Le patronat algérien, avec ses insuffisances et ses limites, réalise dans la douleur qu’il n’est pas un interlocuteur pour une administration qui tient pour quantités négligeables tous ceux qu’elle ne considère pas comme une nuisance. Les membres du Forum des chefs d’entreprises (FCE) en ont fait l’amer constat lors d’un débat sur l’avenir pour l’entreprise algérienne. Ils ont fait le constat angoissant d’une stagnation économique, d’une croissance famélique souffrant de l’absence d’incitations macroéconomiques et microéconomiques.
Réda Hamiani a relevé «le gonflement exponentiel du budget d’équipement de l’Etat
Les dépenses sont passées d’un volume annuel de 453 milliards de dinars en 2002 à 2.814 milliards de dinars en 2009». Ces dépenses, selon les patrons, ne profitent que marginalement aux entreprises nationales.
Ils n’ont pas tort. Le budget d’équipement est alloué de fait aux entreprises étrangères et donc aux importations. Ces opérateurs dépités constatent que le gouvernement qui s’alarme de la dérive des importations est le principal responsable de la situation. Pourquoi essayer de freiner par des mesures bureaucratiques la hausse irrésistible des importations, alors que l’on mène une politique économique qui les encourage fortement ? Le FCE ne peut que noter que la main gauche ignore ce que fait la main droite, dans ce qui apparaît comme l’illustration sans équivoque de la politique de gribouille.
Le cri des patrons est celui d’acteurs économiques qui ne comptent pratiquement pas pour une administration fondamentalement déterminée par le caractère massivement rentier de l’économie. Le constat a déjà été fait : les surplus substantiels induits par les hydrocarbures font que le gouvernement n’a pas besoin de négocier avec les acteurs économiques et sociaux. Or, l’Algérie n’a pas besoin d’inventer l’eau chaude : sans l’implication des entreprises, l’économie est au mieux vouée à la stagnation.
La structure du PIB, dominée par les investissements infrastructurels importés et non directement productifs, est révélatrice d’une politique incapable de créer de la croissance que nos voisins, bien moins dotés par la géologie, sont à même de produire. L’entreprise – au centre des démarches économiques partout ailleurs – est marginalisée, voire méprisée. A cette aune, la croissance tant espérée, nourrie aux illusions des IDE, les fantomatiques investissements directs étrangers, est un objectif par définition inaccessible.
La question posée par les entrepreneurs n’est pas celle des choix politiques ou du mode d’organisation institutionnelle. Elle renvoie plus gravement à la qualité d’une administration apparemment incapable de sortir des schémas mentaux d’un dirigisme suranné.
La nature politique du système n’a que peu à voir avec sa capacité à définir une politique économique viable. Qu’ils soient d’inspiration autoritaire comme en Chine, ou très libérale comme en Corée ou en Malaisie, les systèmes politiques ont été en mesure d’assurer les cadres macro-économiques et les régulations adaptés aux entreprises considérées comme les matrices du développement.
Le signal d’alarme tiré par les patrons est plus un cri de dépit qu’un appel au secours en direction d’un gouvernement décidément peu enclin à les admettre en tant qu’interlocuteurs valables. A ce stade, le futur des entreprises algériennes, qu’une administration immobile refuse de reconnaître, est effectivement en question
15 avril 2010
Contributions