Le Carrefour D’algérie
A quoi sert-il d’aborder les grandes questions politiques s’il continue à subsister chez nous des comportements de mépris envers la chose publique et le bien-être du citoyen. Une nuit passée au service de cardiologie d’Oran suffit pour comprendre que notre système de santé s’est transformé en un dangereux appareil qui,
loin de soulager la souffrance des malades, les pousse vers le cimetière par négligence. Et de préférence le plus vite possible. L’histoire certes banale, puisque devenue fréquente, d’un malade qui appelle la nuit à son secours un médecin de garde tout simplement parce qu’il a mal. Tout simplement. Et que par la suite une infirmière grossière le menace de lui arracher la tête pacque tout simplement son sommeil a été perturbé. Tout aussi simplement. Et qu’en fin de compte, lorsqu’une résidente arrive bien plus tard, il est souvent trop tard. Tout simplement trop tard. Le drame, c’est que devant la persistance des autres malades parqués dans une salle et abandonnés à leur sort et à cette fonction informelle de «garde-malade», légalisée pour faire face à la défaillance d’un système qui tue, devant cette persistance, ladite résidente promise à un avenir grandiose, fait appel aux services de sécurité pour terroriser les malades et les faire taire. Le summum du mépris et personne ne peut rien dire par peur. Un hôpital transformé en salle de torture, il n’y a qu’en Algérie que cela se passe. L’autre solution bien sûr la plus répandue, dans le pays, c’est la corruption et le délestage des malades des fruits qui leur sont donnés par leurs visiteurs. Pourquoi former alors et ouvrir de plus en plus de centres de formation pour aboutir à une situation que même Kafka n’avait pas prévue ? Bien sûr que les arguments ne manquent pas pour justifier l’injustifiable. Bien sûr que le médecin est tenu par une obligation de moyens, mais lorsqu’un médecin qui cède à la colère, lance à celui qu’il est chargé de soulager « de toutes les façons dans cinq ans je serais médecin et toi tu seras mort », que faut-il attendre de l’avenir de notre santé ? Que faut-il attendre de quelqu’un qui a embrassé une carrière des plus humaines et des plus nobles et qu’il a transformé en outil de répression ? Et lorsque le ministre de la Santé se lance dans des discours pompeux entre deux ou trois foires du matériel médical et une « visite de travail » dans un centre hospitalier, les choses sont présentées différemment. Mais sur un lit d’hôpital, un homme en cette nuit du 10 au 11 est mort parce que le personnel dormait du sommeil le plus profond, refusant d’interrompre ses rêves. Il serait peut-être mort dans tous les cas, mais la tentative de le ranimer étaient venues trop tard. En conclusion, il reste les cliniques privées pour ceux qui peuvent se permettre d’y aller, mais est-ce le cas de tout le monde ou alors la santé publique est-elle devenue le fournisseur du privé? On s’en doutait un peu il y a quelques années. Nous y sommes arrivés.
12 avril 2010
Contributions