« Belle » Avec ses grands yeux de biche, Zineb était la parfaite Mauresque.
Chez les Andricourt, on ne badine pas avec le choix des servantes. Ou on recrute une chaude émigrée espagnole, de préférence républicaine et antifranquiste et le reste si affinités, ou on fait carrément appel à une Métropolitaine auxquels elle coûterait la peau des fesses.
Mais M. Andricourt, qui possédait des milliers d’orangers et dont le domaine couvrait toutes les communes entre Mostaganem et Relizane, n’en était pas à mille ou mille cinq cents francs de plus ou de moins par mois.
Il était beaucoup plus Crésus que Job. En dehors de ses clémentines et de ses conserveries, ses vignobles, gorgés de soleil sur les coteaux de Aïn Tadeles et de Souaflia, étaient pour les indigènes et même pour les petits colons une véritable provocation à la démesure et à la retenue. Quand Mme Rosa del Pia, employée de maison depuis vingt ans rendit à Mme Andricourt son tablier, pour des raisons de santé prétendit-elle, le problème curieusement était déjà tranché : on embauchera cette fois-ci une boniche des quartiers arabes, une Fatma sans prétention et facile à gérer et surtout à trouver. Et c’est ainsi que Zineb fut placée chez ces riches propriétaires à l’âge de 12 ans. À peine une enfant. Avec ses grands yeux de biche, ses longues nattes couleur de jais qui lui descendaient jusqu’au bas du dos, son port gauche et maladroit, Zineb était la parfaite Mauresque qui convenait à toutes les corvées. Et Dieu sait qu’il y en avait. Elle était partout la pauvre petite. Pas même une minute de répit. Pas même le temps de respirer. Elle nettoyait, elle frottait, elle briquait, elle lustrait. Le cirage des parquets, c’était elle.
La serpillière dans les vestibules et les corridors, c’était elle. La plonge à la cuisine, c’était encore elle. L’eau des niches à renouveler et les chiens l’après-midi à promener, c’était toujours elle.
Et le soir, quand elle regagnait, éreintée, harassée et fourbue par 14 heures de travail non-stop, le foyer d’une vieille mère importante, elle n’avait qu’une seule envie, qu’un seul désir : dormir de tout son saoul pour ne pas se réveiller. Et aux premières lueurs de l’aube, alors que pas âme ne vit dehors, Zineb, la peur au ventre, se frayait un passage au milieu des venelles pâlement éclairées pour commencer sa journée. Au bout de dix ans, elle avait vieilli de vingt. Mais c’était une femme accomplie. Elle savait coudre, repasser, arroser les fleurs préparer les petits déjeuners, astiquer les bourgeois. Elle avait appris à servir à table, à se tenir à distance des convives, à remplir les verres mesurément. Elle avait appris à faire la différence entre les alcools et les spiritueux, elle savait composer le menu de chaque fête religieuse : les Pâques, l’Ascension, les communions, la Noël, la Toussaint. Elle avait appris presque tout. Et les Andricourt avaient fini par lui accorder une totale confiance. À tel point que le 25 décembre de chaque année, elle avait droit, elle aussi, a sa bûche, a son foie de canard et à ses friandises. Quant aux étrennes du jour de l’an, elles dépassaient en général deux mois d’indemnité. Au bout de 25 ans de bons et loyaux services, ses maîtres ne pouvaient plus se passer d’elle. Pour un oui ou pour un non, on appelait Zineb.
Partout où ils allaient, elle était du voyage, dans les Pyrénées pour les visites familiales, ou sur la Promenade des Anglais à Nice pour les vacances d’été. Approximatif, le français de Zineb avait évolué avec l’âge, et son élocution était presque impeccable.
Grâce aux conseils de Mme Andricourt, Zineb avait fini par s’habiller correctement, avec goût dans le style bon genre et même à prendre conscience de sa nouvelle personnalité.
Dans le quartier où elle habitait, Beymont, que les Européens surnommaient Cochonville par dérision, il n’était pas recommandé à l’époque, surtout pour une femme, de porter chapeau et de chausser tennis. Et encore moins de monter à vélo. C’était mal connaître Zineb.
Aujourd’hui que les Andricourt ne sont plus de ce monde, que la race des colons s’est éteinte, la vieille «Mauresque» de Cochonville refuse, de toutes ses forces, de voir sombrer un univers qui a été le sien. Malgré le poids des ans et les quolibets des garnements, Zineb, toujours fière, porte encore haut et fort son antique chapeau à ruban. Elle pédale et roule à bicyclette au milieu des huées, mais toujours digne.
