« Il y a anguille sous roche »
Signification
Il y a quelque chose de caché, une perfidie qui se prépare.
L’affaire n’est pas claire.
Que les Guillaume qui sont dans la salle lèvent le doigt !
Ah, il y en a quand même pas mal. Eh bien savez-vous que votre prénom a été un temps symbole de ruse et de tromperie ?
Si vous vous demandez pourquoi, peut-être aurez-vous remarqué que dans ‘anguille’ et ‘Guillaume’, on trouve ‘guille’.
L’anguille est un charognard nocturne ‘qui vit surtout la nuit), car elle n’aime pas la lumière. Dans la journée, elle a donc plutôt tendance à se cacher et le dessous des rochers est incontestablement une bonne adresse.
C’est pourquoi, à l’époque où ces animaux pullulaient et faisaient le bonheur des gastronomes (ah, le fameux pâté d’anguilles du Moyen Âge !), il n’était pas rare, en soulevant une pierre sous l’eau, de déloger une anguille.
Notre expression correspond donc bien à une réalité.
Mais c’est aussi une métaphore qui s’explique par d’autres voies, nettement plus pénétrables que celles du Seigneur. Et c’est là que les Guillaume vont comprendre.
Selon Pierre Guiraud, lexicographe contemporain, dans « Les locutions françaises », le sens de tromperie cachée viendrait du lien établi plus ou moins consciemment ou d’un jeu de mots entre l’anguille et les deux formes de l’ancien verbe ‘guiller’.
Le premier, venu du hollandais et signifiant normalement ‘fermenter’ (à propos de la bière), avait aussi le sens de « éviter le combat, se faufiler », un peu comme l’anguille qui tente de s’échapper lorsque quelqu’un cherche à l’attraper (mais n’est-ce pas le cas de tout animal non domestique ?).
Le second ‘guiller’ vient du francique ‘wigila’ (« ruse, astuce ») et signifiait ‘tromper’, d’où également la dénomination de Guillaume pour suggérer la tromperie.
Enfin, l’anguille était souvent assimilée à un serpent, animal fourbe s’il en est (comme preuve absolument incontestable, il suffit de se rappeler du « Aie confiance ! » de Kaa dans le dessin animé « Le livre de la jungle »).
Voilà donc suffisamment d’ingrédients pour que notre pauvre anguille qui ne demandait rien à personne devienne ainsi le symbole de la perfidie, la tromperie, la fourberie.
Cette expression est attestée chez Rabelais en 1532, mais elle est probablement plus ancienne.
5 avril 2010 à 9 09 20 04204
Avez-vous déjà eu des soupçons sur une personne, sur la véracité d’une histoire ou sur l’honnêteté d’une affaire ? Avez-vous déjà ressenti ce sentiment désagréable que l’on vous cachait quelque chose ? Probablement. Et vous avez bien sûr pensé en votre for intérieur qu’il y avait anguille sous roche !
Au Moyen Âge, on raffolait déjà des anguilles, surtout du pâté que l’on faisait de leur chair. Jean de la Fontaine en vantait d’ailleurs les mérites dans un conte en vers daté de 1732. De même pour Taillevent, cuisinier du XIVe siècle, qui proposait toute une gamme de recettes à base d’anguille. Ce poisson faisait partie du quotidien gastronomique de nos ancêtres, il n’est donc pas étonnant qu’il soit le sujet d’une des expressions les plus courantes de la langue française. Son utilisation a d’ailleurs été attestée dans les écrits de Rabelais. Son origine, quant à elle, provient tout simplement du comportement de l’animal. Poisson nocturne, l’anguille passe ses journées cachée sous les roches ou racines. Si d’aventure vous soulevez une pierre sous l’eau, ne soyez pas étonnés d’y déloger une anguille. Ce qui rejoint le sens de l’expression : il y a quelque chose de caché, une perfidie se prépare ou encore une affaire n’est pas claire.
Kapio lako exei i fava
En grec, l’expression équivalente est très différente : « Κάποιολάκκοέχειηφάβα »(Kapio lako exei i fava), soit « il y a un trou dans la purée de pois cassés ». Son origine est difficile à déterminer et son sens n’est pas transparent à la première lecture. Les légumes secs ont toujours été consommés en Grèce et ce depuis la période antique. Encore aujourd’hui ce sont des aliments inévitables de la cuisine grecque moderne. Traditionnellement, pour consommer la purée de pois, on creuse un puit au milieu et on le remplit d’huile d’olive. Si l’on mélange ces deux ingrédients, on constate que l’huile est totalement absorbée par la purée qui est « oléophile ». L’huile disparait comme par magie, comme si elle coulait d’un orifice invisible. Il y a donc trou dans la purée de pois ou, comme dirait mon amie Flore, il y a éléphant derrière brindille d’herbe…
Hind Boughedaoui (www.lepetitjournal.com/athenes.html) vendredi 6 novembre 2009
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup
5 avril 2010 à 9 09 21 04214
« Mais n’y aurait-il pas encore ici anguille sous roche, c’est-à-dire quelque allégorie cachée, quelque allusion maligne à un tournoi de la cour de François Ier ou de Henri II ? »
François Rabelais – Pantagruel
« Faites tant de miracles qu’il vous plaira , pourvu que je vive libre et heureux. Je crains toujours ce prêtre papiste qui est ici ; il cabale sûrement contre notre liberté , et il y a là anguille sous roche. »
François Marie Arouet de Voltaire – Questions sur les miracles
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup