Prologue
Ce livre doit beaucoup au président Bouteflika d’avoir vu le jour.
En décidant, par velléité contre un journal qui le dérangeait, de placer son directeur sous contrôle judiciaire, lui interdisant de quitter le territoire national, le chef de l’Etat a procuré au journaliste que je suis cette stabilité que la presse interdit souvent à ceux qui la pratiquent. J’ai pu ainsi prendre le temps de mes contacts, lire et compulser les quelques détails qui m’ont laissé entrevoir une carrière sans grandeur.
Ce livre n’est cependant pas un portrait à charge.
Il eût été bien superflu d’accabler l’homme quand il n’est en définitive que l’enfant adultérin d’un système grabataire et d’une démocratie violée.
Ce livre serait plutôt chronique d’un temps perdu.
Abdelaziz Bouteflika est la rançon, une de plus, versée par l’Algérie aux dépositaires divins de ce scrutin censitaire par lequel se choisit encore un chef d’Etat dans l’ombre.
L’imposture Bouteflika est née d’une certaine urgence, pour le système acculé, à conférer respectabilité à une carrière sans relief : l’Algérie était invitée à entrer au XXIe siècle sous la direction d’une figurine dont on avait fabriqué la gloire pour mieux s’en convaincre du destin.
D’un auxiliaire militaire on fit alors un civil réformateur, d’un autodidacte inaccompli un lettré, d’un maquisard occasionnel un héros de guerre, d’un noceur avéré un diplomate brillant, d’un dignitaire un opposant, d’un diviseur un rassembleur, d’un revanchard narcissique un prophète On a même fait de Bouteflika un célibataire endurci, alors que l’homme est marié depuis 13 ans !
Les parrains de ces sortilèges, pris à leur propre jeu, s’émeuvent, cinq ans après, que d’une vie si falsifiée on n’eût pu sortir qu’un président défaillant et sans envergure, intrigant, coupé de son époque, inapte à l’écoute, dépassé par ses charges
L’homme n’était pas préparé aux grandes décisions.
Méditer Bouteflika est vital pour les ultimes diagnostics de nos illusions. Au bout, nous ne saurons pas forcément ce qu’il faudra faire pour nos enfants. Nous saurons, en revanche, un peu plus de ce qu’il ne faudra plus jamais faire contre eux.
M. B.
12 mai 2010
Contributions