Parmi les sectes et les doctrines qui ont vu très tôt le jour dans la société musulmane, aux tout débuts, figure les partisans du calife Ali, appelés les kharidjites, mais qui, déçus, devinrent de farouches adversaires et des opposants irréductibles à sa politique.
Le kharidjisme Le kharidjisme est la doctrine d’un mouvement musulman schismatique qui s’est défini, une quarantaine d’années après l’hégire, par des revendications et un rigorisme à l’encontre desquels la majorité de l’Islam a fait front à travers le sunnisme et le chiisme. Les kharidjites, d’abord partisans d’Ali, s’en sont séparés en 657. N’admettant comme califes que ceux qui sont restés ou se tiennent dans ce qu’ils considèrent la «voie droite», ils ont fondé d’importantes communautés, dont subsistent aujourd’hui les ibadites du sultanat d’Oman et ceux d’Afrique du Nord (île de Djerba, M’zab). Les écoles de pensée Malgré la clarté et la simplicité de ses dogmes fondamentaux, l’Islam a connu une variété d’interprétations, allant de la simple accentuation d’un aspect présent dans le Coran jusqu’à la constitution de véritables sectes, souvent influencées par d’autres religions ou philosophies. Aux deux pôles de l’éventail des interprétations, on trouve la tendance mystique et spiritualiste (le soufisme), l’interprétation formaliste et rigoriste (incarnée notamment par le wahhabisme). C’est du côté du pôle mystique qu’il faut chercher les véritables sectes, à la limite de l’hétérodoxie, comme l’ismaélisme. Mais on doit se garder de croire que le courant mystique est toujours éloigné de l’orthodoxie et du formalisme. En fait, une intense spiritualité peut très bien s’associer avec un respect scrupuleux des pratiques extérieures de la foi. Le soufisme Le soufisme est la tendance mystique de l’Islam, qui cherche à dépasser les rites et les dogmes, sans forcément s’y opposer, pour permettre au croyant de vivre une forme d’union directe avec Dieu. Le soufisme est fondé sur l’initiation personnelle d’un disciple (murid) par un maître (pir). L’initiation se fait par la pratique de techniques d’extase ; leur but est d’amener le disciple, par des degrés successifs, à entrer en contact, voire à s’identifier à Dieu. La plus commune de ces techniques est le dhikr, ou récitation incantatoire d’un des noms de Dieu ; mais il y a aussi la danse (comme celles des derviches tourneurs de Turquie) ou la musique. Les systèmes théologiques (ou théosophiques) élaborés par les maîtres du soufisme ont tous en commun de faire une lecture allégorique du Coran. Le mystique doit remonter à Dieu en cherchant le sens caché, ésotérique, de la Révélation. Les soufis sont généralement organisés en confréries : chacune est dirigée par un pir, qui reçoit l’initiation par une chaîne de transmetteurs remontant aux origines de l’islam. Ces confréries s’appellent «voies», ou tariqa. Le soufisme a donné lieu à une littérature très riche (illustrée par le poète persan Hafez au XIVe siècle.). Il permet aussi bien d’exprimer une religiosité populaire (culte des «saints») qu’une forme très élaborée de philosophie. Il reste vivant dans le monde musulman, même s’il est souvent en butte aux attaques des réformistes, qui l’assimilent à une superstition, et des dogmatiques, qui le considèrent comme une hérésie. L’ismaélisme Le courant mystique a donné naissance à des sectes qui divergent parfois beaucoup de l’Islam orthodoxe. Les ismaéliens sont des chiites qui pensent que le septième imam, Ismaïl, est entré en occultation, et attribuent un caractère divin à la lignée des imams. Les ismaéliens ont développé un système de pensée influencé par la philosophie néoplatonicienne, dans lequel la Révélation apportée par le Prophète Mohamed (QSSSL) cesse d’être centrale. Secte mystique au début, les ismaéliens ont joué un rôle politique à l’époque des croisades chrétiennes, quand le chef militaire et religieux Hasan ibn al-Sabbah (mort en 1124) a mis sur