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Un projet éducatif: pour une citoyenneté critique par Oukaci Lounis *

19 avril 2010

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Conscients de l’importance de l’enjeu du fléau qui tue le tissu social (l’incivisme et l’immoralité) les membres de la société civile devraient former un Groupe d’action réunissant des représentants d’organismes, les ministères concernés, des gens d’affaires et des experts dont les travaux seraient associés à la problématique en cause.

L’objectif du Groupe d’action serait d’élaborer un chantier national pour endiguer ce fléau. En ce qui me concerne ; je me permets à travers cet article de présenter les bases d’une réflexion et j’invite le lecteur à l’enrichir ou à la rejeter.

Ce projet intéressera tout d’abord les intervenants auprès des jeunes à risque dans toutes les régions. Il intéressera aussi les citoyens préoccupés par ce fléau et, de façon plus large, par le problème des détournements des deniers publics dont les acteurs sont les output de l’école algérienne.  Ce projet d’action fondera sa démarche et ses recommandations sur des faits et il interpellera les représentants du gouvernement et de la société civile.

Un problème grave et complexe

L’éducation est un levier important pour lutter contre l’incivisme et l’immoralité, et une condition essentielle à un enrichissement social, culturel et économique durable pour la société. Les Algériens ne sont pas satisfaits du fait que leur système d’éducation ne forme pas de jeunes diplômés relativement compétents comparativement à leurs pairs ailleurs dans le monde. En plus, une cohorte non négligeable de nos jeunes célèbrent leurs 20 ans sans avoir complété leur cursus scolaire (500.000 jeunes se trouvent sans aucun niveau, ni aucune qualification chaque année)

D’un point de vue strictement économique, le phénomène du décrochage représente pour le gouvernement un manque à gagner par décrocheur (quel est le montant exact du décrochage scolaire ? On aimerait bien le savoir !). Ce montant correspond aux taxes et impôts perdus et aux services sociaux additionnels que les décrocheurs requièrent. En tenant compte du coût additionnel associé aux raccrocheurs.

Quel est le manque à gagner pour la société algérienne ? Là aussi, on aimerait bien qu’on nous le dise! Ceci n’est pas notre sujet.

Au moment où nous nous préparons à aborder la ligne droite du troisième millénaire en soulignant l’importance de la jeunesse pour l’avenir de notre pays, il me semble particulièrement opportun de mettre l’accent sur les conditions propres à assurer à tous les jeunes des chances égales de réussite éducative et de participation pleine et entière à la vie de la société. Nous ne pouvons nous permettre de laisser pour compte aucun jeune, et le sort de ceux d’entre eux qui ont le plus besoin de notre aide demeure préoccupant.

C’est pourquoi la politique de l’adaptation scolaire : pour une citoyenneté active et critique, que je propose au milieu scolaire, aux responsables et aux parents, met en avant des avenues nouvelles pour soutenir et conduire à la réussite et à l’intégration sociale des jeunes qui éprouvent des problèmes de comportement, d’apprentissage, de compréhension et surtout d’insertion. Pour véritablement les mener à la réussite, il faut aller plus loin que la politique actuelle, et vraiment doter le système éducatif d’Une Ecole Unique Républicaine et Citoyenne adaptée à tous ses élèves ; nous insistons sur l’expression d’«Une Ecole Unique», car aujourd’hui nous assistons à une transversalité scolaire. Par transversalité, nous voulons attirer l’attention des pouvoirs publics et l’opinion nationale sur les dangers que pourraient présenter cette transversalité scolaire assurée par plusieurs acteurs. Nous citons le ministère d’el Wakf, les zaouïas, les écoles coraniques et autres acteurs qui n’ont rien avoir avec la pédagogie et se trouvent, malheureusement, acteur dans l’acte pédagogique. Il faut mettre fin à cette transversalité scolaire. Au risque de faire beaucoup de dégâts. On a assez vu.

C’est dans cette Unique Ecole Républicaine et Citoyenne que nous pourrons entreprendre notre politique d’intégration de ces élèves à l’école et dans la société. A travers cette Ecole Unique nous pourrons introduire un volet non moins important de dépistage et de prévention. L’adoption de mesures préventives est souhaitable. On convient en effet qu’il est primordial d’intervenir rapidement, dès les premières manifestations des difficultés (méprise de l’autorité de l’enfant ; l’irrespect pour les lois de la République_etc.) plutôt que d’attendre que celles-ci s’accumulent jusqu’à compromettre la réussite scolaire et l’insertion. Et c’est ce que nous proposons à la tutelle.

Ses voies d’action(respect des lois de la République, de la Constitution et le civisme) pourraient se concrétiser antérieurement dans un plan d’action qui précise les engagements que prend le ministère pour mieux aider le milieu à relever le défi de la réussite pour tous. Ce plan d’action a pour objet de faciliter la tâche aux enseignants, aux enseignantes et à tout le personnel scolaire qui se dévouent auprès de ces élèves et qui ne ménagent pas leurs efforts pour les mettre sur la voie de la réussite, à l’école comme dans la vie. Bien sûr, nous devons compter sur l’appui des parents, de tout le milieu scolaire et de ses partenaires pour la mise en œuvre de cette politique citoyenne.

Les jeunes aux prises avec des difficultés non seulement demandent que nous nous préoccupions d’eux, mais exigent de nous que nous les conduisions vers la réussite.

Il s’agit là d’une obligation de résultat à laquelle nul ne peut se soustraire. C’est pourquoi nous devons tous faire en sorte d’évaluer la portée de nos actions afin de rajuster le tir, si cela est nécessaire.

Le monde de l’éducation est alors invité à relever un défi de taille : faire prendre à l’éducation le virage du succès, et ce, en vue de passer de l’accès du plus grand nombre au succès du plus grand nombre.

Pour concrétiser cette politique : Ecole Républicaine Unique ; des amendements législatifs et réglementaires devraient êtres apportés (interdire la transversalité scolaire en Algérie -porteuse de tous les dangers).      C’est donc un tout nouveau contexte qu’il faudra appliquer dans le milieu scolaire pour les prochaines années.

