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LES ÉLITES ARABES ET MUSULMANES : MYTHES ET HISTOIRES,DE MOHAMED LAKHDAR MAOUGAL La rétrospective pour expliquer la régression

25 avril 2010

Non classé

C’est à une longue et dense rétrospective sur la formation élitaire musulmane dans le domaine d’arabophonie que nous convie, cette fois-ci, l’universitaire et intellectuel Mohamed-Lakhdar Maougal. Cet ouvrage est le troisième d’une série dont deux tomes avaient été respectivement publiés en 2004 et 2005.


Cet essai volumineux et consistant de 285 pages ouvre un chapitre singulier qui édifie magistralement sur cette question aussi sensible qu’actuelle de nos sociétés et de la société algérienne en particulier. Si la présentation «lisse» qui en a été faite par l’éditeur peut laisser penser à une publication «grand public averti », il s’agit là surtout et avant tout d’un authentique travail académique et militant qui traduit un examen consciencieux de la question élitaire à l’aune de deux logiques fondamentales. La première rend compte de l’engagement militant d’un intellectuel et nationaliste arabe qui se soucie prioritairement du devenir d’une civilisation (la civilisation arabo-islamique) qui lui apparaît, comme pour beaucoup d’autres, de plus en plus problématique en raison de ses dérives actuelles, comme l’annonce l’extrait de la quatrième de couverture. Il s’agit d’un discours plus ou moins doctrinaire d’un témoin autant que d’un acteur averti et critique des luttes qui ont accompagné la lente formation, la difficile maturation et la fulgurante et rapide usure du nationalisme arabe, tout particulièrement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un discours incisif et sans complaisance pour expliquer la dérive d’un projet pour lequel les sociétés musulmanes arabophones ont souvent payé le lourd tribut des guerres et des crises d’émancipation avortées. Ce discours intervient, aujourd’hui, après les échecs du nassérisme, du boumédiennisme et enfin du saddamisme. Cet échec, Maougal l’attribue, sans détour, aux tergiversations des pouvoirs politiques arabes et de leurs institutions qui ont raté le rendez-vous de la démocratisation citoyenne qui s’impose de plus en plus comme la solution pour rompre le cercle étroit des représailles dictatoriales et totalitaires que les régimes arabes, tous confondus, ont imposées à leurs peuples. En situation de tensions internationales et de crises graves, la persistance de tels régimes, quasiment partout ailleurs révolus, périmés et désuets, a abouti à des dépolitisations graves qui ont rapidement conduit à hypothéquer sérieusement les finalités des combats émancipateurs initiés par les grands nationalistes, à l’instar de Djamal-Eddine El-Afghani, de Saâd Zaghloul, de Georges Habache pour l’Orient, et de Abdelkrim El-Khattabi, de Habib Bourguiba et de l’émir Khaled pour le Maghreb. Se revendiquant explicitement de la révolution modernitaire et progressiste, Maougal montre et démonte la mécanique implacable de la recolonisation des anciennes possessions et autres protectorats avec l’assentiment et l’intéressement des nouvelles classes sociales compradores et dictatoriales qui instrumentent des phalanges médiocratiques promptes à vitupérer contre qui ose seulement dépasser leurs «lignes» et qui agissent et sévissent sur des sociétés chloroformées par le terrorisme intellectuel et identitaire C’est ce qui se passe depuis la crise institutionnelle de 1929 en Égypte jusqu’aux toutes dernières gesticulations téléguidées de prétendus vigiles du patriotisme maghrébin en passant par les crises identitaires provoquées comme en 1949 : crise dite berbériste, 1953 : crise de la colline oubliée, 1980 : la double crise dite identitaire islamo-berbériste, et l’actuelle pitoyable autant que lamentable mise en scène qui tente de créer des diversions dans des conjonctures de confrontations violentes et assassines. Il est vrai, qu’aujourd’hui, sonne le tocsin pour des bilans des développements et des dérives mortelles comme les corruptions, les coups d’Etat d’inconstitutionnalité, les tentatives de contrôles draconiens des populations civiles, tout cela en obtempération aux injonctions des «maîtres du monde» qui restructurent à leur guise et à leur unique profit un nouvel ordre international néocolonial s’appuyant sur des périphéries remonarchisées ou soumises à des projets des républicanismes bananiers. La seconde logique est, quant à elle, disciplinaire. Ainsi seront convoquées et articulées l’anthropologie, l’archéologie, l’histoire, la linguistique, la littérature, la philosophie du langage, la pédagogie, la sociologie et la traductologie. A partir du socle constitutif de deux langues de travail (l’arabe académique et