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CHRONIQUE D’UN TERRIEN La grande harba (XXXVI)

15 avril 2010

Contributions

J’étais doublement heureux ! Primo, Yimchi Wahdou avait liquidé une brigade de tontons flingueurs et d’égorgeurs invétérés. Secundo, les troupes de l’ANP s’étaient portées massivement à l’assaut des derniers bastions des Campeurs des Babors, secte barbare qui avait inscrit à son actif les plus horribles carnages dans l’Algérie d’avant la «grande harba».

On pensait que ces zombies avaient déserté les lieux ou qu’ils s’étaient fait hara-kiri comme l’émir Hjenjel Mjenjel, malheureux depuis le départ du peuple et dont on retrouva, un jour, le corps pendu à un arbre… Ce départ vers Cherchell était attendu par tous. Le pied-noir avait appelé sa femme à Nice pour qu’elle se prépare à recevoir les photos de cette côte magnifique que nous n’allions pas tarder à découvrir. En effet, la RN 11, après avoir contourné le mont du Chenoua, aboutissait à ce rivage de rêve qui traversait Cherchell, l’antique Césarée, cité sereine, jadis peuplée de braves gens qui vouaient aux belles choses de la vie, aux arts et à la culture, un intérêt jamais démenti au cours des siècles. Nous allions traverser la côte turquoise ! Tout un programme ! Mais la Cherchell qui s’offrit à mes yeux n’avaient plus rien de celle que j’avais connue. L’hôtel où je créchais jadis s’appelait désormais «L’Auberge du dragon impérial » et son restaurant ne servait plus que des plats chinois. Le buveur de Jack Daniel’s était dépité. Il voulait un bœuf bourguignon ! Quant à Meriem, elle était du genre facile. Elle n’avait aucun problème avec la cuisine de l’Empire du Milieu. Le maître d’hôtel, un certain Chang Zweit Mé Marouitch, comme l’indiquait le carton accroché à son smoking, nous recommanda un plat local, du gibier chassé le matin même sur les hauteurs du Chenoua et préparé à la mode de Sidi-Ghiles avec une tendance pékinoise. J’adore le gibier quand il est cuisiné simplement mais ce que l’on nous servit ce jour-là était une horreur. On l’avait cuit à la vapeur avant de le mariner dans une sauce relevée par du «bar aâbid», un tout petit piment mais d’un piquant atrocement cruel ! Puis, au four, on lui ajouta quelques plantes importées de l’île de Java et devant lesquelles le «bar aâbid» avait l’air très innocent. Au premier coup de fourchette, je détalai comme un diable, criant «maman chérie» et je sortis en coup de vent du restaurant. Je n’arrêtais pas de courir, attirant une foule de curieux qui pensaient que j’avais perdu mon mobile. Bientôt, je fus près du rivage. Je plongeai tout habillé ! La foule m’entourait maintenant… Car, en plongeant, j’avais oublié de demander la profondeur des eaux et, justement, à cet endroit-là, il y avait des chalutiers… ce qui voulait dire qu’il y avait un gouffre caché par les eaux glauques du port. Nager était pour moi aussi inconnu que voler en ULM. Et, encore une fois, je ne dus mon salut qu’à Yimchi Wahdou qui, en quelques secondes, m’avait rejoint et sauvé d’une mort certaine. Merci, monsieur le robot. Heureux les androïdes qui ne bouffent pas de gibier au piquant importé de l’île de Java ! Nous profitâmes de notre séjour pour visiter les ruines romaines d’une rare élégance et très bien conservées. Un guide chinois nous expliquait l’histoire de cette région d’une richesse extraordinaire. Il évoqua longuement les somptueux règnes de Juba 1 et Juba2, les magnifiques réalisations architecturales et les œuvres artistiques léguées au patrimoine universel par les rois et princes berbères. Il nous parla de la fille de la grande Cléopâtre et de toute cette période dorée dont il subsistait encore des traces visibles aux quatre coins de la ville. Il s’attarda sur des princes berbères du nom de Bocchus 2 et Bocchus 3… A l’énoncé de ces noms, le buveur de Jack Daniel’s crut bon de corriger le guide en lui rappelant que les vrais noms étaient «Bacchus 2 et Bacchus 3». Le Chinois insista pour dire que Bocchus n’avait rien à voir avec le dieu mythologique Bacchus, mais le pied-noir eut un mot malheureux. Il traita notre accompagnateur d’ignorant ! Et ce qui devait arriver arriva. En fait, le Chinois faisait du volontariat en accompagnant les touristes mais son vrai métier était directeur chef responsable de l’école locale de «kung tfou aâlik» (si