Elle fait son marché en tennis et chaussettes blanches comme si le monde qui l’entourait n’existait pas. Rien ne l’atteint, un mur invisible et indestructible qu’elle a volontairement dressé sépare à jamais les loups de sa bergerie. Ni fêlée, ni pitoyable, ni dérangée : Zineb continue à vivre intensément son passé.
Même si le film est terminé, pour elle, il y a encore une tache de lumière sur l’écran.
H. S.
19 mars 2010 à 12 12 02 03023
Actualité Edition du 14/7/2007
Ali Tounsi / DGSN
«Notre pays sera une puissance régionale»
Par Souad Labri
Projection n «L’Algérie sera une puissance régionale et c’est la raison pour laquelle Sarkozy est venu pour un plus grand rapprochement car il sait que nous sommes bien partis»
C’est ce qu’a déclaré à InfoSoir le directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi qui effectuait une visite à Tipaza jeudi.
Interrogé sur une probable visite d’une commission des droits de l’homme au sein de ses structures, Tounsi a répondu : «Il y a toujours eu ce type de visite par les commissions des droits de l’homme. Les membres de ces commissions ont été impressionnés et ont trouvé que nos structures étaient meilleures que celles de certains pays qui se disent champions des droits de l’homme», reprendra-t-il. Le patron de la police reviendra ensuite sur l’importance des structures de sécurité à travers le territoire national pour la stabilité sécuritaire du pays et du citoyen. «Bientôt on maîtrisera totalement la situation, car au moins 550 structures sécuritaires ont été réalisées à travers le territoire. Je suis satisfait, mais cela ne suffit pas», ajoutera-t-il en rappelant que 15 700 policiers répartis à travers 15 écoles de police sont en formation de haut niveau qui s’achèvera avant la fin de l’année. Déjà 6 000 policiers, selon lui, ont récemment été formés et sont sur le terrain. Toutes les structures de police — se félicitera M. Tounsi — sont modernisées et fonctionnent avec des moyens matériels développés que le gouvernement a mis à leur disposition. Tounsi insistera, par ailleurs, sur la nécessité que le citoyen se sente impliqué en matière de sécurité : «On ne doit pas se taire sur le crime, car la collaboration du citoyen contre la criminalité nous a toujours été bénéfique», raison pour laquelle ses services ont accentué l’ouverture de sûretés urbaines à travers l’ensemble du pays. «La sécurité est le résultat de la conjonction d’efforts entre la police, l’administration, le gouvernement et la société civile.»
A Tipaza, M. Tounsi a procédé à l’inauguration de trois nouvelles structures de sécurité dont la sûreté de daïra de Damous à l’extrême ouest de la wilaya, qui était la seule daïra à qui manquait ce genre de structure parmi les 10 que compte Tipaza. Deux autres sûretés urbaines ont été inaugurées à Attatba et Bou Ismaïl.
S. L.
19 mars 2010 à 12 12 03 03033
Le journal des locales Edition du 14/7/2007
Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (7e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 6e partie n Au Maghreb, les nomades hilaliens sont souvent confrontés aux Berbères zénètes qui sont, eux, sédentaires.
Les versions marocaines sont moins nombreuses, et les deux plus connues, sont en berbère. La première a été recueillie chez les Beni Snassen, à la frontière algérienne, et l’autre chez les Zaïan, du Maroc central. Toutes deux mettent en relief les exploits du chef zénète, Khlifa, qui enlève à Dhiyab le Hilalien la belle Djazia et l’épouse.
Hors de l’Orient et du Maghreb, l’épopée de Djazia se retrouve encore en Afrique sub-saharienne, plus précisément dans les régions du Bournou, au Nigeria, de Kanem et du Ouaday au Tchad et au Kordofan, au Soudan, parmi les minorités arabophones de ces pays. Ici, l’épopée des Banû Hilal est non seulement une œuvre littéraire, mais aussi un élément de l’identité de ces populations qui maintiennent leur spécificité au milieu des populations africaines.
La version du Bournou est la plus connue. Elle a été recueillie, éditée et traduite en anglais par J.R. Patterson en 1930.
Dans cette version, il est question de la naissance simultanément, à la suite d’un vœu, chez les Banû Hilâl, de deux garçons : Abû Zayd et Dhiyab, fils de deux femmes qui ont épousé deux frères. Les deux enfants, qui sont donc cousins, seront tous les deux, les héros de la tribu. S’ils sont tous les deux forts et vaillants, c’est Abû Zayd qui est favorisé par la légende.
