Salut Kader. Maintenant, nous le savons tous. L’intelligence ne peut rien contre la mort. Ni contre la bêtise d’ailleurs. Elle peut juste donner, parfois, l’illusion de les apprivoiser. Ou de les côtoyer sans les fréquenter. Avant de se rendre, pour la énième fois à l’évidence.
Celle de leur omniprésence. Et de leur omnipotence. De leur étroite et insidieuse connivence. Celle qui finit par éroder les âmes et les consciences. Mais que de que fois tu as su narguer leur sournoise et constante arrogance. D’abord en allumant un feu exorciseur dans des milliers de têtes d’étudiants qui se bousculaient jusqu’aux recoins humides des couloirs, l’amphithéâtre étant archicomble, pour récolter leur dose hebdomadaire d’esprit. En ces temps l’Humanité entière s’abreuvait des valeurs de générosité. Humanisme, internationalisme, solidarité ou d’autres mots encore, fusaient de toutes les fissures des systèmes. Chacun échafaudait le meilleur stratagème pour sauver le monde. Et les raisonnements cédaient souvent le pas à l’excitation. Parfois aux claquements de portes. Mais dans tous les cas, l’intention était cosmique. Complice de la démesure. Ta voix résonnait jusque dans la moiteur des chambres universitaires, véritables laboratoires d’humanités futures où les révolutions et les ordres du monde, se défaisaient et se refaisaient au gré de quelques maigres et passagères lectures. Parfois aussi autour d’un de ces planalisme intellectuel». Je n’ai connu Si Abdelkader que tout récemment. C’était malheureusement au début de la longue maladie qui allait l’emporter et cette brève et commune affinité n’a pas duré. Il était déjà sous un traitement éprouvant. Mais je peux me permettre de parler de son rôle dans la séquence culturelle du pays dans la phase ultime de sa vie et témoigner de son honnêteté, de ses grandes capacités et de ses dons qu’il déployait au service de la renaissance intellectuelle de la patrie. Sur ce front, on ne peut que partager avec lui une confiante fraternité intellectuelle. Ces dernières années, il a contribué à rendre quelque lustre à la vie culturelle terne du pays à travers ses mémorables préfaces rédigées aux nouvelles éditions d’ouvrages dépoussiérés de grands noms de l’Algérie moderne : Ali Al Hammamy, Malek Bennabi, Omar Ouzzegane, l’Emir Abdelkader et tant d’autres noms qu’il a réintroduit dans une séquence dont ils furent exclus ou presque. On notera à son honneur et à l’actif de sa grandeur que ce devoir, cette mission, il les accomplissait dans la discrétion, loin des parades et des vanités devant lesquelles cèdent généralement les hommes. Lorsque je lui ai adressé des exemplaires de mes ouvrages consacrés au «Dr Abdelaziz Khaldi» et à «Mohamed Hamouda Bensai», deux intellectuels algériens outragés et ensevelis, il m’a téléphoné pour me dire : «ce que vous faites est formidable». Je lui ai répondu que nous travaillons, tous, pour la renaissance intellectuelle de l’Algérie. Cela l’avait beaucoup enchanté. Au service de son pays, Djeghloul était un combattant sur le front idéologique. Les nombreux intellectuels, aussi bien algériens qu’étrangers qui l’avaient connu et apprécié, salueront en sa disparition, un homme aux qualités certaines. Un hommage doit être rendu à cet inlassable intellectuel. Rahimahou Allah. teaux en aluminium qu’on ramenait du restaurant universitaire contre un jeton noir et qui contenait plus d’eau que de youyous. Mais qui était, souvent gorgé d’éclats de rires. En ce temps, le pays entier se fardait des lampions de l’espoir. Et tu as su le rendre sacrément contagieux. Contagieux et fringant. Comme tu as su nous apprendre à dire non au cortège de certitudes mortifères qui pointaient déjà dangereusement du nez. Avant la tombée du voile. Et nombre de tes textes prémonitoires permettent encore aujourd’hui de mieux saisir la genèse de la germination de la malédiction. Ces oeuvres de l’esprit, quintessence de tes offrandes à ton pays que tu aimais tant, que les petits enfants des petits enfants de tes étudiants liront avec la même délectation. A présent tu vas pouvoir enfin, t’entretenir avec Atfiyach, Ould Echeikh, Sidi Mhamed Ben Rahal, Ibrahim Bayyoud, Choukri Khodja, Mestfa Ben Brahim, Hamdan Khodja, Tahar Haddad, le poète Belkheir, le militant Aly El Hamamy, ou L’Emir Khaled. Toutes ces figures, et d’autres encore, que tu as su restituer à la mémoire de la Nation au moment ou les yeux étaient rivés sur les monstres sacrés de l’Épistémè occidentale, autrement plus gratifiante. Tu nous enverras, j’en suis certain, d’autres lettres, de nouvelles lettres pour l’Algérie. Nous les reconnaitront entre mille, car elles porteront, comme les précédentes, l’empreinte de ta capacité de synthèse phénoménale et ta limpidité d’écriture proverbiale.
Par Rabeh Sebaa
24 avril 2010
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