pied une véritable organisation terroriste (connue sous le nom d’«Assassins» en Occident). Aujourd’hui, les ismaéliens forment une secte pacifique, implantée surtout dans la péninsule indienne et dirigée par la dynastie des Agha Khan. Druzes libanais et Alawites syriens ont une origine commune avec les ismaéliens. Le wahhabisme Le wahhabisme est né au Nadjd, le désert de l’Arabie, au XVIIIe siècle. Son fondateur, Muhammad ibn Abd al-Wahhab (1703-1792), a fait alliance avec Muhammad ibn Saoud, fondateur de la dynastie saoudienne. Mouvement sunnite, le wahhabisme ne reconnaît que le Coran et la sunna ; il refuse toute interprétation. Il condamne des pratiques implantées depuis longtemps dans l’Islam, comme le culte des saints ou le soufisme ; il renie, outre l’alcool, le jeu et la musique ; il rejette l’adoration de tout ce qui a pu être créé par l’homme (d’où la méfiance envers les images) et refuse en particulier la vénération de ce qui touche au Prophète (QSSSL) (tombeau, reliques, images). Les wahhabites sont particulièrement opposés au chiisme, accusé de diviniser Ali. Les lieux saints du chiisme en Iraq ont été détruits en 1802 par les wahhabites. Le wahhabisme s’est imposé en Arabie saoudite, grâce à la dynastie des Saoud, après la Première Guerre mondiale (1914-1918). Il a influencé des mouvements semblables dans la Péninsule indienne tout au long du XIXe siècle. (Suite et fin) R. H.
05-05-2010
5 mai 2010 à 19 07 21 05215
Les courants religieux dans l’Islam Une grande richesse pour la religion (I)
Révélé en 610 de l’ère chrétienne, l’Islam s’est difficilement propagé autour de La Mecque, avant de s’étendre à Médine, puis dans la Péninsule arabique. Au siècle suivant, il arriva dans les lointaines régions où existaient des civilisations avancées ce qui permit aux savants musulmans d’avoir accès au progrès d’alors et d’accéder aux idées et philosophies étrangères, contribuant, ainsi, à l’éclosion d’une brillante civilisation dont l’Europe en profita plus tard. Au cours de cette évolution, de nouvelles visions de la vie émergèrent, donc, de nouvelles tendances et courants politiques, philosophiques et religieux.
Le sunnisme
Le sunnisme est le courant majoritaire de l’Islam. Ce qui le caractérise sans doute par rapport aux autres courants, c’est son respect plus strict pour la lettre : les Textes et la Tradition du Prophète (QSSSL) ou la sunna d’où le nom de sunnisme.
Pourtant, à l’intérieur du sunnisme, des écoles plus philosophiques ou spiritualistes ont existé. La rencontre entre l’Islam et la philosophie grecque (Platon, Aristote, Plotin) au cours du premier siècle du califat abbasside (fondé en 750) a permis l’éclosion de la philosophie (falsafa). Les théologiens apprennent à manier la dialectique et introduisent la raison (âql) comme principe d’explication religieuse. Ce courant rationaliste a été appelé «mutazilisme». Ses origines sont, au départ, autant politiques qu’intellectuelles, car les «mutazilites» («ceux qui s’isolent») cherchent en politique un compromis entre les deux grands partis divisant les musulmans, les partisans d’Ali (chiites) et les autres. Les fondateurs de l’école mutazilite, au VIIIe siècle, sont les sages de Bassora (dans l’actuel Iraq) : Wasil ibn Ata et Amr ibn Ubayd. Le débat sur la compatibilité entre la philosophie et l’orthodoxie musulmanes fait ensuite rage, entre le IXe et le XIIe siècles. Il est illustré par de grands noms : Avicenne (Ibn Sina, 980-1037) et Averroès (Ibn Ruchd, 1126-1198) pour les philosophes ; Abu Al-Achari (873-935) pour les théologiens opposés aux précédents. La synthèse établie par Al-Ghazali (1058-1111) permet la réconciliation des deux tendances et la réintégration de la philosophie (ainsi que du mysticisme soufi) dans le cadre strict de la théologie. L’œuvre d’Al-Ghazali s’est imposée dans l’enseignement dispensé dans les madrassas. C’est sur elle que la pensée sunnite a vécu jusqu’au XIXe siècle.
