Négligence n Le secteur de l’éducation dans notre pays traverse une période délicate, ces dernières années, où l’élève demeure la victime d’agissements parfois irresponsables.
Un week-end plus long, surcharge dans les programmes et un volume horaire journalier de plus en plus lourd, sont les composants du climat qui règne sur cette année scolaire 2009-2010 depuis son début et ce, sans oublier les différents mouvements de grève qui ont entravé son cours normal. Une année qui, faut-il le rappeler, a débuté sur fond de protestation que les différents syndicats ont voulu inscrire dans la continuité puisque des mouvements de grève ont été menés durant l’année précédente. Une protesta qui n’a pas arrangé les choses puisqu’elle vient s’ajouter aux nouvelles mesures apportées par le département de l’éducation nationale que les spécialistes ont décriées avant même leur mise en œuvre. Des mois après l’application de ces mesures, ces experts estiment qu’elles n’ont eu pour résultat qu’un chamboulement de plus, dans une année attendue sous le signe d’un «engagement effectif de sérieuses réformes.» Ce d’autant plus que les classes d’examen sont dans l’obligation de rattraper le temps perdu. Mais comment ? La tâche est difficile. Avec l’instauration du nouveau week-end qui a réduit la semaine scolaire à 4 jours et demi et augmenté le volume horaire de la journée qui pousse les élèves au bout de leurs forces physiques et mentales, «aucune séance de rattrapage n’est envisageable durant la semaine», estime un enseignant du cycle secondaire. Du coup, toute perspective allant dans ce sens, ne peut puiser son essence que dans les heures réservées au repos. L’achèvement du programme scolaire, c’est désormais le cheval de bataille et des enseignants et de la tutelle pour échapper à tout reproche.
Considéré par les deux parties comme une géante bouée de sauvetage, le rattrapage des cours peut-il sauver les petits naufragés ? Pas sûr, lorsque l’on constate que ce même outil de sauvetage souffre de malfaçons.
Le recours abusif à l’accomplissement des devoirs scolaires à partir d’internet tel que demandé par les enseignants, ne présente-il pas, entre autres, un défaut d’une grande taille ? Une telle méthode assure-t-elle un bon apprentissage ? Le critère du mérite dans l’attribution des notes est-il respecté ? Autant d’interrogations au centre d’un cafouillage où l’élève demeure le grand perdant.
2. Où sont les inspecteurs de l’éducation ?
l La question se pose, en effet, sur la mission des inspecteurs de l’éducation censée empêcher toute dérive du système éducatif ou du moins en limiter les dégâts. Une dérive qui ne peut qu’être fatale pour toute une génération pour ne pas dire plusieurs générations. Confier des devoirs scolaires à ses élèves leur intimant l’ordre de les accomplir à partir d’internet et évaluer, sans aucun critère valable, le travail à la réalisation duquel les élèves ne participent pas dans la majorité des cas, n’est-ce pas là, une dérive ? Ces inspecteurs font-ils leur travail dans les normes ? Pas si sûr comme en témoigne l’article d’un enseignant dans une contribution à un quotidien de la presse nationale. «Les enseignants soumis à l’examen de ces responsables (inspecteurs) sont sévèrement sommés d’embellir leurs documents, enjoliver leurs répartitions à la limite de la perfection, tout en dédaignant la véritable évaluation de l’instituteur à travers ses élèves qui sont réellement un repère infaillible afin d’estimer le rendement scientifique et pédagogique de l’enseignant», a-t-il écrit. Il explique encore «Les visites d’inspection que les inspecteurs effectuent dans le but de contrôler, orienter et promouvoir les instituteurs de très grandes facultés à élever un citoyen positif deviennent le privilège de quelques-uns dont ceux qui usent de moyens douteux pour corrompre la personne de l’inspecteur afin d’obtenir des faveurs au détriment de la vraie productivité scolaire qui met toutes les générations en péril.»