À première vue, le défi à relever semble plus grand pour la société, les élèves et pour les enseignants. Il est donc essentiel de bien comprendre les grandes idées de notre projet et de voir comment il se traduit pour nos élèves. Il est surtout important de déterminer les mesures qui doivent aider le plus grand nombre non seulement à réussir, mais surtout à respecter les institutions de la République, les lois de la République et la Constitution.

Au moment de prendre le virage du succès proposé, il paraît important que la politique de l’adaptation scolaire s’inscrive dans les changements proposés par le projet, qu’il donne une orientation claire, ajustée au contexte actuel, de même que des voies d’action à privilégier pour atteindre les objectifs fixés pour ces élèves, citoyens de demain.

La politique de ce projet se divise en trois parties. Faire le point sur la situation immorale et incivile des out put du système scolaire au cours des dernières années. Ces output, devenus aujourd’hui des cadres ou fonctionnaires de l’Etat, se trouvent, malheureusement, impliqués, voire inculpés dans des affaires de détournement des deniers publics .Ce projet donne les grandes lignes du contexte actuel qui ont des répercussions sur la société. Par la suite, l’orientation fondamentale de la politique de ce projet et les voies d’action à privilégier sont données. Un plan d’action, constitué de moyens concrets que le ministère devrait prendre pour aider le milieu scolaire à relever le défi.

Accompagnez ce projet, à long terme, donnera des résultats satisfaisants. Par où commencer pour assurer la réussite du projet quant à la formation d’un citoyen respectueux des valeurs de la République? La réponse est simple : par le début, le plus tôt possible, avant même l’apparition des difficultés ou de façon à en prévenir l’aggravation. La prévention constitue donc la première voie d’action à privilégier pour obtenir des résultats durables et elle doit se faire avec l’aide de l’ensemble des partenaires, particulièrement des parents.

Deux aspects de la prévention méritent une attention particulière: d’une part la création d’un environnement favorable aux apprentissages des ces valeurs et à la réussite et, d’autre part, une attention et une intervention rapide, dès les premières manifestations des difficultés.

Un milieu scolaire qui, dès le départ, prend des moyens tenant compte de la diversité des besoins et des capacités des élèves et qui préconise une approche ouverte et souple permettant de respecter les différences, se respecter, respecter l’autre, connaître ses droits, ses devoirs, connaître son histoire, aimer sa patrie, et favorise les apprentissages et voit augmenter les réussites des élèves, incluant ceux ayant des besoins particuliers.

Le projet éducatif de l’école, élaboré par la direction et adopté par le conseil d’établissement, peut constituer un bon moyen permettant d’effectuer une réflexion et de prévoir des actions concrètes en ce sens. La dynamique de l’éducation est centrale dans le processus de reconstruction du pays.         D’elle dépendent les chances de réussite économique (une main-d’œuvre formée et qualifiée), sociale (la solidarité nationale, moteur du développement), culturelle (accession du plus grand nombre à un genre de vie meilleure) et politique (consensus sur la participation de tous aux décisions majeures qui engagent l’ensemble de la société). Cela suppose une représentation claire des finalités éducatives et un consensus collectif autour des objectifs (acquisition d’un savoir, d’un savoir-faire, d’un savoir être et apprendre à apprendre à être dans la vie collective et en société).

L’éducation est action, ressortie donc à un projet exprimé en termes de valeurs; elle est une dynamique projective, une visée anticipatrice à travers des représentations idéales fortement valorisées, auxquelles les acteurs, un groupe social entier ou communauté éducative, donnent un prix et s’identifient; elle suppose une rationalité prévisionnelle qui part d’un présent vers un devenir; avec des stratégies, des moyens, des méthodes, des programmes, des plans d’action, inscrits dans une logique de rupture.           Celle-ci étant essentiellement la volonté d’inscrire dans les faits de manière concrète les nouvelles propositions de changement.

Aucune institution moderne ne peut se passer d’un projet éducatif. Or il se trouve que depuis l’avènement de l’école fondamentale, l’approche par objectif, et en fin la solution miracle-l’approche par compétences- n’ont pas donné une vision claire de ce que l’on veut former exactement à travers ces différentes méthodes importées et utilisées selon la formule «le copier coller», donc point de projet pédagogique qui pourrait nous éviter cette «stratégie» qui consiste à sacrifier des milliers de jeunes sans aucune qualification. L’Etat algérien, aujourd’hui en totale transition (1986), que je qualifie d’éternel et donc en «quasi transformation», vit, pendant un temps 1980/2010, d’un idéal, des modèles de référence, liés et assimilables, dans les conjonctures économiques et sociales algériennes, à ce qu’il conviendrait d’appeler des «anti-valeurs». Celles-ci peuvent être schématisées de la manière suivante: on a vu émerger un type d’homme foncièrement amoral (out put de l’école des années 80), puisant sans le moindre scrupule dans la caisse de l’Etat proposé comme modèle à la société entière; irrespectueux du bien d’autrui, corrompu et corrupteur; irrespectueux de la femme, de l’enfant, irrespectueux des valeurs de la République et de ses institutions; ayant une hiérarchie des valeurs renversée; pour lui, l’unique principe d’action est la fin justifie les moyens. C’est ainsi que, parti de rien, il se trouve du jour au lendemain à la tête d’une fortune colossale. Voilà pour les valeurs immorales qu’on devrait bannir et surtout introduire dans le cursus scolaire afin que l’enfant prenne conscience de ce fléau et donner à l’enfant la stratégie pour l’éviter. Ce même type d’homme n’a aucun sens de l’altruisme; ‘le chacun pour soi’ est sa règle d’or; la solidarité sociale, il n’en a cure; il peut même impunément subtiliser le salaire de ses subalternes sans que personne ne s’en émeuve. La société s’en est accommodée comme par consentement tacite et mutuel. Non seulement il est craint, mais il est respecté et reçoit honorabilité. Il constitue une référence, on lui a même fabriqué un nom « Le notable» ! C’est le summum de l’indécence. Sur le plan des responsabilités : compétent ou pas compétent, il est placé à la tête des grandes responsabilités.

