24 Mars 2010 – Page : 21
En ce 19 mars, notre devoir est de rappeler ce qu’avait été le 1er Novembre 1954 dans le Siècle des siècles de notre Histoire qui, elle, reste la seule référence de notre identité.
Faisant suite, sur le plan méthodologique, aux tomes précédents, le tome III, Mémoires d’outre-tombe, la Résurrection (Si le 1er Novembre 1954 m’était conté) (*) de Mahrez Afroun, réveille en moi (en dehors de toute appréciation obligée ou non de la structure textuelle ou factuelle), comme chez les Algériens, des souvenirs forts de la lutte de libération nationale.
Ce livre fourmille d’informations très instructives, certaines inédites. Un ton sûr et surtout une généreuse pédagogie animent le sujet de cette étape ultime et victorieuse de notre histoire populaire contre l’armée coloniale française. Ce qui donne à ce récit atroce toute son importance, c’est la clarté de son exposé; c’est la précision des recherches dans ce domaine difficile, c’est enfin la sincérité ou, si l’on veut, l’honnêteté dans le propos et l’analyse des faits. L’auteur, qui se dit «ni historien ni écrivain», n’a de cesse d’apporter la preuve de ce qu’il affirme, notamment de ce qu’il a recueilli. Les faits sont là, selon lui, figurés et pointés. Presque à toutes les questions que le lecteur pourrait se poser, il y a une réponse; aussi puis-je dire que devant une telle masse de détails sur toute chose historique et tant d’efforts passionnés et de persévérance têtue, Mahrez Afroun, a dû nager à contre courant pour remonter à la source.
Trois chapitres volumineux, mais très équilibrés, sont consacrés à ce travail de longue haleine: «Avant le 1er Novembre 1954» (par ex. depuis les origines de la colonisation, en passant par le 8 mai 1945, jusqu’à l’éveil par le MTLD); «Pendant le 1er Novembre 1954» (par ex. le CRUA, le FLN, le choix des 22 militants, histoire de la proclamation du 1er Novembre 1954); «Après le 1er Novembre 1954» (par ex. le Congrès de la Soummam, le Gouvernement Provisoire, les opérations subversives de l’armée française). En annexes, on lit: le texte intégral de «La Proclamation du 1er Novembre 1954», «Les combattants du FLN et de l’ALN, exécutés dans les prisons d’Alger, Oran et Constantine (1956-1960)» et «La loi du 23 février 2005».
Dans le corps du texte, des illustrations pertinentes sont insérées: des photos très nombreuses et certaines rares ou peu connues. Une vue de la guillotine, légendée, exprime l’abominable. Tout est consigné minutieusement, aussi soigné que des collections précieuses, et à l’évidence, elles le sont, arrachées au Temps.
En somme, tout compte fait des souffrances et de la volonté du peuple algérien durant la lutte de libération nationale, c’est bien plutôt une leçon de vie de dignité face à la barbarie de l’innommable colonialisme.
Tous les peuples du monde affirment, régulièrement, sans complexe, leur existence par la célébration des hauts faits de leur histoire. Leur identité tient à la qualité de la construction ou de la reconstruction intégrale de leur passé. Pour ces peuples vivants, il n’est jamais assez d’en ranimer le souvenir et d’en expliquer les éléments à la jeunesse. Il n’est jamais assez sûr que le flambeau glorieux, qui a résisté à toutes les foudres et que nos anciens nous ont transmis consciencieusement, soit vivace en permanence.
Pourquoi donc, contrairement à d’autres peuples libres, sommes-nous toujours à envelopper du voile de l’extrême pudeur, de l’extrême modestie, de l’extrême humilité, ce qui, plutôt, nous donne au visage le vrai rouge de la fierté et affiche la douceur de nos sentiments honnêtes et respectueux de l’humanité entière?
Mais heureusement, et faut-il s’en étonner sans comprendre, quand l’adversité porte atteinte à ce qui nous est cher, l’épreuve, spontanément, – qui ne l’a-t-il pas constaté? – trouve du répondant intelligent, substantiel et efficace. Et j’en étais fier, presque joyeux, en dépit des atrocités qui restent brûlantes à jamais dans nos coeurs, de suivre à la télévision algérienne, l’épopée populaire de la Bataille d’Alger.
Combien d’autres films avons-nous en réserve? Combien d’autres films sont ou seront-ils programmés pour être projetés ou pour être réalisés? Des siècles et des siècles passés avant 1830, 132 ans de colonisation, des dizaines de centaines d’«insurrections» populaires, sept ans et demi d’enfer imposés au peuple algérien par l’armée d’occupation et de reconquête, pourquoi doit-on oublier? Pourquoi ne pas faire apprendre à nos enfants d’aujourd’hui ce qu’il faut qu’ils sachent des hommes – leurs concitoyens – et de la terre – leur patrie – sur laquelle ils vivent? Pourquoi ne pas les mettre devant leur bien, leur faire prendre conscience de leurs premiers devoirs envers eux-mêmes et envers la nation à laquelle ils appartiennent? Le secret de la vraie vie est dans l’éducation et l’instruction de chacun. Tout nous ramène au rôle primordial de l’école qui, bien organisée moralement, scientifiquement, techniquement, pédagogiquement, doit s’attacher à se donner pour projet d’élever les consciences de nos enfants afin que chacun d’eux soit une conscience.
Sans doute, ce n’est pas simple. Mais justement, c’est parce que ce n’est pas simple que, hélas!, nos esprits restent simples. Un guide de vie élaboré en toute conscience par nos spécialistes de l’éducation, nous enlèverait cette épine – ce poteau, dirais-je – du pied souffrant qui n’avance pas parce qu’il traîne par des chemins encore épineux.
L’audace, dont on dit qu’elle est plutôt une qualité de chef, doit se débarrasser du tact stupide qui invalide et qui prive de la capacité de réaliser les grands rêves d’un grand peuple.
(*) Mémoires d’outre-tombe (Tome III) La Résurrection de Mahrez Afroun, Houma Éditions, Alger, 2009, 314 pages.
Kaddour M´HAMSADJI
24 mars 2010
Colonisation