On rapporte que, dès l’enfance, il manifeste des dons extraordinaires, et une force hors du commun. Il est si redoutable que tout le monde le craint et il parvient à mettre en fuite son propre père ! il est amoureux de la belle Djazia (appelée ici El Djaz). Et son oncle projette de la lui donner en mariage. Mais Djazia, elle, est amoureuse d’un Berbère, le fils du prince de Tunis. Elle se fait volontairement enlever par lui, et quand Abû Zayd apprend la nouvelle, il est pris d’une violente colère. Il poursuit les fugitifs, les rattrape, tue le prince et reprend sa cousine.
C’est la guerre avec le sultan de Tunis, guerre que les Hilaliens remportent. Mais le récit finit sur la mort de Abû Zayd et de Dhiyab dont la descendance, dit le poète, disparaît également.
Au Soudan, les textes qu’on a recueillis jusqu’à présent sont assez courts. Il est surtout question du périple africain du héros, Abû Zayd, qui doit, avant de s’imposer, affronter mille et un dangers. Dans une version, plus longue, Abû zayd a un compagnon : Ahmed al Ma’kur, c’est-à-dire «l’estropié’ : il est tantôt son frère, tantôt son petit-fils tantôt un cousin. Il aurait été estropié à la suite d’intrigues amoureuses, et selon un récit, c’est Abû Zayd lui-même qui lui aurait coupé le tendon d’Achille. Cependant, dans une version, ce personnage est chargé d’une mission noble : enseigner le Coran et convertir les païens africains.
Le lien avec la geste hilalienne est plus ténu dans les autres versions africaines. Dans un récit tchadien par exemple, on ne fait qu’évoquer «Tunis la verte», où l’eau coule en abondance et où il n’y a pas d’insectes qui piquent les troupeaux. Dans un autre récit, une femme chante les vertus et la grandeur de son époux, que seules surpassent celles de Dhiyab le Hilalien. (à suivre…)
K. N.
19 mars 2010 à 12 12 05 03053
Une date, un fait Edition du 14/7/2007
Ainsi va la vie
Premiers émois (7e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 6e partie n Omar est arrivé à Alger. Le chauffeur de son oncle est venu le chercher à la gare routière.
Omar écarquille les yeux devant la voiture : elle est si rutilante qu’il n’ose y monter. Le chauffeur s’est emparé de la valise et l’a mise dans la malle. Comme le jeune garçon tient à la main son sachet le chauffeur lui demande de le mettre également dans la malle.
— C’est de l’huile, dit Omar
— De l’huile ? dit le chauffeur embarrassé, évidemment, il y a des risques que ça se renverse et que ça salisse la malle.
Omar, honteux, balbutie :
— Je garde le sachet avec moi…
— Il n’y a pas de risque que ça dégouline sur la banquette ?
— Non, non, c’est bien attaché, et puis je ferai attention !
— D’accord, monte à l’arrière !
Il monte, honteux, maudissant sa mère de lui avoir donné ce bidon d’huile qui le ridiculise ! Les gens se chargent de cadeaux, de bouquets de fleurs pas de bidons d’huile ridicules !
Une sensation de fraîcheur subite, qui contraste avec la chaleur étouffante de l’extérieur, lui fait oublier ses griefs contre sa mère. Il comprend : la voiture est climatisée !
— Tu dois avoir faim ? dit le chauffeur
Il commence, en effet, à avoir faim, mais il secoue la tête.
— Non, non !
— On va bientôt arriver, tu mangeras au bureau !
Le chauffeur a parlé de bureau. Ce n’est pas donc à la maison qu’il le conduit ?
— Nous n’allons pas à la maison ? demande-t-il timidement
— Non, dit le chauffeur, on va au bureau. Tu casseras la croûte et tu passeras l’après-midi avec ton oncle, c’est lui qui t’emmènera à la maison.
— Ah, dit Omar.
Il est un peu déçu ou plutôt intimidé par l’idée de passer l’après-midi avec son oncle. A vrai dire, il ne le connaît pas mais il soupçonne en lui – rien qu’au son de sa voix au téléphone — un homme autoritaire.
— Alors, demande le chauffeur, qui veut engager la conversation avec lui, tu viens de la campagne ?
— Oui, dit Omar
— Et tu viens passer tes vacances à Alger ?
— Oui, dit encore Omar.
— Ton oncle a une belle maison, au bord de la mer, je pense que tu vas t’amuser… Tu es beau garçon, tu sais, tu vas faire des ravages auprès des filles !
