Méfions-nous, ce qui est en train de se passer en Belgique peut très bien arriver en Algérie. Les idées séparatistes entre le nord néerlandais (la Flandre) et le sud francophone, la Wallonie, progressent, avec en ligne de mire, la partition du pays. A l’origine, une querelle linguistique : les Flamands, économiquement plus riches, devenus majoritaires, sont de plus en plus favorables à la séparation, et ce, bien que le fédéralisme leur permette de mener des politiques autonomes favorables à leurs intérêts.
Les Wallons, francophones, qui ont dirigé le pays depuis sa création en 1830, après avoir imposé le français comme seule langue officielle jusqu’en 1960, sont dans une position fragilisée dans bien des domaines. La Wallonie francophone, berceau du développement industriel belge, est en phase de relatif déclin par rapport à la Flandre autrefois région agricole. Un chiffre résume le fossé les séparant : le revenu par habitant en Flandre ( 16 300 euros) dépasse celui de la Wallonie de plus de 1 200 euros. De fait, que ce soit en Flandre ou en Wallonie, l’idée d’un éclatement du pays n’est plus un tabou : mieux on s’y prépare des deux côtés. Partant de là, la question est de savoir si l’Algérie est dans un cas similaire, si un danger de partition menace le pays. Certes, les situations socio-historiques sont différentes. L’Algérie ne s’est pas construite historiquement de la même manière que la Belgique. Mais, l’Algérie, comme la Belgique, fait face à un sérieux problème identitaire que le pouvoir politique actuel croit avoir résolu en décrétant tamazight langue nationale. Alors que par ailleurs, il allume une série de contre-feux idéologico-religieux destinée à refouler la question de l’identité algérienne ou à la contenir dans des limites acceptables par les tenants de l’islamo-arabisme. La question de l’identité algérienne ou, comme le disait feu Mostefa Lacheraf, la question de l’algérianité, reste un enjeu de société. Tant qu’elle ne sera pas résolue, le problème demeurera. Et cela ne servira à rien d’invoquer, comme on le fait si souvent, la main de la DGSE, la CIA, le Mossad dès lors qu’un mouvement appelle à manifester en Kabylie ou que des émeutes sociales éclatent ailleurs. Cela ne veut nullement dire que ces services étrangers ne sont pas attentifs à ce qui s’y passe ou qu’ils ne soient pas tentés de manipuler un évènement. Ils l’ont déjà fait en instrumentalisant les islamistes, pas seulement en Algérie mais dans tous les pays jugés hostiles aux intérêts occidentaux. On l’a d’ailleurs bien vu dans les années 80 en Afghanistan quand les pays occidentaux, USA en tête, et leurs relais saoudiens et pakistanais, avaient soutenu militairement et financièrement les moudjahidine Afghans afin de contenir le «communisme soviétique » jugé alors comme la principale menace pour l’Occident capitaliste. Certes, si aujourd’hui l’Algérie n’est pas dans ce cas de figure, elle risque de s’en rapprocher dangereusement car rien n’exclut que ce qui est arrivé à l’ex-Yougoslavie, éclatée en quatre Etats indépendants, à l’Irak qui risque à tout moment d’imploser en trois États distincts, et actuellement à la Belgique, n’arrive en Algérie… pour une simple question d’identité non résolue ! Dans son livre Identités meurtrières, Amin Malouf montre bien où peut mener l’exacerbation des identités dans un contexte où le processus de construction de la nation n’est pas achevé. De ce fait, encourager un passéisme exclusivement islamo- arabe en faisant l’impasse sur les fondements identitaires de l’Algérie ne mène que vers le mur. Ainsi, ignorer le Berbère saint Augustin, son apport philosophique, alors que du point de vue de la religion islamique, il ne peut être considéré comme un «Roumi» puisque né avant l’avènement de l’Islam, et ne pas lui donner la place qu’il faut dans l’héritage culturel du pays, sous prétexte qu’il est un des doctrinaires de l’Eglise chrétienne, relève de l’ignorance crasse !
H. Z.
N.B. Ce papier est dédié à la mémoire de Baya Gacemi et Mohamed Issami, récemment décédés.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/04/29/article.php?sid=99313&cid=8
29 avril 2010
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