3.Autres conséquences
La nouvelle méthode d’enseignement et d’apprentissage qu’utilisent les enseignants en confiant des devoirs à leurs élèves, en leur demandant de les réaliser à partir d’internet, est l’objet de multiples critiques. La curiosité des élèves, autrefois le pivot de tout enseignement, est étouffée par cette méthode qui se pratique à l’aveuglette où l’élève, comme nous l’avons constaté, ne fournit aucun effort mental pour faire ses devoirs. La procédé est des plus simples : passer chez le gérant d’un cybercafé, lui indiquer le thème de la recherche et la taille du texte et le travail sera fin prêt dans les minutes qui suivent. Les élèves, quant à eux, récupèrent les copies et les remettent à leurs enseignants sans faire preuve, dans la majorité des cas, de curiosité pour au moins vérifier la cohérence des paragraphes. Une cohérence rarement vérifiable lorsque le gérant du cybercafé qui se voit confier la tâche, ne se donne pas la peine de fournir un travail de qualité. Exemple : lorsque l’écolier lui demande de résumer les résultats de la recherche en une seule page à imprimer, le gérant, au premier résultat de la recherche, sélectionne l’équivalent d’une page Word. Et souvent c’est la première partie qui est sélectionnée, donc l’introduction où ne figurent que les généralités alors que la partie développement qui contient les éléments essentiels de la recherche et la conclusion sont souvent négligés. Et comme ils sont sollicités quotidiennement pour accomplir ce genre de tâches, ces gérants de cybercafés n’hésitent pas à créer des fichiers où sont enregistrés les résultats de ce type de recherches par thèmes pour se faciliter la tâche. Du coup, ils procèdent directement à l’impression, à chaque fois que le thème demandé par l’élève figure dans le fichier pour ne pas avoir recours au web. Pour les tarifs pratiqués, ils sont de 30 DA la copie : 20 DA pour la recherche des informations et 10 DA pour l’impression du document, ce qui n’est pas mal. Et c’est la même copie qui tourne et personne ne s’en rend compte ni les élèves et encore moins les enseignants. Ainsi, l’on peut constater que ce n’est pas seulement la curiosité de l’élève qui est asphyxiée mais celle de l’enseignant également.
4.Toute médaille a son revers
Anarchie n L’accomplissement des devoirs scolaires à partir d’Internet par les écoliers est une méthode de travail ordonnée par les enseignants qui ne se soucient apparemment pas des résultats qui peuvent en découler.
Devenue une pratique courante ces derniers temps, le recours abusif à cette méthode d’enseignement qui consiste, pour les élèves, à accomplir leurs travaux de recherche traitant des différents sujets contenus dans le programme scolaire, sur internet notamment portraits, fiches techniques, mini-exposés, biographie, schémas… La liste est encore longue et touche pratiquement toutes les disciplines enseignées. Une bonne initiative en amont qui vise un perfectionnement en aval : Incitation à la maîtrise de l’outil informatique, celle de la recherche sur la Toile et l’éveil de la curiosité des élèves. Toutefois, une telle initiative est-elle indemne de tout reproche ? Pas si sûr, si l’on se réfère aux recherches effectuées dans ce domaine. Il est vrai que les psychologues et les sociologues sont unanimes pour dire que toute utilisation d’internet par les enfants, joue un rôle important dans le développement de leurs facultés mentales. Toutefois, «si cette pratique n’est pas encadrée par un enseignant ou par les parents, les conséquences peuvent être fatales», ont-ils averti. Et, c’est justement le mal qui ronge cette méthode d’enseignement dans notre pays, car l’encadrement n’est guère un souci pour nos enseignants et encore moins pour les pouvoirs publics qui encouragent l’utilisation de cet outil d’apprentissage sans toutefois mettre en place les moyens nécessaires pour en assurer le bon usage. Du coup, faute de salles réservées à cette pratique et de personnels formés pour encadrer les élèves dans leurs travaux, ces derniers se voient confier des tâches qu’ils doivent remplir en dehors des établissements scolaires. Ce qui représente un réel danger vu qu’ils doivent effectuer leur travail dans des cybercafés ou chez eux, sans encadrement, mis à part chez certains parents lettrés soucieux de préserver leur progéniture. Le danger est palpable même s’il s’agit du virtuel.
Un mauvais usage du net peut engendrer des conséquences néfastes pour cette frange de la société dont la vulnérabilité est indexée par les spécialistes. Ainsi, une surexposition au Net mène inévitablement à l’accès aux sites qui leur sont interdits et à l’addiction. Et lorsque l’enfant atteint ce stade, une multitude de problèmes surgissent : troubles psychologiques, négligence des devoirs scolaires mais parfois le phénomène peut atteindre la rupture sociale et l’enfant perd tous ses repères dans la société n’ayant d’autre interlocuteur que son ordinateur.
5.Une pratique antipédagogique
Confier des devoirs scolaires à ses élèves qu’ils doivent réaliser à partir d’Internet est «une pratique antipédagogique» aux yeux de Ghalia, enseignante du cycle secondaire à Alger, à qui nous avons demandé l’avis sur cette méthode d’enseignement. Elle nous explique que ce n’est pas la méthode en elle-même qui dérange, mais la manière dont elle se pratique dans notre pays. «Laisser les élèves naviguer sur la Toile sans encadrement est une pratique grave vu les dangers auxquels ils s’exposent», a-t-elle déploré avant de préciser que dans la majorité des cas, «les élèves qui se rendent dans des cybercafés consacrent le moins de temps possible à leurs recherches afin de se libérer pour d’autres pratiques moins constructives». «D’où la qualité de travail qu’ils remettent à leurs enseignants qui, le moins que l’on puisse dire, sont dépourvus de toute méthodologie de travail», a-t-elle regretté. Pis encore, «la non-consultation des copies par les enseignants, une fois remises par leurs élèves et l’attribution forfaitaire des notes, constituent une grave menace sur le devenir des ces enfants, notamment sur leur curiosité qui est l’essence de tout apprentissage», a-t-elle expliqué. «Il est donc très urgent que la tutelle intervienne en utilisant un dispositif humain et matériel pour endiguer le problème qui menace l’avenir de nos enfants», a-t-elle averti.
6.«C’est une perte d’argent, tout court !»
C’est le constat établi par fazia, une brillante élève en classe terminale. «Faire des devoirs scolaires à partir d’internet est une méthode qui n’a rien de pédagogique à mon avis, c’est tout simplement une perte d’argent pour la majorité des élèves», estime-t-elle. Celle-ci déplore cependant la non-disponibilité de cet outil au sein de l’établissement ou elle est scolarisée, d ans une région reculée de la wilaya de Tizi Ouzou.
«Notre lycée ne dispose pas d’une salle internet où nous pouvons effectuer nos travaux de recherche, c’est à l’extérieur, au niveau des cybercafés que nous réalisons nos devoirs», a-t-elle expliqué ajoutant : «C’est une charge supplémentaire pour nos parents qui sont déjà épuisés par la cherté de la vie et ces autres frais, indispensables pour notre scolarisation, ne servent pratiquement à rien puisque la majorité de nos enseignants ne daigne même pas vérifier le contenu des travaux que nous réalisons», a-t-elle regretté. Fazia nous a fait savoir qu’elle confie ses tâches à ses collègues de sexe masculin, puisque son père lui interdit d’entrer dans un cybercafé. «Généralement, je ne suis pas satisfaite du résultat de la recherche que mes camarades me remettent ; si c’était moi, j’aurais fait nettement mieux.» Faïza avoue que, parfois, plus de 15 élèves remettent le même devoir, quant au contenu, à leur enseignant.
Par Mohamed Mahdjane
30 avril 2010
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