Omar, honteux, ne répond pas. Heureusement que quelques instants après, on arrive. Le «bureau» de l’oncle est un imposant bâtiment gardé par la police ! (à suivre…)
K. Y.
19 mars 2010 à 12 12 06 03063
Une date, un fait Edition du 14/7/2007
Au coin de la cheminée
L’apprenti meunier et la petite chatte (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie n La petite chatte dit à Hans qu’elle allait lui apporter son cheval dans trois jours et lui demanda de rentrer chez lui après lui avoir montré le chemin.
Depuis sept ans, Hans n’avait jamais reçu de nouveaux vêtements ; il dut donc retourner chez lui vêtu de ses mêmes vieilles guenilles, devenues beaucoup trop petites avec le temps. Lorsqu’il arriva au moulin, les deux autres apprentis étaient déjà de retour. Chacun d’eux avait rapporté un cheval, mais l’un était aveugle, l’autre paralysé. Ils demandèrent à Hans : «Alors Hans, où donc as-tu mis ton cheval ?» «Dans trois jours il sera ici», répondit Hans. Les deux autres apprentis s’esclaffèrent et le traitèrent d’idiot.
Hans entra et alla dans la salle à manger. Mais le meunier lui dit qu’il ne pouvait pas s’asseoir à la table, qu’il était trop déguenillé et qu’ils auraient honte de sa présence. Il lui donna un peu de nourriture et l’envoya manger dehors. Lorsque le soir fut venu et qu’il fut temps d’aller se coucher, les deux autres apprentis ne voulurent pas lui donner un lit. Hans dut se faufiler dans la basse-cour et dormir sur la paille.
Quand il se leva le troisième jour, un carrosse arriva, tiré par un attelage de six chevaux. Un domestique en apportait un septième, celui-ci était pour Hans. ? ce moment, une princesse, qui n’était nul autre que la petite chatte bigarrée que Hans avait servie sept années durant, descendit du carrosse. Elle entra dans le moulin, et demanda au meunier où se trouvait Hans. «Eh bien ! dit le meunier, nous ne pouvons pas lui permettre de rester à l’intérieur. Il est si déguenillé qu’il a dû s’installer dans la basse-cour !» Alors, la princesse demanda à ce qu’on aille le chercher immédiatement.
On alla donc le chercher, et Hans se présenta devant elle vêtu de ses vieilles guenilles. Là, le domestique sortit de magnifiques vêtements ; Hans dut se laver et s’habiller. Lorsqu’il eut terminé, il ne pouvait y avoir plus beau prince que lui. Là-dessus, la princesse exigea qu’on lui fasse voir les chevaux que les autres apprentis avaient apportés. Mais l’un était aveugle, et l’autre paralysé. Elle fit apporter le septième cheval par l’un de ses valets, et lorsqu’il le vit, le meunier s’écria : ‘Mille tonnerres ! Jamais je n’ai vu un tel cheval !» «Il est pour Hans», dit la princesse. «Si c’est son cheval, alors c’est à lui que je donnerai mon moulin», dit le meunier. Mais la princesse lui répondit qu’il pouvait garder son moulin. Elle prit son cher Hans par la main, le fit monter avec elle dans son carrosse et, ensemble, ils s’éloignèrent. Ils se dirigèrent d’abord vers la maisonnette que Hans avait construite avec les outils d’argent. Mais la maisonnette s’était transformée en un immense château couvert, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’or et d’argent. Puis, ils célébrèrent un grand mariage et vécurent riches et heureux pour le restant de leur vie.
19 mars 2010 à 12 12 06 03063
Une date, un fait Edition du 14/7/2007
Histoires vraies
Les bourgeois de Cologne (4e partie et fin)
Résumé de la 3e partie n Georges a peur de la réaction de ses parents à la vue d’Anna, une servante et de surcroît enceinte, mais que leur fils veut épouser. Il décide donc de s’en débarrasser…
Puis Georges Kholer est retourné à Cologne, toujours à une vitesse folle, et a jeté dans le Rhin tout ce qui pourrait le compromettre, le sac à main et les papiers d’Anna, même l’élastique. Il a fait laver la voiture dans une station-service, essuyé lui-même le tableau de bord, le volant et l’intérieur des portières, puis il est arrivé chez ses parents, sa veste sur l’épaule, l’air d’un bon garçon bien gentil et bien obéissant, venu pour une semaine de vacances.
Six jours plus tard, le corps d’Anna était identifié, sa liaison avec Georges révélée et il passait aux aveux sans réticence, avec une sorte de soulagement, réclamant le rétablissement de la peine de mort «pour que sa tête soit la première à tomber».
«J’ai voulu mourir aussi, je n’en ai pas eu le cran ! Et j’ai tué le seuI être que j’aimais !»
Ces déclarations emphatiques furent faites au moment de l’inculpation. Mais au tribunal, Georges se bat pour éviter la réclusion à vie. Sa famille a proposé aux parents d’Anna une somme de vingt-cinq mille marks s’ils ne se portaient pas partie civile.
Les deux avocats de Georges développent la théorie selon laquelle le garçon n’aurait pas tué s’il n’avait pas craint autant son père. Ils rappellent que ce père avait déjà menacé de déshériter son fils lors d’une première liaison avec une «petite» secrétaire. On met en valeur un détail (important, paraît-il). Les relations commerciales entre les deux maîtres du houblon auraient été affectées par le scandale d’une liaison ou d’un mariage avec Anna ! Et Georges le savait. Son père aurait rompu avec Ader Krantz une association qui bénéficiait aux deux sociétés.
Enfin, le père déclara lui-même à la barre :
«Je suis responsable, mon fils me craignait trop. Il me craint depuis toujours. Il a accumulé les complexes d’infériorité. Il a tué à cause de moi.»
La famille d’Anna, simple et modeste, a retiré sa plainte devant le chagrin de la famille de Georges. Ils ont entendu sans frémir que leur fille avait peut-être eu l’intention de «mettre le grappin sur un héritier en le mettant devant un « bébé accompli »».
Anna, petite bonne bien sage, au sourire plein de charme et de gentillesse, n’avait en fait pas grand monde pour la défendre, à part le procureur.
Quant au bébé de six mois, il fut dit que l’on aurait pu le sauver par césarienne si l’assassin, pris de remords, avait transporté la mère à l’hôpital aussitôt après le crime.
Mais il y avait ce soi-disant brouillard rouge, guère de remords, et, à travers la mère, n’était-ce pas surtout le bébé que Georges supprimait ? C’est quelque chose de grave que d’avoir un enfant, d’important qui donne des responsabilités, qui oblige les pères et mères à devenir adultes. Cela fait plus peur qu’un père, un bébé ! Les psychiatres amenés par la défense eurent tout loisir de broder sur la question du bébé…
Le crime paraît bien facile et l’art de la justice est si difficile…
Et Georges Kholer a vécu quinze ans de réclusion criminelle entre 1961 et 1976. Il a retrouvé la liberté à quarante ans.
D’après Pierre Bellemare
19 mars 2010 à 12 12 08 03083
Le journal des locales Edition du 15/7/2007
Mon beau pays
Sour El Ghozlane (II)
Par M. A. Haddadou
L’Auzia romaine a été fondée vers l’an 16 avant J.-C., sous l’empereur Auguste.
Selon l’écrivain latin Tacite (Ier siècle de l’ère chrétienne), à qui nous devons l’essentiel de notre information, la ville était située sur un plateau et entourée de rochers et de forêts : position stratégique qui fera d’Auzia un élément principal du système de défense romain ou limes. Auzia formait avec Rusguniae (Cap Matifou) et Equizetum (ville non encore identifiée), une confédération. En l’an 40, l’empereur Claude divise la Maurétanie en deux provinces, placées chacune sous l’autorité d’un procurateur : la Maurétanie Césarienne, avec pour capitale, Césarée (Cherchell) et la Maurétanie Tingitane, avec pour capitale Tingis (Tanger). Auzia faisait partie de la Maurétanie Césarienne. Au IIe siècle de l’ère chrétienne, Auzia va porter le titre de municipe, Colonia Septima Auziense.
L’enceinte de la ville, de forme ovoïde, était encore visible au XIXe siècle. En effet en creusant les fondations de leur maison, les colons français ont mis au jour une grande quantité de pierres de taille que les entrepreneurs récupèrent et utiliseront pour la construction des édifices publics. Auzia était reliée à un poste militaire, Castellum Auziense, identifié aujourd’hui par Aïn Bessam.
M. A. H.
19 mars 2010 à 12 12 09 03093
Le journal des locales Edition du 15/7/2007
Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (8e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 7e partie n Dans les différentes versions maghrébines de l’épopée de Djazia, la belle bédouine est toujours convoitée par les hommes.
Pour l’Algérie, plusieurs versions de l’histoire de Djazia et de Dhiyab ont été recueillies, et ce, dès le XIXe siècle, par les auteurs européens. L’une des plus anciennes recensions a été réalisée en 1865 par L. Féraud. Le récit provient de la région des Babors, dans la Kabylie dite orientale, et il est question, comme dans beaucoup d’autres versions, de la lutte acharnée que se livraient Hilaliens arabes et Zénata berbères.
Djazia est présentée comme une femme très belle et surtout très intelligente. Elle possède le don de résoudre les énigmes les plus compliquées et de battre au jeu tous ceux qui osent la défier. Elle devient la maîtresse de Klifa al-Zénati et, après l’avoir aimé passionnément, elle se met à le haïr avec acharnement. Plus tard, apprenant sa mort, elle se rend sur sa tombe et la profane, en faisant uriner dessus sa chamelle. Mais, dit la légende, elle est subitement prise de malaise et meurt.
On l’enterre auprès du Zénati. Fin pathétique des deux anciens amoureux, devenus ennemis, de nouveau réunis par la mort !
En 1879, V. Largeau publie des récits qu’il a fait écrire par un cheikh d’El-Oued. Parmi les textes produits, il y a «l’histoire de Dhiyab fils de Khalem» sans doute mis pour Ghanem, nom que l’on retrouve partout pour le père de Dhiyab.
Le récit met face à face Dhiyab et sa belle cousine Djazia : ils s’aiment mais tous les deux ont un fort caractère et aucun ne veut faire de concession à l’autre. Comme Dhiyab n’est pas le seul à aimer Djazia et à vouloir l’épouser, la jeune femme organise une joute au cours de laquelle les prétendants doivent s’affronter. Dhiyab remporte les épreuves, mais il ne va pas épouser pour autant Djazia.
En effet, la famine sévissant dans la tribu, les chefs hilaliens vont quémander de la nourriture auprès de leurs voisins berbères qui acceptent de les approvisionner en grains, mais à condition que Djazia épouse leur chef. Le marché est conclu et Djazia quitte sa tribu. Mais la jeune femme est malheureuse auprès de son époux et elle ne pense qu’à rejoindre les siens et retrouver Dhiyab.
Elle propose de rendre visite à sa famille mais le mari refuse, sachant qu’elle ne reviendra pas. Elle use alors de ruse : au cours d’une partie de jeu de dés, elle le gagne et obtient comme récompense de rentrer. Djazia retourne dans sa tribu, mais elle va être l’enjeu de rivalités, ce qui provoque des émeutes parmi les Banû Hilal. Sans oublier les batailles que leur livreront les Zénates pour récupérer Djazia.
En 1892, c’est A. Vaissière qui recueille une autre version, au sud de Khenchela, en pays chaouïa, parmi les Ouled Rechaïch, un groupe de Berbères en partie arabisés. On y retrouve aussi l’histoire de la tribu décimée par la faim qui va utiliser la belle Djazia pour obtenir de la nourriture.
L’autorité sollicitée n’est plus, ici, le prince de Tunis, mais le roi de Tripoli, lui aussi subjugué par la beauté de la jeune Arabe. Elle veut repartir chez elle, mais il ne la laisse pas. Dans cette version aussi, elle parvient à le battre au jeu et retourne dans sa tribu qui ne va plus la relâcher. (à suivre…)
K. N.
19 mars 2010 à 12 12 14 03143
Une date, un fait Edition du 15/7/2007
Ainsi va la vie
Premiers émois (8e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 7e partie n Omar comprend que son oncle est un homme riche et considéré. Il en est très fier.
Le chauffeur a garé, puis il l’a accompagné. Ils sont d’abord passés par un poste de contrôle, ont traversé de longs couloirs, puis pris un ascenseur. Omar est impressionné par la propreté des lieux. Tout est nickel.
Le chauffeur le conduit devant une lourde porte capitonnée et lui dit :
— Tu es devant le bureau de ton oncle.
Omar se rappelle aussitôt ses bagages.
— J’ai laissé ma valise dans la malle de la voiture.
— Je sais, dit le chauffeur, avec un sourire ironique. Tu as laissé également ton bidon d’huile, que j’ai mis dans la malle. Je vais les transférer dans la voiture de ton oncle, tu les y retrouveras tout à l’heure.
Et il s’en va, laissant là Omar, embarrassé. Il frappe timidement à la porte, mais comme elle est capitonnée, aucun son n’en sort. Comment faire ? se demande-t-il angoissé ? il ne va tout de même pas ouvrir et entrer comme dans un moulin !
Il essaye de frapper sur le rebord en bois, mais le son qui en sort est trop faible pour être entendu de l’intérieur. Une employée passe et le regarde.
— Que faites-vous là ?
— Je frappe, dit-il, mort de honte
— Mais, c’est capitonné… on ne vous entend pas, il faut ouvrir et entrer !
D’ailleurs, elle ouvre la porte et l’invite à entrer, avant de la fermer derrière elle. Il tombe nez à nez avec une secrétaire qui le regarde avec curiosité.