le français universitaire), des textes fondateurs très pertinents sont visités. Dans le domaine proprement arabophone sont convoqués à cette fin d’exposition rigoureuse et pédagogique, les textes anciens de la littérature arabe (la poésie antéislamique), la pédagogie de l’histoire selon Ibn-Khaldoun, la pédagogie disputée et controversée de la littérature dans les débuts du XXe siècle en Égypte, la poésie révolutionnaire irakienne entre les deux guerres mondiales, ainsi que la diatribe et la controverse édifiante née de la crise égyptienne de 1929. Dans le domaine proprement francophone, l’auteur s’appuie sur des textes faisant universellement et unanimement autorité académique comme les études magistrales de certains orientalistes français connus pour leurs sympathies arabes et pour leurs soutiens aux causes nationalitaires, en particulier lors des décolonisations aussi bien en Orient qu’au Maghreb, comme les essais de Jacques Berque et de Maxime Rodinson, voire l’histoire de la littérature arabe de Régis Blachère, grand premier traducteur du Coran. Dans cette même perspective anticoloniale s’inscrit la contribution de Frantz Fanon pour ce qui concerne l’Algérie. Deux textes fondateurs et néanmoins problématiques ont retenu l’attention du chercheur en ce qu’ils développent des thèses extrêmement utiles pour comprendre les développements actuels de la régression qui frappe maintenant de plein fouet le monde arabe et musulman. Le premier est un essai sur le mode confessionnel qui vient, toutefois, de faire l’objet d’une révision et d’une reformulation moins cadrée et moins contrôlée. Ce texte initialement en langue anglaise est l’ouvrage édifiant de Thomas Edouard Laurence dit d’Arabie, étudié en sa version de 1922 traduite en langue française. Il s’agit d’un aveu contrit mais par endroits sincère de la part de cet ancien agent des services secrets britanniques qui fut investi au début du XXe siècle de la mission de lever une armée arabe pour abattre le califat ottoman et restaurer le califat musulman, soit en Mésopotamie pour les Hachémites, soit pour les rejetons corrompus des khédives égyptiens. Cet ouvrage dense et fort intéressant qui se lit toutefois comme un mauvais «polar» établit la certitude devenue encore plus certaine plus tard que l’élite arabe aura été préfabriquée à des fins de perpétuation d’hégémonisme dans une contrée fort convoitée car elle laissait déjà découvrir d’immenses réserves de… pétrole ! La nouvelle édition qui vient de voir le jour après la levée des secrets pour versement dans le domaine public ne laissera pas de nous étonner pour peu que les éditeurs ne fussent pas de nouveau contraints, pour des raisons d’Etat, à se conformer au diktat des politiques. Mais, pour monarchique qu’elle fut, la Grande-Bretagne n’en est pas moins terre de démocratie et l’on peut ainsi raisonnablement entrevoir la livraison des confessions de l’ancien colonel et néanmoins honorable correspondant de Sa Gracieuse Majesté. Le second ouvrage, en français cette fois-ci, est franchement décoiffant. Il s’agit de la biographie très orientée consacrée par l’historien français Benoist-Méchin – qui fut l’invité du Festival panafricain d’Alger en 1969 — à la dynastie des Saoud. Celle-ci fut préfabriquée par les Britanniques sur le terreau fondamentaliste wahhabiste et allait se distinguer dans son combat acharné contre la Turquie aussi bien ottomane que surtout kémaliste, tout comme dans sa lutte à mort contre le nationalisme communautariste arabe en sa version égyptienne et contre le républicanisme arabe en général, aussi bien celui de l’Algérien Boumediène que de l’Irakien Saddam Hussein, du Syrien Hafedh El Assad ou du Libanais Kamal Joumblatt. Le livre de Benoist-Mechin développe une thèse originale qui passera inaperçue des lettrés arabes mais inspirera au sulfureux historien israélien Shlomo Sand sa thèse sur la fabrication du peuple juif par les mêmes fabricateurs britanniques du peuple saoudien. Elites arabes et musulmanes, mythes et histoires illustre, sur un plan plus général, la thèse que développe Maougal depuis une dizaine d’années : les élites se distinguent fondamentalement des cadres et elles se forment non dans les institutions plus ou moins spécialisées mais dans les crises sociétales. A lire et à étudier pour mieux comprendre les enjeux actuels des combats émancipateurs contre le néo-colonialisme et pour prendre la mesure de l’inanité des vigiles imbéciles arc-boutés au péril délirant et fantasmé du colonialisme traditionnel.
Noureddine Fethani

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/04/25/article.php?sid=99091&cid=16

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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