Il a trois enfants, tous diplômés de l’université algérienne. Lorsqu’il travaillait, c’est-à-dire avant sa retraite, son salaire n’a pas permis à ses gosses de bénéficier de la bourse universitaire. «Bouk yakhloss bezzaf». Bezzaf voulait dire que n’avaient droit à ce pécule estudiantin que ceux dont le papa avait un salaire maximum de Il lui fallait donc subvenir aux besoins de leurs études en plus du masrouf de la maison.
Sacrifice. Pourvu que ses enfants puissent poursuivre leurs études et obtenir leur diplôme. C’est-à-dire que les étudiants n’ont pas le même droit, mais tous ont le même devoir. Faire leur service national. Les trois sont actuellement en vie, el hamdoullah, mais les trois sont au chômage, el hamdoullah, une deuxième fois.
Aujourd’hui, il est en retraite. Sa pension arrive quand elle peut. Jamais à temps. Mais elle arrive. En même temps, arrivent les charges. Il vient de recevoir celle de l’électricité. Presque cinq mille dinars. Dans son appartement : un frigo, un poste de télévision qu’il a acquis par facilités au temps où les coopératives de la charika coopéraient, un poste radiocassette, une ampoule fel cousina, une autre aux toilettes et une dans chaque chambre. C’est un trois-pièces qui donne sur une cour intérieure. Ce qui l’oblige à un éclairage même en journée. Sa machine à laver, il ne peut pas la remplacer, elle a pourtant soixante ans. Il l’aime trop. C’est son épouse.
Il a écrit à l’Etat, leur demandant de gérer sa pension. De nourrir ses enfants. Il leur a assuré que ses gosses n’auront pas le droit de tomber malades, ni de manger un dessert. Le poisson, chaque fois qu’ils en auront envie, il leur fournira lui-même un crayon et un bout de feuille pour le dessiner et en rêver. Mais chaque fois qu’ils le font ils dessinent une barque. Est-ce parce qu’ils n’ont pas appris à dessiner lors de leur scolarité, ou parce qu’ils rêvent de harga ?
21 mars 2010
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