— Oui ?
— Je… balbutie-t-il.
— Qui êtes-vous, jeune homme ? Que faites-vous ici ?
Elle se rappelle aussitôt quelque chose et s’écrie :
— Ah, c’est le neveu du patron ! vous êtes le petit Omar, n’est-ce pas et vous venez d’arriver de la campagne ?
— Oui, dit-il, embarrassé.
Ni l’épithète «petit» ni la sentence «vous arrivez de la campagne» ne sont de son goût, mais au moins elle l’a reconnu.
— Attendez, dit-elle, le patron est au téléphone, il vous recevra quand il aura fini.
Elle lui montre une chaise. Il s’assoit timidement. «Le patron» : son oncle est patron, et il va «le recevoir», comme un grand. Brusquement, la timidité laisse la place à une sorte de fierté : son oncle est un «grand» et, par ricochet, il l’est lui-même !
Il regarde autour de lui : comme c’est grand et beau et il se dit : «Si le bureau de la secrétaire est aussi luxueux, comment doit être celui de mon oncle ?»
La secrétaire prend le téléphone et appelle le «patron», elle lui dit que son neveu est là et qu’il attend ; elle pose le combiné et se tourne vers Omar.
— Allez-y ! (à suivre…)
K. Y.
19 mars 2010 à 12 12 14 03143
Une date, un fait Edition du 15/7/2007
Au coin de la cheminée
Le maître voleur (1re parrtie)
Un jour, un vieil homme et sa femme étaient assis sur le seuil de leur pauvre maison pour respirer un peu après un dur labeur, quand, tout à coup, s’arrêta, devant eux, un superbe carrosse tiré par quatre chevaux. Un seigneur magnifiquement vêtu en descendit et le vieux paysan se leva, alla au-devant du seigneur pour lui demander ce qu’il désirait et en quoi il pouvait lui être utile. L’étranger serra la main du vieillard et lui dit : «Je voudrais seulement me régaler d’un plat paysan. Préparez-moi un plat de pommes de terre comme vous les mangez d’ordinaire et je me mettrai à table avec vous ; cela me fera grand plaisir.» Le paysan s’en amusa. «Vous êtes un comte, lui dit-il. Ou un prince, ou peut-être même un duc, est-ce que je sais ? Les grands seigneurs ont quelquefois des caprices de ce genre… Nous allons satisfaire votre désir, en tout cas.» Sa femme alla dans la cuisine pour laver et râper les pommes de terre dont elle voulait faire des boulettes à la mode paysanne, et pendant ce temps-là, le paysan proposa à l’inconnu de l’accompagner à son jardin derrière la maison, où il avait encore un petit travail à achever : celui de planter de jeunes arbres fruitiers qu’il mit dans des trous qu’il avait préalablement creusés.
— Vous n’avez donc pas d’enfant ? demanda l’étranger. Un fils vous donnerait un bon coup de main.
— Non, répondit le paysan ou plutôt, j’ai bien eu un garçon autrefois, mais il y a un bon bout de temps qu’il est parti de par le monde. C’était de la mauvaise graine : un garçon intelligent et malin, mais qui ne voulait rien apprendre et ne faisait que de mauvais tours ; pour finir, il s’en est allé et je n’ai plus jamais eu de nouvelles de lui. Tout en parlant, le vieux paysan prit un arbrisseau, le plaça dans le trou, puis il planta un tuteur à côté et enfin, après avoir ramené et bien tassé la terre, il attacha solidement au pied, en bas et au milieu, le jeune tronc contre le tuteur avec de la paille tressée.
— Mais dites-moi, questionna l’étranger, pourquoi n’attachez-vous pas aussi contre un pieu l’arbre que je vois là-bas, dans le coin, tout tordu et biscornu, dont les branches touchent presque le sol ? Il a besoin d’être redressé, non ?
— Bien sûr, mon seigneur, mais on voit bien que vous ne vous êtes jamais occupé d’un jardin. Cet arbre est vieux, desséché et biscornu : personne au monde ne pourra le redresser, Les arbres, c’est quand ils sont jeunes qu’il faut les diriger. (à suivre…)
19 mars 2010 à 12 12 15 03153
Une date, un fait Edition du 15/7/2007
Histoires vraies
Roudi et moi dans la même tombe (1re partie)
Mal rasé, hagard, l’homme frappe autour de lui la demi-douzaine de policiers qui l’assaillent. Un inspecteur, parant les coups de poing, parvient à lui passer les menottes. C’est la fin. Tout se brouille, se réduit en un minuscule point lumineux. L’écran de la télévision s’éteint, devient noir : le feuilleton policier que diffusait ce soir la chaîne de télévision ZDF est fini, Rodolph et sa mère quittent le canapé.
