» Ils» ont coupé l’eau. «Ils» ne vont plus subventionner les produits de première nécessité. «Ils» ont distribué les logements. «Ils» ont fait passer en priorité leurs amis. «Ils» ont dilapidé les terres agricoles. «Ils se sont partagé la rente pétrolière. «Ils» se sont sucrés grâce aux lignes de crédits.
«Ils» ne nous accordent aucun crédit. «Ils» ont tout bureaucratisé, et maintenant qu’»ils» se sont enrichis, «ils» veulent un guichet unique. «Ils» ont créé des lois sur mesure pour qu’«ils» puissent acheter leurs châteaux au dinar symbolique. «Ils» n’ont pas fait leur service national. «Ils» envoient leurs enfants étudier à l’étranger, et «ils» noient les nôtres dans des réformes réformées d’avance. «Ils» ne se sentiront jamais concernés par les orientations qu’«ils» vont donner aux programmes scolaires: il y a des cobayes pour ça. Dans leurs discours, «ils» affirment vouloir construire une nation, mais «ils» n’ont construit que leurs villas. «Ils» nous confinent dans un combat entre arabophiles et francophiles. «Ils» sont de tous les gouvernements, et «ils» font de l’opposition à tous leurs employeurs. «Ils» disent vouloir lutter à l’intérieur des appareils, pour profiter du premier appareil qui les transportera à l’extérieur afin qu’«ils» puissent mieux réfléchir dans leurs asiles dorés, sous la chaleur de fortunes bâties sur l’infortune de ceux qu’«ils» appellent dans leur discours «ikhouani, akhaouati».
«Ils» traversent n’importe comment. «Ils jettent leurs ordures n’importe quand, là où «ils» veulent. «Ils» ne sont pas prêts pour la démocratie. «Ils» avalent toutes les couleuvres. «Ils» n’ont jamais appris à travailler. «Ils» voteront pour une chose et son contraire. «Ils» sont indisciplinés. «Ils» jouent dans la rue avec leurs enfants. «Ils» sont mal éduqués. «Ils» ne savent pas dire merci. «Ils» ne savent que demander. «Ils» ne savent pas donner. «Ils» ont été recrutés, «ils» ont été compressés. «Ils» ne s’organiseront jamais. Nous pensons donc «ils» sui…vent, remplace, je pense donc je suis. «Ils», troisième personne du pluriel, souvent réduite à une seule lettre: («Y vont encore nous embêter avec tous leurs problèmes de koursi?») et adoptée pour désigner l’origine de tous leurs maux: autorité, automobile, autoconstruction, autoproclamation, députés, douanier, piéton, fonctionnaire, chaâb, hizb, Français, Américain, Russe, Israélite, analphabète, ousted, ousra…
Tout est de la faute de cette troisième personne, jamais de la première. Complicité ou complaisance, tantôt la première personne prend la place de la troisième, tantôt c’est l’inverse, dans un jeu où les uns font semblant de…, et les autres font semblant de les croire. «Ils» ont floué tous les dés.
13 avril 2010
Contributions