La raison politique le placera, sans scrupules de la part des ces partis politiques, par exemple, au niveau des institutions législatives, ou à la tête d’un ministère où il pourra accomplir «l’opération retour», nommera des proches aux diplômes douteux, permettra à n’importe quels proches de faire ce qu’ils veulent en dehors de toute norme, etc. Il brillera par un grand sens d’irresponsabilité n’ayant jamais eu de sens de responsabilité. Sa seule responsabilité réside dans la prédation.

En politique, ce héros transforme le citoyen en simple spectateur et une marionnette d’un pouvoir toujours jaloux de ses prérogatives. Le citoyen est manipulé et rendu passif, simple exécutant des décisions en tout domaine qui lui tombent sur la tête. Le trafic de tous genres : du passeport, des pièces d’identité, le vol de chéquiers, la fabrique de faux papiers d’identité, de fausses monnaies sont le lot quotidien de ce jeune sortant de l’école. Toutes ces atteintes à la moralité publique sont les prouesses des Algériens, sortant de l’école algérienne, issus des milieux populaires, de la classe moyenne, voire même au-delà, qui ont eu la chance de débarquer de leur douar vers les «villes- douars». Aujourd’hui, l’Algérien s’exporte partout sans aucun esprit d’adaptation. Bref, cet Algérien dont l’âge oscille entre 18 et 35 ans, pur produit du régime et de notre système éducatif, dont les caractéristiques sont les suivantes : absence de moralité publique, du sens de bien commun, du sens de l’Etat, irresponsabilité caractérisée, absence de culture et d’éthique dans les affaires, absence de sens de la hiérarchie des valeurs dont le sommet est constitué par des valeurs matérielles à acquérir par tous les moyens. Aux yeux de l’étranger, l’Algérien n’est pas fiable dans son «savoir être», «savoir-faire» et dans son «savoir-vivre en société.». Il est craint. Il fait partie des 14 personnes infréquentables dans le monde. Cet Algérien n’a pas de place dans le monde moderne, dans les structures internationales d’échanges économiques, culturels et politiques à l’ère de la mondialisation.

Du coup, l’Algérie démocratique entière ne trouve crédibilité auprès de personne. Et si les acteurs économiques, banques et organismes internationaux et même les ONG, si les partenaires bilatéraux ou multilatéraux y viennent, c’est pour transférer les milliards de dollars vers leurs pays d’origines. Les nations «civilisées» et développées sont lassées par le spectacle offert par l’Algérie, notamment au lendemain des Grands scandales financiers: «En 2005, près de 240 milliards de dinars ont été dilapidés. En 2006, les enquêtes préliminaires dans les affaires de dilapidation de deniers publics ont évalué le préjudice à plus de 1300 milliards de centimes. Dans le volet des abus de biens sociaux à des fins personnelles par des responsables d’entreprises ou des collectivisés locales, les auxiliaires de la justice ont signalé la perte de plus de 2000 milliards de centimes.

Dans les banques, même constat. On se rappelle à peine les montants dilapidés : plus de 7000 milliards de centimes à El Khalifa Bank, 3200 milliards à la BNA, 4000 milliards à la BCIA, 1100 milliards à la BADR ou encore les 70 milliards d’Algérie Télécom. Il y’a aussi le scandale de la Générale des concessions agricoles (GCA) dont les premières estimations font état d’un préjudice de 4000 milliards de centimes » quotidien, la tribune du 02/01/2010. Et on ne sait rien encore des détournements colossaux des affaires de l’Autoroute ; du thon rouge; de la Sonatrach et j’en passe. On a troqué l’ancien système par un autre qui tient davantage de la rhétorique des droits libertés, mais qui perpétue les pratiques prédatrices, ordurières d’hier. En tout cas, n’ayant rien à attendre de notre régime, l’Occident s’est retourné massivement vers les pays de l’Europe de l’Est qui sortent des mêmes dictatures que l’Algérie. Cependant, il n’y a pas de fatalité.

L’évaluation lucide de la situation doit s’accompagner d’un changement radical de comportements politiques à partir d’un projet pédagogique efficace et efficient dont la finalité sera de former un citoyen actif et responsable. Le but sera d’inculquer les valeurs de la République et l’objectif sera de doter les out put (futurs cadres de la nation) d’un savoir- agir à l’image de leurs pairs européens.

Si l’enseignement ne peut évidemment à lui seul changer les rapports sociaux et économiques qui régissent notre société, il peut en revanche apporter à ceux qui les subissent la capacité de comprendre le monde et donc d’agir, collectivement, à le transformer. Le sens de notre engagement, au sein de nos écoles, est on ne peut plus clair : ce qui nous importe, c’est le changement, le progrès social. L’idéologie dominante s’entête à affirmer la primauté de la liberté – au sens restrictif, individualiste, du terme, nous mettons l’accent sur l’équité et la solidarité parce que ces deux valeurs sont les passages obligés vers une véritable émancipation de tous les citoyens. Ne tournons pas autour du pot: nous ne considérons pas notre société actuelle comme démocratique. Formellement peut-être. Et encore ! Mais sur le fond, assurément non. Expliquons-nous brièvement. Bien sûr, le…modèle algérien» se vante de tous les attributs de la démocratie: élections au suffrage universel, régime représentatif, séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, droits fondamentaux et liberté des citoyens, liberté de la presse, etc. Mais les faits sont têtus et nous obligent constamment à remettre en cause cette vision idyllique. Quelques exemples, sans entrer dans le détail. Les partis de gouvernement (l’Alliance présidentielle) ont organisé un quasi monopole d’éligibilité pour protéger leur pré carré. Loin d’être indépendants les uns des autres, le monde politique, judiciaire et médiatique sont souvent comme cul et chemise, ou alors s’enlisent dans des guéguerres lamentables. Les médias de masse lourds sont pieds et poings liés à leurs annonceurs. Les individus voient leurs droits et libertés garantis tant qu’ils restent dans le rang. S’ils en sortent, ils s’exposent à une justice de classe …et à des frais insurmontables. Démocratie formelle peut-être, et encore… disions-nous.

