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Chronique du jour : CHRONIQUE D’UN TERRIEN La grande harba (XXXV)

8 avril 2010

Contributions

L’émir barbu racontait avec force détails les circonstances de son évasion. Il mangeait comme un porc, en saisissant de ses mains poulet et gibier rôti. Il faisait un bruit épouvantable en avalant tout cela. Ses grosses pattes velues se baladaient sur le corps de Meriem et cela irritait le pied-noir ainsi que votre serviteur. Je ne l’aimais pas ce barbu. Je ne pouvais pas aimer quelqu’un qui tue des innocents.

Je n’étais pas à l’aise dans cette grotte et ça se voyait. J’étais dans un état second. Une sensation de dégoût me submergeait. Yimchi Wahdou se leva et me demanda d’enlever ma veste. Il plaça sur ma poitrine une espèce de crayon électronique qui, aussitôt, rendit des dizaines de calculs et de diagrammes sur le petit écran qui venait de surgir de sa tête. Il me demanda de m’étendre un peu : «Ce n’est pas bien grave ! C’est du surmenage… Il faut se reposer. Je vais mettre une télé pour que tu te prélasses…» La 14e chaîne de Cherchell était l’une des rares à ne pas émettre en chinois. Mais comme elle émettait en berbère du Chenoua, je n’y comprenais absolument rien. Mais Yimchi Wahdou était là ! Il me tendit une oreillette et la voix limpide d’une speakerine, parlant un arabe algérien dépouillé, me parvint. Les images montraient de hautes montagnes couvertes d’abondantes forêts. Des hommes patrouillaient à travers les bois, des armes à la main. Puis, un reporter, intervenant en direct d’une ville qui me semblait être Sidi Aïch, évoqua en termes émouvants le souvenir de sept Patriotes qui venaient d’être abattus par les terroristes. Les Chinois avaient un sens de l’honneur très développé. Ils ne pouvaient passer sous silence le sacrifice de ces Algériens qui veillaient sur eux. D’ailleurs, toutes les télés chinoises s’étaient éteintes une minute, à l’heure de l’enterrement des sept héros. Un deuil d’une journée avait été décidé par la Communauté chinoise et les drapeaux furent mis en berne. Ah, ces Chinois ! Ils avaient le sens de la dignité et savaient rendre hommage à ceux qui avaient accepté de mettre en péril leur vie pour le bien de tous. Leur chef s’était même rendu à Sidi Aïch pour rassurer les familles, installées en Sardélie, et présider une réunion des services de sécurité. Il fallait en finir avec ces hordes qui continuaient d’endeuiller des familles… Imaginez le désarroi des épouses et des enfants en apprenant la mort tragique des leurs ! Je n’avais plus envie de rien… Les fruits qu’on me tendit en guise de dessert me donnaient envie de vomir. Si ! J’avais envie d’une seule chose : canarder tous les terroristes, les faire payer pour le meurtre des Patriotes de Sidi Aïch ! D’ailleurs, je devais être dans un sale état puisque tout le groupe s’était rassemblé autour de moi. Meriem me tenait la main. L’émir n’appréciait pas mais la moitié du peuple algérien s’en foutait. Le pied-noir se désolait de ce qu’on ne trouve pas de Jack Daniel’s : «C’est un bon remontant», me dit-il… Quant à l’émir, il avait fait appel à un sorcier qui était en train de me masser les pieds en chantant «Gigi Lamoroso» de Dalida. Yimchi Wahdou regardait tout cela avec dédain. Cet être composé d’électronique n’avait aucun sentiment humain mais il savait intervenir pour aider les gens qui en avaient besoin. Et il faisait cela correctement. J’étais très triste. Je pensais à la femme d’un des Patriotes. En la quittant le matin, le malheureux ne savait pas qu’il ne reviendrait plus. Peut-être lui avait-il dit de préparer le plat qu’il aimait… Peut-être que la fille d’un autre martyr avait oublié de l’embrasser ce matin comme elle le faisait chaque jour… Mon Dieu, que le monde est injuste ! Ma tristesse mit un bémol à la fête organisée par le terroriste. Je n’y participais pas de toutes les façons. Mes parents m’avaient appris à être solidaires des miens. Quand un malheur les frappe, on doit arrêter la fête… Là-bas, dans ces montagnes majestueuses que j’ai fréquentées jadis, en compagnie de Da Mansour, le ciel