Mais, à ce moment, la découverte par le monde musulman d’une Europe industrialisée et expansionniste a réveillé la pensée islamique. Le débat porte cette fois sur les relations entre Islam et Iscience ou politique modernes. Faut-il laïciser la société musulmane pour la moderniser ou, au contraire, revenir à l’enseignement de base du Coran pour revivifier une société musulmane qui s’est sclérosée ? Ce dernier choix est à l’origine d’un courant de pensée lancé par le Persan Djamal Al-Din Al-Afghani (1838-1897) et par son disciple, en Egypte, Mohammad Abdou (1849-1905). C’est le salafisme, courant rationaliste, qui veut intégrer les sciences modernes dans la pensée religieuse et rouvrir les portes de l’idjtihad, c’est-à-dire rétablir le droit à l’interprétation contre la seule Tradition. Mais c’est aussi une entreprise de contre-réforme qui prône le retour au Coran et à une stricte pratique religieuse. Les courants que l’on appelle «fondamentalistes» ou «islamistes» depuis le XXe sicle sont tous issus du salafisme. .
Le chiisme
A l’origine, le chiisme regroupe les partisans du calife Ali (656-661), cousin et gendre du Prophète Mohammad (QSSSL), qui proclame incarner la légitimité de la maison de l’Envoyé de Dieu (QSSSL), contre les trois premiers califes (Abou Bakr, Omar et Othman) et contre leur descendance. Mais, avec la mort tragique du fils et héritier d’Ali, l’imam Houssayn, lors de la bataille de Karbala, en 680, la communauté chiite quitte pour un temps la scène politique et développe une théologie plus mystique et messianique que le sunnisme.
Pour les chiites, si Mohammad (QSSSL) est le dernier des Prophètes, sa succession spirituelle est assurée par les imams, c’est-à-dire Ali et ses descendants en ligne directe (les Alides), parmi lesquels, ses deux fils : Hassan et Houssayn, le martyr de Karbala.
Les chiites reconnaissent aux dits et traditions de Ali une valeur quasi égale à ceux du Prophète (QSSSL). Les imams suivants développent une école juridique et une pensée philosophique qui sert de base au corpus chiite, dont la pensée évolue au cours des siècles. Ce qui distingue les chiites des sunnites, outre quelques particularités juridiques peu sensibles, c’est l’importance d’Ali : archétype des vertus pour les chiites, simple calife (le quatrième) pour les sunnites. Le chiite croit en l’infaillibilité des imams ; il adhère à la doctrine de l’imam caché et espère en son futur retour. Les grands ulémas ont le droit d’interpréter les textes sacrés : ces ulémas sont appelés ayatollahs («signe d’Allah»). Sous leur direction s’est créé un clergé structuré et hiérarchisé, inconnu chez les sunnites.
Ce clergé ne se politise que très tardivement, à la fin du XIXe siècle en Iran. Jusque-là, c’est plutôt la tradition mystique qui domine le chiisme. Mais les penseurs politiques du chiisme, comme l’imam Khomeyni (1902-1989) ou Ali Chariati (1933-1977), n’ont eu aucun mal à puiser dans la tradition de contestation et de justice sociale du chiisme un appel à la révolution. Le chiisme s’est diffusé avec succès dans l’ensemble du monde iranien. Au XVIe siècle, la dynastie des Séfévides, qui prend le pouvoir en Iran, impose le chiisme comme religion d’État. C’est de ce moment que date la quasi-identification entre chiisme et Iran.
(A suivre)
R. H.
La Nouvelle République
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