L’écrivaine algérienne Maïssa Bey était, hier vendredi, l’invitée de «Forum Harmonia Mundi» et «Ecritures croisés», à Aix-en-Provence pour une rencontre avec les libraires, hommes de lettres et lecteurs autour de son dernier roman «Puisque mon coeur est mort», paru récemment en France aux éditions de l’Aube.
Sélectionnée pour le prix Orange du livre 2010, ce nouveau livre de l’auteur raconte l’histoire douloureuse d’une mère, Aïda, enseignante universitaire divorcée, âgée de quarante-huit ans, dont le fils Nadir, étudiant en médecine, a été assassiné devant le pied de l’immeuble par un terroriste. «(…) Maintenant orpheline de son fils, assassiné. Pour ne pas perdre la raison, elle lui écrit dans des cahiers d’écolier. Et à travers ce dialogue solitaire, peu à peu elle avance, inexorable, vers son destin. Mektoub. Un roman fait d’ombres et de lumière – éblouissant. », résume l’éditeur dans une brève présentation de l’ouvrage. Ce livre bouleversant qui nous fait revivre l’expérience traumatisante de l’une de ces milliers de femmes algériennes en deuil perpétuel après l’assassinat d’un être cher durant la décennie noire, s’inscrit dans la thématique d’une oeuvre aussi incrustée dans l’histoire de son pays que celle de Maïssa Bey, qui n’a jamais cessé, tout à la fois en tant que femme, citoyenne, intellectuelle et écrivaine de lutter, par l’écrit et la parole, contre « la violence de tous les silences…». « Roman de l’éclaboussure et de l’éclatement », pour reprendre les thèses développés par le professeur Habib Mounsi, « Puisque mon coeur est mort » semble cadrer avec cet essai de définition de l’écrit de la décennie noire, analysé sous l’angle de la forme et du sens. « Le concept d’éclaboussure nous permet de voir dans l’écrit, l’échange secret entre l’écrit et l’écrivain… Un écrit éclaboussé par tant de haines, tant de sang, tant de hargne. « L’éclaboussure est l’expression d’un malaise qu’elle véhicule à travers les sens et les signes. L’éclatement, ce n’est pas la même structure du roman. Ce n’est pas le roman en luimême. Il y a le roman et le poème, le roman et la pièce théâtrale. Ce sont des intersections, une intertextualité, une recherche pour une forme qui permet d’intégrer le théâtre, le cinéma, la poésie dans un même texte. Comme si l’écrivain sent qu’il a besoin de tous ces apports. Comme si le texte narré ne peut pas charrier toute cette tension », a tenu à nous expliquer, lors d’un précédent entretien, ce spécialiste qui enseigne un module de critique moderne du discours à l’université Djillali Liabès de Sidi Bel-Abbès. Pour rappel, Maïssa Bey, est l’auteur de plusieurs romans, de recueils et d’essais (« Au commencement était la mer », « Nouvelles d’Algérie », « Cette fille-là », « Journal intime et politique », « Algérie 40 ans après », « Entendez-vous dans les montagnes », « Sous le jasmin », « La nuit », « L’ombre d’un homme qui marchait au soleil », « Surtout ne te retourne pas », « Bleu blanc vert », « Pierre Sang Papier ou Cendre, l’une et l’autre », « L’ombre d’un homme qui marche au soleil: réflexions sur Albert Camus… ») qui lui ont valu de nombreux prix dont ceux des Libraires Algériens, de la Société des gens des lettres et de Marguerite-Audoux.
A. ABBAD JOURNALISTE DE LA VOIX
10 avril 2010
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