Le livre qui porte ce titre évocateur de la problématique algérienne, particulièrement depuis la naissance du Mouvement national à nos jours, est un ouvrage important pour les jeunes universitaires, qui sont à la recherche d’un modèle d’observation et d’analyse de la société, ou prêts à engager le débat sur des faits de société.
Le livre s’adresse aussi à un large lectorat attentif aux évènements qui cadrent et secouent la vie au niveau local et national qui ne sont pas faciles à décrypter. Il est, à cet égard, un microscope qui permet de voir les choses de près et de comprendre les évènements et les phénomènes sociaux qui surprennent, étonnent et marquent parfois douloureusement toute une génération, à l’exemple de la contestation kabyle d’avril 2001 et d’autres tournants antérieurs moins dramatiques. Ce sont les revendications et les forces drainées par les protestations, les formes d’expression et d’organisation du mouvement de 2001 mais aussi de la gestion de cette contestation qui semblent avoir inspiré Brahim Salhi, auteur du livre édité par la maison d’édition Achab. Un livre de 310 pages et de 8 volumes dont les titres suivants suffisent à attirer et retenir l’attention du lecteur : «Citoyenneté et identité, des articulations problématiques» ; «âge de la fraternité et du pacte national» ; «le mouvement de contestation d’avril 1980 et la réhabilitation des diversités culturelles » ; «la contestation de 1980, le témoignage des acteurs» ; «comment fabriquer la citoyenneté dans la communauté ?» «La contestation de 2001 en Kabylie ; femmes et citoyenneté, entre pesanteurs sociales et manichéisme politique» ; «citoyenneté et capitalisation des ambiguïtés historiques, l’islamisme comme révélateur » et, enfin, «la société civile, une structuration problématique». Ce livre, on s’en rend compte à travers les 8 chapitres cités ci-dessus, s’étend sur un vaste champ d’observation et de réflexion partant du Mouvement national, les affrontements de 1962 au Printemps noir de 2001 en passant par la première fracture d’Avril 1980, sans omettre le 5 Octobre 1988. C’est l’usage à tort et à travers ou abusif du terme citoyen qui est fait par les politiques, les médias et les acteurs de la contestation de 2001 en Kabylie qui paraît avoir déclenché le déclic chez l’auteur. En tant qu’enseignant chercheur à l’Université de Tizi-Ouzou, B. Salhi est interpellé par ce galvaudage d’un t e r m e qu’il entreprend de définir scientifiquement en liaison avec l’identité. C’est l’occasion pour lui de vérifier la relation dialectique et conflictuelle de la citoyenneté avec l’appartenance communautaire et nationale. La citoyenneté n’est pas une notion statique achevée une fois pour toutes, c’est une construction historique, dynamique. Elle ne se résume pas à l’appartenance, elle vaut aussi et surtout par les attributs qui lui sont conférés théoriquement et qui sont exercés effectivement. Sur ce plan, B. Salhi démontre que l’appartenance communautaire aussi bien que nationale bride la citoyenneté. Le groupe local ou global prime sur l’individu qui n’a pas droit au chapitre. Ces deux notions, citoyenneté et identité en relation complexe, sont, par ailleurs, confrontés, par l’auteur, à la modernité dans les cadres du Mouvement national, de la guerre de Libération et dans l’Etat totalitaire qui nationalise la culture par le haut, efface les expressions particulières au profit d’une culture fondée sur l’unicité de la langue et de la référence religieuse. Brahim Salhi explique comment l’instrumentalisation de la religion transfert les valeurs religieuses dans le champ politique pour rogner systématiquement les attributs de la citoyenneté comme suite logique du fraternalisme fusionnel caractérisant les étapes du Mouvement national et de la guerre de Libération. C’est un livre qui se lit comme un roman captivant d’un style transparent et qui tombe à pic pour célébrer le 30e anniversaire d’Avril 80 et le 9e du Printemps noir de 2001. Par son «observation vigilante et son analyse rigoureuse» soulignées dans la préface du professeur Ahmed Mahiou, ancien doyen de la Faculté de droit d’Alger, Brahim Salhi jette une lumière aveuglante sur les sources anciennes de la gouvernance actuelle. Elles se situent dans la gestion du Mouvement national et de la guerre contre l’occupant colonial, dans le référent ethno-religieux de l’identité nationale. Les avancées et les reculs de la citoyenneté sont également mises en évidence à travers les erreurs commises dans la conduite des contestations kabyles en particulier.
B. T.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/04/24/article.php?sid=99020&cid=16
24 avril 2010
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