Habituellement, le patronat fait le dos rond et évite de polémiquer et même de relever les attaques dont il fait l’objet. Réda Hamiani vient de faire une exception en répondant vertement à la porte-parole du Parti des travailleurs qui reprochait au FCE de ne pas apprécier les mesures contenues dans la loi de finances complémentaire 2009.
Entre autres amabilités, la patronne du PT reprochait au FCE d’être «l’ami du Medef» et sommait les patrons – les bourgeois ? – de donner le bilan des crédits qu’ils ont pris et des emplois qu’ils ont créés. Enfin, poursuivant sur le registre du patriotisme, la chef du PT a estimé que ces prises de positions patronales faisaient «partie des pressions sur l’Algérie».
Ce sont visiblement ces références «patriotiques», où ceux qui ne sont pas d’accord avec le retour à des formes de dirigisme saluées par le PT sont implicitement accusés de faire dans l’intelligence avec «l’étranger», voire «l’ennemi», qui ont fait sortir le patron du FCE de ses gonds.
Le FCE n’a pas de leçon de patriotisme à recevoir et il n’est pas un groupement d’importateurs mais des entreprises qui exercent dans la production et les services, a rétorqué Hamiani. Si le patron du FCE a choisi de répondre, c’est qu’il présume que le PT exprime un point de vue du pouvoir ou d’une partie de celui-ci.
Sur le fond, beaucoup de ceux qui se pensent de gauche – et n’ont jamais soutenu le zèle libéral des gouvernements algériens depuis le rééchelonnement de la dette en 1994 à la LFC 2009 – n’apprécient guère que le débat économique glisse sur le registre du patriotisme. C’est d’autant moins pertinent que les grosses affaires où l’Algérie perd de gros sous sont des marchés publics impliquant surtout la haute administration et les entreprises publiques. Difficile en effet de reprocher au patronat algérien les bosses financières de l’autoroute Est-Ouest ou les affaires de Sonatrach.
A la limite, il aurait été préférable de mettre en avant la «lutte des classes» plutôt que la présumée mollesse patriotique des patrons. Il restera juste à apporter la démonstration que la méchante «classe dominante» se trouve au FCE et non dans les secteurs, autrement plus riches et rémunérateurs, de l’économie publique. Le débat aurait été en tout cas plus intéressant, sachant que c’est le même pouvoir qui a mis en application une politique libérale qui est en train d’appliquer une politique opposée encore indéfinissable.
Ce qui est sûr est que l’Algérie et son économie ne peuvent vivre en autarcie. Que le gouvernement prenne des mesures pour mettre fin à son propre laxisme, cela est compréhensible et défendable. Mais il serait illusoire de croire que l’on peut construire une politique économique sans soutenir les entreprises algériennes, privées et publiques.
La plus grande des illusions serait de croire que nous sommes suffisamment «riches» – ah, ces réserves de change ! – pour pouvoir nous passer des investisseurs étrangers. On passe ainsi, sans modération, de la vénération idéologique des IDE (investissements directs étrangers), qui a eu cours pendant de longues années, à un souverainisme hautain qui croit que des réserves de change font une économie alors qu’elles ne sont que des capacités d’importer.
On le sait déjà pourtant : on a de l’argent (conjoncturellement), on n’a pas les savoir-faire et les technologies (structurellement). C’est cela qu’un économiste qui ne craint pas d’être mis en cause dans son patriotisme peut attendre des investissements étrangers et considérer qu’ils sont nécessaires au pays.
2 mai 2010
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