Mais sur le fond ? En quoi notre régime est-il réellement, substantiellement démocratique ? Quel sort réserve-t-il aux citoyens ? Et particulièrement aux plus…petits» d’entre eux? En Algérie, nombreux sont ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté (à moins de 02 euros par jour). Le destin social des ouvriers – salaire, conditions de travail, risques d’accidents graves, espérance de vie-reste bien plus dur que celui des professions plus «nobles». Les services publics et économiques, privatisés et mis en concurrence, sont de plus en plus médiocres (moins d’un milliard d’exportations en dehors des hydrocarbures).

L’enseignement continue d’être une catastrophe, non pas tant par son niveau moyen, mais par le sort qu’il fait aux jeunes les plus fragiles socialement. Nulle part ailleurs dans le monde industrialisé, l’écart entre le niveau moyen et les plus faibles n’est aussi abyssal. Nulle part ailleurs, il ne sort de l’école autant d’adolescents quasi illettrés. Ce qui constitue, soit dit en passant, la principale barrière dressée devant ces jeunes à l’exercice de leur citoyenneté ! Nous pourrions aussi nous étendre, plus largement, sur les conséquences de plus en plus désastreuses des crises climatique, écologique et énergétique qui s’annoncent, sur la misère du logement social, les conditions de détention dans les prisons, l’impasse dans laquelle se trouve confinée la jeunesse «des quartiers», le chômage, la drogue, la prostitution, la précarisation, la violence sous toutes ses formes et la flexibilisation du travail qui mènent tout droit à de nouvelles formes d’esclavage. Cette liste est malheureusement loin d’être exhaustive. A ceux qui seraient tentés de nous rétorquer que ce régime est quand même «le moins mauvais» des régimes et qu’on n’y vit pas si mal, nous tenons à rappeler que les avancées politiques et sociales de la période 1965-1979 – bien réelles chez nous – n’ont pas été offertes par les puissants dans un élan d’altruisme spontané, mais arrachées par les Algériens au prix de très dures luttes coloniales (1845-1864-1958) :trois étapes et portraits de criminels de guerre présentées par notre éminent chercheur Feu Mostefa Lacheraf ( in Algérie et tiers monde pp9-69) entre 1830-1962 cette révolution grandiose , qui n’a pas besoin d’être glorifiée ni reconnue, ni même attendre UN PARDON, à fait dans les rangs de nos résistants quelques 08 à 10 millions de martyrs ,et de luttes sociales et de leur résistance en 1965-1979 et des rapports de force résultant de celles-ci. On voit d’ailleurs combien il est devenu difficile de préserver ces progrès sociaux, face aux attaques incessantes des forces néolibérales depuis le tournant de l’année 80 (là, notre cher pays est tombé dans le coma), quand ces rapports se sont inversés.

Il est juste aussi de rappeler à ceux qui se réjouiraient de l’efficacité économique et sociale de la démocratie de marché entre 1999-2010 qu’elle s’est nourrie de l’exploitation sans limite des ressources naturelles de notre pays désormais au bord du gouffre économique et social…et de l’exploitation des «damnés de la terre-le sujet lambda-», plongeant plusieurs milliers de personnes dans une misère insoutenable. Devant un bilan aussi affligeant, tout démocrate est en droit d’exiger des explications. A tout le moins, il convient de s’interroger, sur les causes systémiques d’un tel gâchis. Serait-ce là le sens de l’appel du pied que fait le politique à l’Ecole en matière d’éducation à la citoyenneté? On a suffisamment démontré que l’organisation de notre système scolaire accroît sensiblement les inégalités grandissantes, générées par l’essence même et les attentes de notre société, désormais libérale et consommatrice.

Comme le démontre l’enquête réalisée auprès des parents d’élèves du collège Jean Maire à Constantine pour l’année 2010, que nous allons présenter ultérieurement, la misère des savoirs de nos élèves du collège est criante. Comment alors développer une véritable citoyenneté critique, susceptible de construire un monde plus juste et démocratique, si les outils pour comprendre le monde glissent irrémédiablement des mains de nos élèves ? Toutefois, l’horizon des inégalités est tristement bigarré. En effet, la pénurie des savoirs qui donnent force pour comprendre le monde affecte encore plus douloureusement les filières qualifiantes (enseignement technique et professionnel).

Au sein d’un établissement de la formation professionnelle, à la rentrée 2009, nous nous sommes livrés à un petit exercice. Certes, aucune dimension représentative ne peut être attribuée à ce genre d’activité. Néanmoins, nous avons pu, de la sorte, objectiver nos impressions et surtout nos craintes. Nous avons soumis des élèves d’un centre professionnel de mon douar à un petit questionnaire relatif à la crise économique et sociale qui alimentait l’essentiel des conversations. Sur 45 réponses possibles, 42 estimaient que la crise aura des conséquences importantes ou très importantes sur leur proche avenir. Par contre, quand on les interrogeait sur les causes et les enjeux majeurs de la crise, 9 élèves étaient incapables de rédiger la moindre ligne; les autres se limitaient à des propos du genre «c’est la faute des banques», «c’est la faute des politiciens» ou encore «c’est la faute des deux», mais sans pouvoir, de leurs propres aveux, développer ne fût-ce qu’un semblant d’argumentation sérieuse et logique sur cette question; 6 tentaient de combler l’espace disponible avec des répétitions et des slogans entendus ci et là. Personne ne fut capable de développer et d’articuler rationnellement ne serait-ce qu’une cause et un enjeu, alors que ce thème représentait, à leurs yeux, rappelons-le, une préoccupation majeure. De surcroît, sur les 36 réponses, 20 confondaient allègrement la cause et l’enjeu.

