11 Avril 2010 – Page : 20
Un poète…spolié de ses oeuvres, c’est le titre du livre que vient de publier le journaliste Mouloud Haouche aux éditions El Amel de Tizi Ouzou. Mouloud Haouche, qui s’est éclipsé depuis quelques années de la presse, a finalement consacré tout ce temps-là à l’écriture de ce livre précieux, riche en informations inédites sur un domaine très important de la culture kabyle, à savoir la poésie.
Sur 166 pages, Mouloud Haouche tente de remettre les pendules à l’heure. Tant de poèmes appartenant au poète L’hadj Arezki Ouhouach avaient été attribués par certains auteurs à d’autres poètes, essentiellement Si Mohand Ou Mohand. Ce qui a naturellement froissé l’auteur de ce livre qui n’est autre que le petit-fils du barde d’Aït Fraoussen (Djemaâ Saharidj), wilaya de Tizi Ouzou. La première idée du livre est née il y a quelques années avec pour objectif de rassembler un recueil de quelques poèmes du poète. Mouloud Haouche a contacté l’auteur Mohand Ou Ramdane Larab, rompu à ce genre de travaux.
Après quelques mois de recherche, le livre est paru aux éditions Le Savoir sous la signature de Mohand Ou Ramdane Larab. Mouloud Haouche est satisfait de cette réappropriation, mais pas totalement puisqu’il en veut encore.
Le fait que les poèmes de son grand-père paternel aient été attribués à tort à d’autres poètes ne le laisse pas insensible. C’est alors que l’idée de rédiger un deuxième livre pour compléter le premier a vu le jour.
Des années de travail et d’abnégation ont permis enfin à cet ouvrage de valeur de naître. Un livre qui rétablit beaucoup de vérités au sujet «des droits d’auteur» d’un nombre important de poèmes appartenant à L’hadj Arezki Ouhouach.
L’ouvrage est bien présenté et il gagnerait à figurer dans l’ensemble des bibliothèques des départements de langue et culture amazighes et dans celles d’institutions comme le Haut commissariat à l’amazighité et le Centre national pédagogique pour l’enseignement de tamazight.
«Dans les livres de Boulifa et de Mouloud Mammeri, on retrouve un nombre important de poèmes de L’hadj Arezki Ouhouach attribués à d’autres poètes», explique Mouloud Haouche.
Ce dernier affirme qu’une grande partie de ses poèmes lui ont été transmis par son propre père qui les récitait par coeur.
D’autres poèmes lui ont été rapportés par des citoyens de la région qui ont connu le poète à l’instar de Saïd Foudi.
Dans sa préface, Mohand Amokrane Djellid, ancien journaliste à l’APS (Agence presse service), précise que ce livre n’est un réquisitoire contre personne, mais se veut un plaidoyer pour défendre et réhabiliter le poète dont une partie de son oeuvre a été spoliée et attribuée à d’autres dont Si Mohand Ou M’hand tout particulièrement.
Plusieurs passages du livre de Mouloud Haouche sont de lecture passionnante à l’image de l’entame du récit résumant la rencontre entre Si Mohand Ou M’hand et L’hadj Arezki Ouhouach: c’est au café dit Lqahwa n yeghzer, sis à l’entrée de Djemaâ Saharidj qu’eut lieu, en 1895, la première rencontre entre les deux poètes. Arrivé devant le seuil de ce lieu de détente et de consommation, Si Mohand aurait lancé: «Dites-moi quel est ce volatile dépourvu d’ailes?» Aussitôt après, une voix aurait répondu du fond de la salle: «Dul! (c’est le coeur).» Satisfait, le citoyen de Fort National aurait répliqué, sur le champ à son interlocuteur: «C’est donc toi Arezki Ouhouach! C’est après toi que je cherchais!»
S’ensuivit alors un dialogue sous forme de vers rimés que rapporte l’écrivain, en kabyle, accompagnés d’une traduction en français. Quant à la rencontre avec Cheikh Mohand Ou L’houcine, elle avait un objectif bien précis, c’était celui d’aider Tahar, fils du poète Arezki Ouhouach, né handicapé.
Un épisode qui ne manquera pas d’intéresser le lecteur et auquel l’auteur consacre un chapitre.
Au sujet du poète Arezki Ouhouach, l’auteur écrit, entre autres que ce dernier, sans cesse rongé intérieurement par toutes ces grappes de malheur s’accrochant de manière ferme à ses concitoyens, constamment perturbé par tout ce qu’endure au quotidien ces populations kabyles de la part de l’occupant français, se fait, sans hésitation aucune, le porte-parole de ces pauvres montagnards rigoureusement attachés à cette terre sur laquelle ils vivent en permanence et qui les nourrit en même temps, vis-à-vis de ceux qui, au jour le jour, ordonnent l’exécution d’actes prohibés par la réglementation internationale.
Aomar MOHELLEBI
11 avril 2010
1.POESIE