Les dirigeants du FLN sont apparemment fort satisfaits d’avoir fait leur «congrès» où, hormis la course pour les postes, on n’a pas entendu l’ombre d’une idée. Il fut un temps où M. Abdelaziz Belkhadem, collé au burnous d’Abdelhamid Mehri, défendait le droit de défendre des idées non agréées par le système. Ce temps est bien
révolu. Si M. Mehri continue à appeler au débat sur le FLN comme sur l’Etat algérien et ses pratiques, M. Belkhadem a bien oublié. Résultat, ce congrès qui satisfait les apparatchiks et les détenteurs d’actions de la SPA FLN – où les militants n’ont pas droit au chapitre – est un non-événement au sens social. La lettre polie et ferme d’Abdelhamid Mehri a été le seul événement, celui qui interpelle et persifle le ronronnement de l’appareil. Les apparatchiks et particulièrement les «comploteurs scientifiques» ont dû être agacés par la persistance – il est vrai rare en ces temps apathiques – de l’ancien secrétaire général du FLN à remuer les problèmes, par son outrecuidance à affirmer que l’Etat – et la société algérienne – sont toujours en crise.
Et que l’on ne rend service à personne, pas même au régime, en refusant d’aborder, à l’orée du cinquantième anniversaire de l’indépendance, les graves questions en suspens. L’évocation de la mise à l’écart musclée de 1996 ne vise pas à ressasser le passé mais à mettre le doigt sur un mode de fonctionnement d’un système qui persiste toujours à ne voir dans les partis politiques que des instruments dociles. Car la question, au-delà du FLN dont les dirigeants se complaisent dans ce rôle, est celle de la possibilité même de faire de la politique en Algérie. On continue en fin de compte à croire que la politique est un luxe qui doit être réservé à un petit groupe de personnes et dont il faut exclure la société. C’est cette vision qui a mené à la révolte d’octobre et au phagocytage d’une forte contestation sociale par le mouvement islamiste.
Le désert politique où l’Algérie est maintenue depuis une quinzaine d’années est en train de faire le lit d’un néo-islamisme, sans doute moins bête que le précédent. Avec une politique dite de réconciliation qui consiste «à tourner la page», cet islamisme ne s’estime vaincu ni au plan moral, ni au niveau politique. L’interdiction générale de la politique avec laquelle il sait composer lui permet de reprendre tranquillement son souffle – et de faire du commerce, par exemple – et d’attendre son heure. Pas nécessairement lors d’un «grand soir islamiste» mais par pourrissement interne du système.
La tranquillité que le système croit avoir avec des partis obéissants est bien trompeuse. Le «vide» n’existe pas. Et face à des problèmes de plus en plus insupportables, la société se découvre ses propres réponses. Souvent coûteuses. Au nom d’une vision étriquée, on continue d’empêcher la société d’accéder à l’âge de la politique, celui qui lui permet d’apprécier correctement la qualité des offres politiques, non officielles, qui se font à l’ombre de la béatitude d’un parti unique, lequel s’est, formellement, démultiplié pour faire obstruction au pluralisme.
23 mars 2010
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