Enfin, il y avait une question sur leurs sources d’information. Ils ne citaient pas l’école mais, à l’unanimité, la presse privée algérienne et étrangère ainsi que les télévisions étrangères. Pas 01 élève disait suivre, exclusivement, les journaux télévisés, ni la presse ni la radio du service public.          Donc, même le type d’information préconisée par la télévisions et radios leur semble (heureusement peut-être…) trop hermétique. Que dire alors des informations émanant du pouvoir? Ce que les élèves déploraient, outre les problèmes liés au vocabulaire général et technique, c’est le rythme trop soutenu des présentateurs TV et radio et l’absence d’une pédagogie de l’information, adaptée à leur maîtrise de la langue arabe ou française.

Par conséquent, l’enseignement obligatoire algérien exacerbe les inégalités produites par le système économique en vigueur, tant sur le fond que dans sa forme. C’est pourquoi les élèves des centres de formation professionnelle finissent par accepter, malgré eux, d’être des «citoyens de division inférieure». A quelques mois de leur entrée dans la vie active, beaucoup d’entre eux vivent cette situation comme une gifle psychologique permanente et une injustice sociale illogique et dommageable (c’était le cas pour près de 80 pour cent des élèves ayant «répondu» au questionnaire).

La pauvreté critique des couches sociales populaires est certes inhérente à la société capitaliste mais elle s’inscrit également dans un cadre scolaire inique où la citoyenneté devient une mystification d’un point de vue progressiste et un subtil et efficace adjuvant pour l’ensemble des forces conservatrices. Celles-ci, comme thuriféraires subjectifs de l’idéologie dominante, utilisent et utiliseront le prisme de la citoyenneté à l’école pour préparer davantage les élèves de classes populaires à se soumettre aux valeurs et institutions économiques, politiques et culturelles dont ils seront, par ailleurs, les premières victimes.

Quant à l’esprit critique des enfants de la bourgeoisie, au-delà d’un culturalisme de bon aloi (au mieux), il leur assurera la pérennité et, si possible, le renforcement de la justification des réalités dominantes dont ils seront, très majoritairement et très généreusement, les bénéficiaires. Telles sont les contradictions «citoyennes» qui se vantent d’incarner l’école républicaine en agitant l’étendard du libre choix scolaire, fils naturel de l’école considérée comme un marché et l’élève comme un quasi client. Ajoutons à cela la modernisation d’une école mieux adaptée à la société actuelle et à ses exigences économiques pour enfin réduire le chômage des jeunes les plus fragilisés. Quel astucieux sophisme que d’insinuer qu’un système scolaire puisse être créateur d’emploi et donc d’évolution favorable pour les classes sociales les plus défavorisées.

Naturellement, dans le meilleur ou le moins mauvais des mondes, les arguments sont dépourvus de tout accent idéologique. Naturellement… Ils s’imposent par pur pragmatisme et révèlent, bien sûr, la seule réalité objectivement et efficacement réalisable.            C’est évident, le capitalisme contemporain et le néo-libéralisme qui le soutient ne dispensent aucune vision de l’homme, de la société ni du sens de l’existence. Il va de soi que nos élèves et nous-mêmes pouvons quotidiennement vérifier que notre société est dépouillée d’une quelconque dimension idéologique. Allons, soyons sérieux ! Il y a bel et bien une idéologie capitaliste, fondée sur la concurrence, la compétition, la consommation, l’accumulation des richesses et l’individualisme triomphant, et aussi le génie d’une caste qui n’a peur de rien.

Elle vole, détoure en toute impunité.

Le laxisme, l’irresponsabilité et l’impunité pénètrent chaque jour au coeur de la vie de nos élèves.

Depuis une dizaine d’année, en effet, toute la coalition gouvernementale, les dirigeants de ce pays insistent lourdement sur cette mission de l’enseignement. Dans notre article «Education à la Citoyenneté», nous nous étions déjà posé la question: mais pourquoi ce pouvoir ne veut-il pas développer la citoyenneté critique chez les jeunes? A l’époque, nous avions avancé deux hypothèses qui tiennent toujours la route.

Un: le tournant des années ’90 avait vu la résurgence du fondamentalisme guidé par les pro- Chiites, les pro-Baathistes et les pro-Wahhabites, une authentique menace pour la République. Et pour maintenir, il fallait donc «ne pas vacciner» la jeunesse contre les baathistes et les fondamentalistes, car tout ce «beau monde» trouvait ses marques.

Deux: en ’99, cela faisait déjà onze ans que la population souffrait des politiques d’austérité néolibérales… dont les conséquences commencent à se faire sentir durement. Au point d’alimenter une contestation sociale de plus en plus menaçante (dans le monde scolaire, notamment). Il fallait donc également «neutraliser» de potentiels mouvements venant … des contestataires. En somme, donc, défendre la démocratie telle qu’elle était, à savoir une société formellement démocratique, mais dominée par les «lois du marché». Défendre une ligne qui exclue toute velléité de changement un tant soit peu radicale. Une volonté traduite en une expression très commode: «tout sauf les extrêmes».

Une ligne de défense partagée par les trois familles «traditionnelles», passées entre-temps à quatre, qui semblent ne plus débattre que de nuances, puisque aucune d’entre elles n’ose encore remettre fondamentalement en cause les dogmes de l’économie capitaliste. Une ligne de défense qui sert incontestablement les intérêts des puissants lobbies privés, tapis dans l’ombre des ténors politiques, mais néanmoins présents et actifs. Vingt deux ans 1988-2010 après les premiers sursauts «démocratiques» et «citoyens», quel message nous délivre l’autorité politique en la matière ? Rien de tel qu’une lecture attentive de la Déclaration de Politique pour y voir plus clair.

