Blindé de documents et de patience, je m’engage enfin dans l’antre administratif… Tour où se niche la clé de la délivrance. Telle la gueule d’un animal épuisé. J’entre. Le hall grouille de personnes. Ambiance électrique. Suintement sur visages crispés. Odeur de société. Voix entremêlées de soupirs.
La foule fait face à quelques agents déterminés. Enfin, la voix d’un agent qui ne me regarde pas, derrière son bouclier de verre, me «bipe une phrase» dans ce brouhaha. Naturellement, mon oreille se connecte de peur de le faire répéter. Déjà, je m’excuse de le déranger avant de lui adresser ma demande. Je le plains de travailler dans de telles conditions, d’avoir tant de responsabilités, d’être dérangé par toutes ces personnes ingrates, impatientes et sans éducation. L’agent imperturbable me tend mon dossier. Sans un mot. J’ai cru voir ce dessiner un rictus. Paniqué, je me confonds en excuses de ne pas avoir su le contenter par un dossier complet. Mais en fait, que se passe t-il ? J’essaie de quémander du bout des lèvres des explications ponctuées de justifications que moi-même je ne maîtrise plus. Ma bouche parle toute seule. Je m’emballe. Je cours après les mots que j’éjecte et que je veux rattraper en même temps. Les ravaler car je ne vois aucune évolution de l’attitude. J’ai même l’impression que l’agent se raidit. J’ai peur. Il se lève et me laisse parler. Je regarde ma montre et l’heure de fermeture vient de sonner depuis une seconde. Il est déjà «hors zone de couverture». Désespéré, je m’apprête à quitter les lieux lorsque mes yeux tombent sur un mot inscrit par l’Agent qui me demande un autre document.
Un papier appelle un autre papier qui hèle un ensemble de documents qui feront le dossier du papier dont tu as besoin. La cellulose. Cela ressemble au nom d’une maladie chronique. Maladie courante pour laquelle les spécialistes n’ont toujours pas de remède. Toute démarche administrative relève du parcours du combattant; avec des pièges et des zones de turbulences rarement prévisibles. Préparation physique et mentale de rigueur. Accompagnement psychologique obligatoire. Sinon, la folie vous surprend à un balayage de photocopieuse. La crise.
17 avril 2010
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