, user du fait religieux pour faire diversion ne dure qu’un temps. Car, arrive un moment où l’accumulation des problèmes non résolus va créer une situation où ces islamistes, sur lesquels compte le pouvoir pour retarder l’échéance, vont faire comme leurs aînés de l’ex-FIS en octobre 1988, prendre le train de la colère sociale en marche et le retourner.
H. Z.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/05/20/article.php?sid=100416&cid=8
21 mai 2010
Contributions