En Europe, cela est établi, la peur fait partie du patrimoine. La hantise du malheur encore plus. Et la sécurité, avec un grand zeste d’excès, est devenue un principe cardinal. Au point d’immobiliser durant quatre jours des milliers d’avions sur leurs tarmacs, et de bloquer des centaines de milliers de voyageurs, perdus dans ces ilots déshumanisés que sont les aérogares européennes. Et, lundi, au 5e jour de la paralysie presque totale des aéroports européens à cause de ce satané nuage de cendres venu d’un volcan islandais qui s’est décidé à fumer quelque peu pour dégager le trop-plein de pression magmatique, la polémique sur les autorisations de vols fait rigoler plus d’un. En fait, les Européens en sont venus à interdire tout vol domestique ou international des risques sur les avions du nuage de cendres.
Au début, toutes les compagnies aériennes européennes avaient, d’un seul élan, décidé de ne pas faire voler leurs avions. Après l’annulation de près de 17.000 vols, la pagaille dans les aéroports, le désordre dans les transports et des centaines de millions d’euros de chiffres d’affaires perdus (presque) inutilement, les compagnies européennes commencent à s’apercevoir qu’elles ont peut-être trop forcé sur la dose en matière de sécurité aérienne après l’annonce de la propagation du nuage de cendres vers l’Europe du Nord, en provenance de la lointaine Islande. Une réunion européenne tenue par visioconférence entre les ministres des Transports des 27 et quelques vols d’essais effectués dimanche ont fait monter la moutarde aux voyageurs, bloqués par milliers dans les aéroports du monde. Selon plusieurs compagnies européennes, les majors en tout cas, il n’y a aucun risque à faire voler les avions.
Plusieurs pays ont déjà décidé de rouvrir leur espace aérien, d’autres restent encore hésitants, ouvrant la navigation aérienne comme on ouvre les vannes d’un barrage. Déjà, des voix commencent à s’élever sur le bien-fondé de tout ce branle-bas de combat face à quelques centaines de tonnes de cendres d’un volcan véhiculées par un gros nuage. Et puis, comme pour montrer que les Européens restent de grands enfants à qui tout peut faire peur, même un inoffensif petit nuage chargé de quelques cendres d’un volcan cracheur, la réponse est venue du Nouveau Monde. Là-bas, ce sont les compagnies aériennes qui décident, sans ingérence des autorités politiques ou du bureau de la sécurité aérienne, si elles doivent ou pas faire voler leurs avions.
C’est l’Amérique qui donne ainsi une petite leçon aux Européens sur le «self-made-man», eux qui ne peuvent prendre individuellement une décision si elle n’est pas décidée par tous les pays membres quand un tout petit nuage obscurcit le ciel d’habitude bien dégagé de tous soucis de l’Europe communautaire. Et, dans la foulée, ce sont, outre les ressortissants de ce continent, tous les citoyens de pays non européens qui auront vécu l’enfer du black-out décrété dans les aéroports d’Europe. Tout ça à cause d’un nuage
de cendres. Pour un peu et cela aurait tourné à la crise internationale. Maintenant que les avions commencent à retrouver le ciel, la polémique risque de faire des dégâts politiques.
20 avril 2010
Contributions