devait pleurer en ce jour. Je connaissais toute cette zone s’étendant de Tibane aux hauteurs de Cheminey et quand je pense à ce dernier village, l’image du regretté Rachid Maouche, ex secrétaire général de la section syndicale d’ El Moudjahid, s’installe inévitablement devant moi. Certes, il venait de Constantine, mais ses véritables origines étaient de la région de Cheminey… Ma tristesse était telle que tout le monde se proposa de me raconter sa blague. Je ne riais pas. Je ne souriais même pas ! Le pied-noir me chatouilla les pieds, rien ! Meriem me rappela l’épisode des ânes de La Casbah qui avait, d’habitude, le don de me tirer un fou-rire sans fin, rien ! Même l’émir barbu se mit de la partie. Il demanda à deux de ses égorgeurs de danser la valse de la dernière cigarette, rien ! Aux condamnés, on refile une sèche avant l’exécution de la sentence. Mais les braves de la Soummam n’y ont même pas eu droit… Le robot interrompit tout ce cirque en déclarant le plus solennellement du monde que je souffrais d’un trouble psychologique passager et qu’il fallait me laisser dormir un peu. Il demanda à tout le monde de quitter la grotte. Dans le silence qui s’ensuivit, il me tint ce langage : «Il y a une seule manière de vous guérir. Il faut venger les Patriotes. Je ne connais pas ce sentiment de vengeance, mais je comprends que ce qui a été fait sur les hauteurs de la Soummam est atroce et mérite des représailles. Voilà ce que je vous propose : abattre tous les tangos d’ici.
- Mais comment ? Nous sommes quatre et ils sont des dizaines, surarmés et connaissant les lieux…
- Pas de problème ! Je dispose d’armes automatiques et même d’équipements secrets capables de pulvériser une centaine d’ennemis en quelques secondes.
- Je suis d’accord ! Si les martyrs du devoir sont vengés, je me porterai certainement mieux… Quel est le plan ?
- D’abord, il faut isoler notre groupe car quand je commencerai à tirer, ça va être le feu d’artifice et il ne faut pas attraper une balle perdue…
- OK, je vais appeler Meriem et le pied-noir et quand ils seront à côté de moi, tu n’auras qu’à tirer sur tous les autres…
- Quel traitement pour votre ami l’émir barbu ?
- Pas de pitié ! Ce n’est plus mon ami…
- C’est parfait. Voilà un sentiment… euh… euh… logique ! »
Quand Meriem et le buveur de Jack Daniel’s furent à mes côtés, il y eut un petit problème. L’émir s’était joint à eux et il n’était pas possible de mettre à exécution notre plan. A ce moment-là, j’eus l’idée d’envoyer l’émir me chercher une belle orange. Il s’exécuta. Dans les secondes qui suivirent, je me pinçais pour savoir si je vivais la réalité ou si j’étais en face d’un écran 3D projetant l’un de ces films américains où les balles fusent de toutes parts. Les corps tombèrent un à un. Yimchi Wahdou, tel Rambo, sortit de la grotte et continua le boulot. Ok, Boy ! Achève-les tous ! Venge mes frères de Sidi Aïch et tous les autres…
La fusillade dura exactement 75 secondes. Le camp était nettoyé. L’émir barbu gisait au milieu d’une mare de sang. Yimchi Wahdou enterra tous les morts et nous repartîmes vers Ténès. Désormais, nous n’avions plus peur des tangos. Avec cette arme de destruction massive nommée Yimchi Wahdou, nous étions invincibles.
Avais-je retrouvé le sourire ? Je ne savais pas au juste. Je ne savais pas si la petite lumière qui parcourait mon visage, y gommant la grisaille de tout à l’heure, était un début de sourire ou pas. Mais je savais qu’un groupe de terroristes ne sévira plus. Ne tuera plus mes frères. Mais l’intégrisme peut aussi tuer autrement. Pas seulement par les armes. Lorsqu’il s’installe dans une société, il la tue à petit feu. En la tirant vers l’arriération sociale et l’obscurantisme.
Mais heureusement que mon peuple a été sauvé par sa «grande harba». Là-bas, en Sardélie, les passeports biométriques sont réalisés comme dans n’importe quel pays moderne, sans ces combats d’arrière-garde qui montrent, encore une fois, que les ennemis du progrès ne désarmeront pas tant qu’ils n’auront pas mis ce qui reste de l’Algérie africaine à genoux !
M.F.
(A suivre)
Par Maâmar FARAH
soirsat2@gmail.com


Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/04/08/article.php?sid=98291&cid=8

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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Une réponse à “Chronique du jour : CHRONIQUE D’UN TERRIEN La grande harba (XXXV)”

  1. Artisans de l'ombre Dit :

    Jeudi 8 avril 2010 18h34

    « [Positif] Christian »

    Il y avait, dans un village, un homme très pauvre qui avait un
    très beau cheval. Le cheval était si beau que les seigneurs du chateau
    voulaient le lui acheter, mais il refusait toujours.

    « Pour moi ce cheval n’est pas un animal, c’est un ami. Comment
    voulez-vous vendre un ami ? » demandait-il.

    Un matin, il se rend à l’étable et le cheval n’est plus là.

    Tous les villageois lui disent : « On te l’avait bien dit ! Tu
    aurais mieux de le vendre. Maintenant, on te l’a volé… quel
    malchance ! »

    Le vieil homme répond « Chance, malchance, qui peut le dire ? »

    Tout le monde se moque de lui. Mais 15 jours plus tard, le cheval
    revient, avec tout une horde de chevaux sauvages. Il s’était échappé,
    avait séduit une belle jument et rentrait avec le reste de la horde.

    « Quelle chance ! » disent les villageois.

    Le vieil homme et son fils se mettent au dressage des chevaux
    sauvages. Mais une semaine plus tard, son fils se casse une jambe à
    l’entraînement.

    « Quelle malchance ! » disent ses amis. « Comment vas-tu faire, toi
    qui est déjà si pauvre, si ton fils, ton seul support, ne peut
    plus t’aider ! »

    Le vieil homme répond « Chance, malchance, qui peut le dire ? »

    Quelques temps plus tard, l’armée du seigneur du pays arrive
    dans le village, et enrôle de force tous les jeunes gens disponibles.

    Tous… sauf le fils du vieil homme, qui a sa jambe cassée.

    « Quelle chance tu as, tous nos enfants sont partis à la guerre, et toi
    tu es le seul à garder avec toi ton fils. Les nôtres vont peut-être se
    faire tuer… »

    Le vieil homme répond « Chance, malchance, qui peut le dire ? »

    Le futur nous est livré par fragments. Nous ne savons jamais ce
    qu’il nous réserve. Mais une expectation positive permanente nous
    ouvre les portes de la chance, de la créativité, et nous rend
    plus heureux.

    (c)2002 http://www.club-positif.com

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    « Souvenez-vous que le bonheur dépend non pas de ce que vous êtes
    ou de ce que vous possédez, mais uniquement de votre façon de penser. »
    Dale Carnegie

    « Le contentement apporte le bonheur, même dans la pauvreté.
    Le mécontentement apporte la pauvreté même dans la richesse. »
    Confucius

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