vous avez raté les épisodes précédents, sachez que cette discipline, un mélange de kung fu et de «H’rach bônois», a été inventée par maître Nekleb Bik). En deux tours, trois mouvements, le guide transforma le pied-noir en une espèce de volatile qui papillonnait à une vitesse époustouflante, tantôt mordant la poussière, tantôt s’accrochant aux branches des arbres ; un drôle d’oiseau dont les cris n’avaient rien de romantique ! Il ne fallait pas laisser mon ami aux mains de ce Chinois. Je me mis de la partie. Et je fus bientôt une autre espèce de volatile qui papillonnait à une vitesse époustouflante, tantôt mordant la poussière, etc. Nous étions deux drôles d’oiseaux dont les cris n’avaient rien de romantique ! En la voyant se lancer dans la bataille, je voulais crier : «Non, Meriem ! Pas toi…», mais ma voix fut étouffée par une plaque de signalisation qui se trouvait sur le tracé de mon envol… Meriem fut, à son tour, un autre oiseau… Et Yimchi Wahdou ? Il réalisa en retard ce qui se passait autour de lui. Et quand il se décida enfin à nous venir en aide, nous n’étions plus que des décorations avachies sur les têtes des grosses statues romaines…
Plus tard, après avoir donné à nos gueules une apparence humaine, nous posâmes crûment la question au robot : « pourquoi n’êtes-vous pas intervenu ?
- Excusez-moi, mais je crois qu’il y a un problème de batterie !
- Quelle batterie ?
- Celle qui me donnait de l’énergie. Il faut la charger.
- Mais où la charger ?
- Chez un vendeur de cartes Al Jazeera !
- Yimchi, est-ce que ça va dans ta tête ?
- Ma tête n’a rien. C’est du côté de la batterie qu’il faut voir !
- Mais pourquoi les cartes d’Al Jazeera ?
- Je suis maso ! Vous savez, les robots aussi ont leurs tendances. J’adore débourser 17.000 dinars ! Et c’est le plaisir que je ressens en me faisant mal qui est le moteur de ma batterie ! »
Le pied-noir, qui avait acheté une bouteille de Jack Daniel’s chez un vendeur de… chemma, eut ces mots très philosophiques : «Je ne connaissais rien aux robots. Et je pensais que c’étaient la rigueur scientifique et la logique qui habitaient leurs têtes électroniques. Mais là, un robot maso… Oh ! Laissez-moi siroter ce nectar ! Ce Yimchi est un fétichiste qui nous donnera tôt ou tard aux gendarmes ou à une autre secte du genre de celle de ce Sidi Tag… » Et il termina son flacon. Nous dûmes le transporter jusqu’à l’hôtel. Meriem n’avait rien compris au discours du Roumi. Elle demanda au robot de se brancher sur Internet. Elle ouvrit une page Google et commença sa recherche. Elle tapa : «fétichiste»… Bonjour les dégâts… Elle risquait de rentrer dans une zone interdite aux moins de 18 ans, mais heureusement que Yimchi Wahdou filtra les réponses et ne laissa que celles qui parlaient du «fétichisme de cartes d’abonnement au bouquet Al Jazeera…» Elle reçut plusieurs réponses, mais préféra celle de «papiche.com» qui précisait : «Le fétichisme de la carte d’abonnement au bouquet d’Al Jazeera est une adoration maladive d’un bout de carton équipé d’une puce électronique qui a un don magique. Si vous l’introduisez dans une fente réservée à cet effet dans un appareil du nom de démodulateur, inventé par un certain Demo Skhoune de Fontaîne-Fraîche, il se passe quelque chose d’extraordinaire. La première fois que la femme de Demo Skhoune tenta l’expérience, elle fut transportée à l’hôpital car l’écran noir se transforma en stade ! «Un fétiche Yoruba à la fin du XXe siècle fit courir le bruit que cette carte favorisait la fertilité et un autre, taleb de son état à Tidjelabine, en fit un document incontournable qu’il mettait dans tous les hrouz ! Chaque amulette coûtait 30.000 dinars (17.000 pour Al Jazeera et le reste pour lui !) «Le fétichisme consiste dans l’adoration des objets naturels, tels que les éléments, surtout le feu, les fleuves, les animaux, les arbres, les pierres mêmes ; mais le plus curieux est l’adoration que certains vouent à une danseuse du côté de Aïn-El-Kerma, fausse blonde à la bouche pourvue de fausses dents en or, mais qui n’encaisse que les vrais billets de nouveaux dinarsyuens… »
M. F.
A suivre
Par Maâmar FARAH
soirsat2@gmail.com


Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/04/15/article.php?sid=98633&cid=8

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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