L’économie mondiale va de crise en crise. D’une manière ou d’une autre, l’Algérie en subit les effets, même s’ils sont atténués par l’existence d’un épais matelas de réserves de change. On peut le concéder néanmoins: l’économie algérienne est plutôt éloignée des convulsions mondiales. Trop peut-être, puisque ceux qui sont en charge de notre économie s’accommodent d’une pernicieuse léthargie.
Les opérateurs étrangers, commerçants ou investisseurs, ne se sentent plus les «bienvenus», pour reprendre la formule du Financial Times. Si on peut ne pas prêter trop d’importance à ce qui se dit à l’extérieur, on ne peut occulter les réalités. Depuis juillet 2009, avec la LFC, l’Algérie s’est installée dans une logique purement défensive. Au point où même le FCE, qui a souvent appelé le gouvernement à modérer sa tendance à accélérer l’ouverture de l’économie, est aujourd’hui mal perçu.
Le gouvernement a renoncé aux privatisations (celle du CPA a été arrêtée in extremis) et il serre la vis dans tous les sens. Devant la crainte d’une aggravation de la crise économique en Europe et dans le monde, le pouvoir algérien donne l’impression de vouloir reprendre le contrôle de l’économie nationale par le contrôle de ses flux externes. Les informations sur l’état de l’économie mondiale, répercutées par la presse économique, n’incitent pas à l’optimisme.
Ne plus se retrouver dépendant du FMI est un souci évident et il explique la mise en œuvre d’une politique de surveillance de la position financière vis-à-vis de l’étranger. C’est, estiment des experts, un pis-aller. On y a recours à défaut d’être en mesure de stimuler une activité interne soutenue et compétitive à plus ou moins long terme.
Dans un système peu productif et exagérément structuré sur la rente pétrolière, la seule variable sur laquelle peuvent agir les autorités face aux aléas économiques externes, est celle qui consiste à comprimer les transferts vers l’extérieur. Restreindre les importations, limiter les exportations de devises et protéger ainsi, vaille que vaille, des réserves de change dont le niveau, encore élevé pour l’instant, risque d’être affecté par une éventuelle baisse sérieuse des prix du pétrole.
Cela fait-il une politique économique ? Non, car il s’agit surtout d’un dispositif de sauvegarde a minima qui permet de préserver – pour combien de temps ? – ce qui peut l’être. La seule réponse effective serait de créer les conditions pour relancer l’investissement et la production. C’est, on a fini par le comprendre, plus facile à dire qu’à faire.
On reste dans l’attente d’une véritable révolution copernicienne au niveau d’une administration qui continue de fonctionner selon des règles depuis longtemps tombées en désuétude. Notons cependant que le discours officiel a pris ses distances avec les mythes ultralibéraux en vogue depuis l’ajustement structurel de 1994.
De fait, l’ouverture à tous crins et le bégaiement simiesque des doctrines libérales n’ont pas permis de faire bouger l’économie. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain et faire machine arrière vers le dirigisme autoritaire subi dans les années 70 ? Non, également. Cela aussi, on finit par le comprendre, est d’un coût élevé. Le centralisme économique n’a d’autre vertu que la stérilisation des initiatives. Il ne s’agit pas de réinventer l’eau tiède.
La voie la plus efficace a été défrichée bien avant nous par des pays aussi différents que la Malaisie, la Corée du Sud ou la Chine. Le souci d’efficacité conduit naturellement au pragmatisme et à éviter les slogans creux. Les modèles asiatiques, et plus généralement ceux des nouveaux pays émergents, se fondent tous sur l’économie mixte, où l’administration coordonne et soutient l’activité interne en ne se privant d’aucun instrument public ou privé.
Les investisseurs étrangers, attendus comme le Messie, n’ont aucun intérêt à investir dans un pays qui absorbe tout ce qu’on lui vend. Attendre de ses partenaires qu’ils viennent lancer les bases d’une production nationale compétitive consiste, l’expérience le montre cruellement, à se bercer d’illusions. La pensée magique au service d’intérêts bien compris ne suffit pas à installer l’économie nationale dans le cercle vertueux de l’entreprise créatrice de richesses et d’emplois. Salutaire piqûre de rappel et leçon de la crise mondiale.
19 mai 2010
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