Ecrivains de leur époque, ils aspiraient, par-delà la langue utilisée, arabe ou français, à être des témoins directs de leur temps. Pratiquement tous mus par le désir d’affranchir le mot de sa gangue fataliste, ils s’engageront de manière flamboyante à dire leur siècle dans ses misères humaines et ses accélérations historiques
Sans jamais abandonner le souci de joindre leur parole aux barricades de l’émancipation. Habités par la force du verbe, ils voyageront sans ambages dans les généalogies multiculturelles et les contrées lointaines pour tenter de réenraciner leurs traditions séculaires et partant d’irriguer leur « être » national de liberté et de modernité clairvoyante La langue utilisée est, au même moment, véhicule de transmission de savoir et instrument privilégié dans d’édification de la patrie des hommes libres. Hommes de paix par essence et apôtres de dialogue par éducation, ils avaient la pédagogie d’exprimer sereinement les contraintes de leur vécu, dans ses convulsions salutaires et ses reniements douloureux .
Bouleversements
En tant qu’écrivains, ils racontaient en effet des histoires imaginaires mais leur histoire n’était jamais loin des conditions de vie de la majorité des Algériens car en défricheurs du patrimoine commun qui est l’écriture, ils avaient tous en partage la transcription mouvementée des chroniques du temps qui passe. Leurs œuvres foisonnantes de dates, de pulsions, de lieux symboliques de déchirements pathétiques et de repères culturels, renvoient toutes aux bouleversements générés par une réalité sociale en ébullition constante. L’interdépendance était intime pour ne pas dire obligatoire. Pour forger le destin qui est le leur, ils n’admettront ni compromis dans l’acte de dénoncer ni paresse intellectuelle dans celui d’assumer l’écrit. L’affrontement avec l’adversaire se fera en sus, sur le terrain de la création littéraire. Soucieux du détail social et historique qui symbolise la courbe historique ascendante, ils arrivaient, grâce à leur verve débordante mais aussi parce que fidèles à leurs principes, à donner vie à tout ce qui revendique la terre des aïeux. Ils étaient des intellectuels engagés dans la tradition citoyenne de l‘Emir Abdelkader et de Zola.
Ils ont marqué le siècle
Conscients qu’un monde nouveau se mettait en place au fur et à mesure, notamment après la Seconde Guerre mondiale qui a vu la fin d’une époque, les auteurs algériens de cette génération et ceux qui suivront s’empresseront de signifier à l’occupant qu’il était temps de tirer un trait sur ses appétits territoriaux et les symboles liés à l’empire colonial. Ils n’étaient pas seulement créateurs de fictions littéraires. Ils étaient des emblèmes de reconstitution d’une entité hélas plus d’une fois dévoyée. Chez eux, les recherches de passerelles de dialogue et d’amour que tout créateur porte en lui sont toutes empreintes de ce fort besoin d’affirmation de soi, insistant pour ne pas dire farouchement exprimé. A l’image de Mohammed Dib, le Tlemcénien, Emmanuel Roblès, l’Oranais, Mohamed O’ Cheikh, le Beidi, Jean Sénac, le Benisafien, Isabelle Erberhard, la Sefraouia d’adoption, Habib Tengour, le Mostaganémois de souche, les auteurs de l’Ouest, qui ont marqué le siècle, ne savaient pas faire les choses à moitié car ils estimaient qu’ils pouvaient prétendre dans leur mode de vie et dans la narration des faits, à être de sérieux éclaireurs dans la marche vers la réalisation d’une patrie d’où la haine, fille de l’exploitation de l’homme par l’homme, serait bannie à jamais.
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4 avril 2010
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