En guise d’apéritif, une première citation qui ne laisse planer aucun doute sur les priorités du gouvernement: l’enseignement doit évoluer avec le monde qui l’entoure. En même temps, le monde économique a besoin de l’enseignement. Le ton est donné. Une lecture transversale du plat de consistance, la volumineuse partie consacrée à l’enseignement dans cette Déclaration, fera frémir tous les démocrates attachés à une citoyenneté critique. Ce terme apparaît bien à de nombreuses reprises dans le texte, mais, en dernière analyse, il y est psalmodié de manière purement incantatoire. Ou alors, il faudra nous expliquer les contradictions suivantes. Pour les jeunes qui «s’orientent», vers le qualifiant, comment concilier cette «formation générale boiteuse» (historique, sociale, scientifique, culturelle, philosophique, etc.), condition sine qua non d’une réelle citoyenneté, avec une généralisation de la formation professionnelle ne répondant nullement aux réalités économiques du pays? Une formation professionnelle pour qui et pourquoi?  Aujourd’hui déjà, la misère des critères de sélection dans l’enseignement professionnel est telle qu’atteindre les objectifs tant économique que professionnelle relève de la mission impossible. Et ce qui couronne, c’est ce label qu’on a inventé: les entreprises qui engageront (traduisez: «exploiteront») des stagiaires (traduisez: «de la main-d’œuvres bon marché») seront récompensées… Et en plus, C’est cette déclaration du ministre du Travail qui confirme qu’il existe des postes vacants pour lesquels l’on ne trouve pas de main-d’œuvre qualifiée… La question qu’on pourrait se poser: Quelle est l’utilité du conseil de gouvernement ou d’un conseil de ministre? Si ce n’est pour soulever le problème de complémentarité et de concordance entre ministères. La lecture qu’on pourrait faire de la déclaration de monsieur le ministre de l’emploi est la suivante: La politique de la formation professionnelle à besoin d’être secouée et aussi revoir sa carte de formation.

La réticence des jeunes à rejoindre les centres de formation professionnelle retarde l’arrivée sur le marché du travail de travailleurs qualifiés, comme elle retarde également les avantages reliés à l’insertion dans un emploi de qualité pour ces jeunes. Ce délai engendre des coûts considérables pour les personnes, les entreprises et pour la société. Plusieurs facteurs limitent les inscriptions à la formation professionnelle. D’abord, en dépit des progrès constatés, le secteur des métiers et de la formation professionnelle est moins valorisé qu’il devrait l’être objectivement. Une enquête auprès de jeunes révèle que près de 60 pour cent des jeunes ne s’inscrivent pas en formation professionnelle car, d’après la perception qu’ils en ont, les métiers qu’elle offre «ne sont pas intéressants et ne répondent pas à la demande du marché». De fait, l’attitude et les préjugés qu’ont certains parents et intervenants scolaires portent les jeunes à croire qu’une formation professionnelle ne serait pas aussi « valable » qu’une formation collégiale ou universitaire, alors que les besoins du marché du travail jouent en faveur des métiers spécialisés. Cette situation est dommageable, tant pour la société que pour nombre de jeunes qui pourraient s’épanouir en exerçant un métier correspondant à leurs talents et à leurs goûts. Cette problématique d’orientation, fondée sur des perceptions erronées et la méconnaissance des métiers et des possibilités qu’ils offrent, tant au plan de l’emploi que des salaires et des conditions de travail, constituent autant de facteurs qui limitent les inscriptions en formation professionnelle. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’une proportion élevée des élèves qui s’y retrouvent est relativement plus réticente. De plus, les conditions d’admissibilité à ces programmes peuvent représenter des difficultés à surmonter, notamment pour des élèves plus jeunes qui, entre autres, n’ont pas un niveau suffisant de formation générale. Par ailleurs, à dossier équivalent, les élèves plus âgés seront favorisés car ils sont en général plus sérieux et disciplinés, et leur maturité vocationnelle est souvent plus grande. Il faudrait maintenant travailler à inciter les jeunes de 14 à 18 ans qui sont moins à l’aise en enseignement régulier à considérer la formation professionnelle, dont le côté plus concret et davantage orienté vers le travail pourrait constituer un facteur de persévérance scolaire et de réinsertion sociale.

Comment peut-on parler d’enseignement, comment peut-on accéder à une citoyenneté critique si les savoirs de base à atteindre par tous au primaire et au collège se trouvent menacés : «la compréhension en lecture, l’expression orale, l’expression écrite, la résolution de problèmes mathématiques, l’apprentissage de la démarche scientifique, la connaissance de langues étrangères»? Il n’y a là que des compétences instrumentales «le taylorisme solaire», rien au niveau d’éventuels contenus permettant de comprendre le monde et ses enjeux (savoir agir)! La définition de la citoyenneté signifie adhérer à et respecter une série de règles permettant le «vivre ensemble dans notre différence». Ce contrat social, fait de règles communes à tous, permet à chacun de développer des relations harmonieuses, en toute sécurité, avec son environnement. L’éducation à la citoyenneté à l’école devrait aller dans ce sens. C’est-à-dire apprendre à l’enfant à «Adhérer», «respecter», «des règles communes», «contrat», «relations harmonieuses», «sécurité» (et «environnement».
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Il s’agit donc de s’inscrire dans la société comme elle est, et éventuellement d’y développer sa personnalité… à condition de ne troubler ni l’ordre ni l’harmonie sociale. Bien entendu, le respect des règles devra êtres respecté par tous. Malheureusement, l’école apprend à l’enfant la soumission. Ce facteur est devenu un des symptômes les plus désespérants de l’école d’aujourd’hui, le «manque de motivation» des jeunes.

Et sans faire le lien, pourtant évident à nos yeux, sa raison principale: la citoyenneté de la soumission où ces mêmes autorités veulent contenir les jeunes ! On leur propose, comme seuls horizons, d’être des instruments au service du pouvoir politique et des entreprises et d’obéir aux règles d’un certain «vivre ensemble tout en acceptant les inégalités sociales imposées par les personnes devenues riches par le vol et les détournements» … Et vous vous étonnez de les voir manquer de motivation et se rebeller !?

L’Algérie doit s’organiser en étant persuadée que l’aide internationale ne viendra jamais. Il faut que nos responsables voient enfin cette vérité en face: «Nous avons nos cadres, dont la majorité est restée intègre et honnête, à qui il faut faire appel. Nos décideurs doivent dire aux Occidentaux: « Voilà mon savoir-faire» (qui n’est pas de l’ordre du discours), ce dont je suis capable, si vous voulez nous aider… Nos ingénieurs, nos économistes sont aussi capables de présenter des projets fiables et crédibles de développement, nous sommes aussi capables d’être créateurs, compétitifs sur la scène internationale.

La problématique est la suivante : au nom et autour de quelles valeurs reconstruire un nouveau projet éducatif ? Rassembler les énergies de toute la nation ? Apprendre aux jeunes et aux adultes algériens le «savoir», le «savoir-être», le «savoir-faire», le «savoir-agir» et le «savoir-vivre dans notre différence» en société moderne ? En d’autres termes, le projet éducatif doit être orienté pour permettre au jeune de pouvoir se dire autonome, c’est-à-dire trouver l’insertion sociale, culturelle et professionnelle. Comment amener ce projet éducatif à devenir l’expression de la volonté collective ?

Inscrit dans le champ politique, économique et social de crise, ce projet éducatif doit être inspiré de l’intérieur par un projet de société sous-jacent, exprimé également en termes de valeurs, proposées à l’assentiment de tous, dans lesquelles le pays entier se reconnaîtrait. Le concept de valeur ne signifie rien d’autre que ce vers quoi on se sent attiré, ce à quoi on accorde du prix. A l’intérieur du projet, la valeur opère comme une préférence et une référence. Problème difficile et complexe.

Cependant, il faut esquisser un profil de société. Puis appeler un projet de société alternatif, relatif à des valeurs maîtresses qui font défaut cruellement aujourd’hui à la société. II faut d’abord proclamer la volonté ferme de changement. Ensuite, une évaluation lucide de la situation présente, et enfin des propositions claires fiables. La volonté doit pouvoir inscrire dans les faits la rupture avec le passé.

Il semble qu’il n’y en ait pas deux. Il en faut un qui responsabilise. La responsabilité semble être la première des vertus maîtresses à restituer aux Algériens, appelant donc des structures qui responsabilisent à tous tes niveaux tous les acteurs du vivre collectif et indirectement tous les partenaires du système éducatif. Quelle forme, quelles structures, quelle mission et quel rôle assigner à l’Etat pour qu’il responsabilise le citoyen ? Ce n’est certainement pas l’Etat fortement centraliste comme on le voit aujourd’hui, dirigiste, autoritaire, soumis à un parti unique (l’alliance présidentielle), omnipotent, omniscient. Si le pouvoir a promis à contrecœur le multipartisme, cela n’est pas encore suffisant. Le multipartisme n’est pas encore la démocratie, c’est un début peut-être ; il y a des régimes où le pluralisme des partis coexiste avec la dictature, comme au Maroc ou en Tunisie.

Le système du parti unique, nouvelle version, ou de la dictature se perpétue encore à travers les hommes qu’il a formés, a mis en place, qui n’entendent pas se convertir au principe de la démocratie. Multipartisme ne veut donc pas dire automatiquement démocratie. Autre chose est proclamée le multipartisme, autre chose est la démocratie réelle. Les vrais démocrates doivent rester vigilants. «Le pouvoir est toujours au bout du fusil ». Albert Bourgi rétorque avec Abraham Lincoln: « Un bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil ».

Seul un Etat réellement respectueux des droits et des libertés peut amener les citoyens dans la voie de la prise de responsabilité. Qui dit liberté, dit responsabilité. Mais attention ! Les droits de l’homme par eux-mêmes ne sont pas une politique, mais un cadre dynamique dans lequel évoluent les sociétés démocratiques. Il resterait à affronter la question d’une société juste, égale et libre, liée au problème concret de l’organisation politique de la collectivité.

Cette organisation politique qui responsabilise doit inscrire en son cœur le consensus sur le pluralisme fondé sur trois règles : l’existence de plusieurs groupes ou parties organisés et concurrentiels les uns par rapport aux autres ; les électeurs doivent pourvoir choisir entre plusieurs alternatives ; et la minorité doit avoir la garantie qu’à son tour elle peut devenir la majorité grâce à l’organisation d’élections libres. Le principe fondamental d’une démocratie minimale étant le principe de prise de responsabilité par la garantie donnée pour une participation la plus large possible de la majorité des citoyens à la prise de décisions qui affectent l’ensemble de la société.         Il est donc mis ici en avant le principe d’une démocratie participative et celui d’une prise de responsabilité.

Cette participation peut être directe ou indirecte. D’où les deux principes de participation et de représentation: C’est-à-dire, au lieu d’une hégémonie au profit d’un homme ou d’un groupe, d’un clan, d’une région, d’une zaouïa, ici la participation de la majorité à tous les niveaux des décisions vitales pour le pays fait jouer le rôle de courroie de transmission entre l’Etat et les citoyens aux organisations de masse, associations diverses, syndicats… Il faut noter avec pertinence que dans un système de parti-Etat, le président-chef du parti une fois écarté, c’est l’ensemble des institutions qui disparaît avec lui et l’on découvre alors que loin d’être l’architecte de l’Etat et des institutions, le parti unique nouvelle version a pour seule fonction d’asseoir et de renforcer le pouvoir d’un homme ou d’un groupe d’individus. Or aujourd’hui, le peuple aspire enfin à une citoyenneté participative à tous les niveaux .Chose qui n’est pas du tout impossible, Il suffit d’une vraie volonté politique pour passer d’une réconciliation nationale factice à une culture de paix voulue et souhaitée par tout un peuple.

L’Algérie connaît la disparition de l’autorité de l’Etat, des institutions qui l’accompagnent, du respect des lois de la République et de la Constitution, etc. Au profit du Dieu Argent. Il faut donc reconstruire. Il faut lui donner des structures de responsabilités sur les décombres d’un héritage fait de mensonges bureaucratiques, de sous-développement, de corruption, de non-respect des droits de l’homme, de gabegie, de régionalisme et de tribalisme. N’a-t-il (le pouvoir) pas négocié avec les arouch ? N’a-t-il (le pouvoir) pas signé un pacte de non-violence entre les Arabes et le M’zab?). Ce genre de pacte est antinomique avec les principes républicains basés sur les lois de la République et rien d’autre.

