Par Lyes BoumehdiIl y a certaines distinctions qui mettent leurs bénéficiaires au-dessus de tout soupçon. Un peu comme le fut dans le temps le statut de Hadji. Rappelez-vous que dans les temps pas si lointains que cela, un Hadji c’est bien plus qu’un individu normal.
Pour les musulmans qui habitaient tellement loin de la Mecque, pour en dépêcher des gars de chez nous, il fallait beaucoup de temps et d’argent. Et à l’époque, l’Algérien qui vivait sous le joug colonial avec une espérance de vie à peine supérieure à cinquante ans, il n’avait ni l’un ni l’autre. Donc lorsqu’ils en revenaient de la Mecque, on adulait presque les Hadjis. C’était presque des saints. D’ailleurs, ils s’habillaient toujours en blanc. Même que leurs épouses et belles filles faisaient très attention. Il fallait que le blanc en question soit immaculé. Pas une tache. C’est que l’homme revenait d’une Terre sainte et ce n’était pas tous les jours qu’on voyait ça.A l’époque, faire son pèlerinage c’était se préparait à un voyage sans retour. L’idée du dernier voyage était omniprésente dans l’imaginaire de l’Algérien lorsqu’il était question de partir vers la terre natale du prophète.
On allait voir les futurs Hadjis chez eux quelques jours avant le départ et plus d’une année avant la saison du Hadj. On demandait la baraqua. Car le simple fait de prendre la décision de faire son pèlerinage c’était comme ci on se désintéressait de ce bas monde et on était déjà dans une autre dimension.
Tout cela, c’était avant l’indépendance, avant la création du pavillon national : Air Algérie, avant l’explosion du pouvoir d’achat et de l’espérance de vie. Aujourd’hui, on va voir le futur Hadji chez lui, deux semaines seulement avant les rites du pèlerinage. Et avant de prendre congé, on s’informe sur la date et l’heure exactes de son retour au pays. Pour meubler la discussion on s’informe un peu sur la délégation du ministère des Affaires religieuses qui accompagne les Hadjis, les médecins, les médicaments, l’hôtel… enfin, un véritable séjour touristique pour retraités.
Résultat : des Hadjis, il y en a à la pelle en Algérie. Chaque année, leur population augmente de quelque trente mille âmes.
Le pèlerinage n’est plus ce qu’il était et le mot Hadji a beaucoup perdu de son aura. La société perd par la même occasion une » institution-repère « . Le Hadji maintenant c’est monsieur tout le monde qui s’habille comme tout le monde et fait laver ses vestes dans le pressing du quartier.
Les belles choses ne durent jamais très longtemps. Mais il faut dire que le mythe du Hadj a tout de même accompagné l’Algérien durant plus de quatorze siècles. Ce n’est pas rien. Ce n’est pas le cas de l’autre mythe celui du prix Nobel de la paix. L’humanité, toute religion confondue, y croyait vraiment. Il était décerné à des hommes et des femmes réellement méritants. Les lauréats étaient, comme les Hadjis d’antan, au-dessus de tout soupçon. Mais force est de constater qu’en le décernant à un Obama qui organise toute une conférence internationale pour mettre à genou un seul pays, l’Iran, les membres du comité Nobel ont tué le mythe.
L. B.
12 avril 2010
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