Nous ne devons pas suivre l’exemple de l’Irak qui se trouve déchiré dans une guerre ethnique, les chiites d’une part et les sunnites de l’autre. Le peuple palestinien se trouve lui aussi otage d’un conflit entre le Hamas, otage des baathistes (Syrie) et des chiites (Iran) et le Fatah, otage des wahhabites (Arabie Saoudite) d’une part et d’El-Azhar (Egypte) de l’autre. Cette Palestine ne trouvera pas la paix tant que le conflit du leadership ne sera pas banni du jargon de ce «monde arabe». – Ceci est une autre histoire: au risque de sortir du sujet de notre article, on s’arrêtera là -.

Nous n’avons pas besoin d’hommes forts. On a besoin d’institutions fortes. Déclaration faite par un jeune président très fort de par les institutions qu’il représente. Il est écouté non pas qu’il est beau et jeune, mais parce qu’il craint ; sa force réside dans son élection démocratique et la force des institutions de l’Etat américain.

Ces structures fortes sont traduisibles dans un projet politique qui privilégie les valeurs de prise de responsabilité par l’Etat d’abord, ensuite par les wilayas, les daïras et les collectivités de base. Des structures souples d’un Etat décentralisé qui se constitue en partenaire des divers groupes.

La loi détermine les responsabilités des diverses instances à tous les niveaux et secteurs. L’Etat ne se dessaisit pas de ses fonctions et missions régaliennes : défense de tout le territoire, de la politique extérieure du pays, éducation, etc.

Mais si ces structures issues d’une décentralisation conduisent à une grande responsabilisation, celle-ci devra se traduire d’abord dans le domaine éducatif : les régions et les collectivités locales doivent assumer pleinement, à leur niveau, les responsabilités qui leur incombent, dans les limites déterminées par la loi. Les valeurs de responsabilité, de liberté, de solidarité entre les régions, entre les individus, de compétence dans le savoir et le savoir-faire, de refus d’inégalités injustes. Les valeurs éthiques, en effet, sont importantes, car le développement s’associe à une certaine rationalité et à un effort qui vise les finalités à atteindre en suivant ce que la raison commande en nous. C’est à partir de ces valeurs qui appellent une véritable conversion des acteurs algériens, que doit s’opérer la rupture avec le passé et doit s’instaurer une stratégie de changement. Un véritable projet éducatif doit se dessiner à partir et autour de ces valeurs.

En conclusion, tout porte à croire que le pouvoir politique et son bras pédagogique (l’école) se gardent bien de braquer trop crûment les projecteurs sur les responsabilités du pouvoir économique dans la souffrance vécue par une majorité de citoyens.         Un pouvoir économique qui, de son côté, n’a plus besoin d’une élévation du nombre de jeunes hautement qualifiés, vu la nouvelle dualisation du marché du travail.

Un pouvoir qui aurait tout à perdre d’une génération de citoyens hautement instruits, critiques, sensibles à toutes les formes d’aliénation et d’oppression, capables de s’exprimer et de s’organiser collectivement et déterminés à changer le monde.

Ceci explique certainement cela : un abandon à peine voilé des objectifs démocratiques et républicains de l’école. Il nous appartient dès lors de résister et de promouvoir une autre Ecole républicaine, unique possible, pour une autre Algérie possible.

Sur le plan des politiques éducatives, il est urgent d’initier un débat de fond sur la philosophie même de l’éducation dans notre société: l’école est trop souvent reléguée au rôle de pourvoyeur de main-d’œuvre diversifiée pour un marché du travail imprévisible et dualisé. Former des citoyens critiques ne se réduit pas à apprendre à lire et à calculer, ou à inculquer un peu d’esprit d’entreprise et de flexibilité. L’école ne doit pas reproduire les conditions de survie de la société existante mais, au contraire, former les acteurs d’un changement de société toujours plus urgent.

Concrètement, cela passe par la réalisation de réformes comme celles préconisées dans l’article : Approche par compétences, fausse solution pour un vrai problème (in journal quotidien d’Oran du 20/02/2010). En particulier, il faut combattre la ségrégation sociale dans l’enseignement en éliminant «les classes d’excellence»; revoir les programmes d’enseignement afin d’y introduire davantage de rigueur, de clarté ; laisser une plus grande liberté aux enseignants (éviter la bureaucratisation de ce métier) sur le plan des pratiques pédagogiques, tout en étant plus directifs sur le plan des contenus (ils doivent en particulier garantir l’acquisition d’un corpus commun de connaissances jugées indispensables au citoyen critique du troisième millénaire); prévoir le contrôle de ces connaissances par des évaluations centralisées. Une école de la citoyenneté sera aussi une école ouverte, où la présence des élèves ne se limitera pas aux heures de cours journaliers, mais où ceux-ci seront de véritables acteurs de la vie scolaire, dans ses dimensions domestiques et culturelles, mais aussi politiques et sociales, économiques et technologiques.        C’est-à-dire l’harmonisation du curriculum réel et du curriculum scolaire.

Une éducation à la citoyenneté commune à tous les élèves, en complément des cours de morale et de religion, sont les meilleurs outils d’accompagnement pour mettre en œuvre l’idée d’une «citoyenneté critique à l’école» ; il est indispensable d’introduire des matières sur la vie affective et sexuelle (contraception, égalité entre les sexes, violence faite aux enfants et aux femmes), et les assuétudes ; des modules de formation pour les enseignants; favoriser les attitudes de coopération en tant que «savoir-être» et les dynamiques collectives; intensifier les expériences positives d’éducation à la citoyenneté au sens large, y compris la lutte contre toute forme de discrimination, l’éducation au développement durable, l’éducation à l’inter-culturalité, le commerce équitable, l’éducation aux médias, la sensibilisation à l’art; des animations sur la violence. L’école est le meilleur moyen pour observer et pratiquer la démocratie.
* Maitre de conférences Université de Constantine

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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