«Veux-tu une omelette ? demande Joséphine Fischerbold à son fils.
— Oui.
— Cela te suffira ?
— Oui, maman, je n’ai pas faim.»
Un étrange et terrible drame va éclater dans quelques minutes, au chaud de ce bel appartement d’une ville allemande, le soir d’un dimanche banal et pluvieux de l’hiver 1963. Rodolph, vingt-sept ans, juriste, employé à l’état civil, est un beau garçon blond et calme, un peu fade peut-être, mais que tout le monde aime bien et qui a gardé de sa tendre enfance de très bons amis.
«Tu devrais prendre un cachet pour dormir, lui conseille sa mère.
— Pour quoi faire ? demande le jeune homme un peu étonné.
— Tu vas avoir une dure journée, demain.»
Rodolph en souriant convient, en effet, que les heures qui suivent vont être mouvementées : il doit mettre son travail à jour et s’occuper des derniers préparatifs du mariage qui, mardi matin, va l’unir pour le meilleur et pour le pire à sa fiancée Ingrid Brukner. Le soir même ils partiront pour Venise.
C’est que, chez les Fischerbold, la tradition est toujours et en tout point respectée : il y a un crêpe sur chaque photo de M. Fischerbold, mort l’année dernière, un crucifix au-dessus de chaque lit, des plantes vertes devant la fenêtre et une couverture de laine posée sur le canapé pour ne pas le salir.
Vers vingt-deux heures, Rodolph embrasse sa mère et gagne sa chambre pour enfiler un pyjama et se coucher gentiment, jetant avant de s’endormir un regard sur la photo de sa future femme, blonde et rose, qui sourit comme un bébé sur la table de nuit.
Joséphine Fischerbold débarrasse la table, range méticuleusement la vaisselle dans la cuisine : un peu trop soigneusement, peut-être, comme si elle voulait gagner du temps. Autrefois brune, aujourd’hui le cheveu poivre et sel, Joséphine, cinquante-deux ans, est une femme élégante, bien que moins soigneuse d’elle-même depuis quelque temps. Visage sans rien de remarquable, sinon les pommettes un peu saillantes qui lui devaient, lorsqu’elle était jeune fille, d’être surnommée «la Chinoise».
Vingt-deux heures trente. Joséphine traverse le living-room, suit un petit couloir pour aller coller son oreille à la porte de Rodolph : aucun bruit, il dort.
Quelques pas pour gagner sa chambre, et Joséphine sort du tiroir de sa coiffeuse un petit paquet long et mince. Il porte encore la marque du commerçant qui le lui a vendu voici déjà deux semaines.
Du bout des ongles, Joséphine s’acharne à défaire les nœuds de la petite ficelle qui l’entoure, puis, saisissant l’extrémité du papier, elle laisse le paquet se dérouler de lui-même au dessus du lit. Il en tombe un couteau. Un long et fort couteau pointu qu’elle ramasse en le saisissant par le manche. Au mur, la photo de son défunt mari, inspecteur des Chemins de fer, la regarde avec indifférence. Depuis qu’il est mort, Joséphine ne vit plus que pour son fils. Ce qui va se passer maintenant est la preuve que personne, aucune famille, n’est à l’abri du drame. Car, jusqu’à cette mort, la vie de famille des Fischerbold était harmonieuse et sans histoire. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
19 mars 2010 à 12 12 18 03183
La dernière Edition du 15/7/2007
Le «roi de l’évasion» remet ça
l Une figure du grand banditisme français, Pascal Payet, 43 ans, s’est évadé hier samedi de la prison de Grasse, près de Cannes (sud-est), à bord d’un hélicoptère, un moyen déjà utilisé par le passé et qui lui a valu le surnom de «roi de l’évasion». L’appareil avait été détourné par quatre hommes armés en fin d’après-midi à l’aéroport de Cannes-Mandelieu. Son pilote a ensuite été contraint de se poser sur le toit de la maison d’arrêt où Payet a été embarqué. Braqueur récidiviste, lourdement condamné pour le meurtre d’un convoyeur de fonds, Payet, originaire de Marseille, s’était déjà évadé de cette manière de la prison de Luynes (sud) en octobre 2001. Deux ans plus tard, en 2003, alors qu’il était en cavale, il aurait organisé l’évasion de deux de ses complices et d’un autre détenu de cette même prison de Luynes, toujours en utilisant l’hélicoptère. Tous les quatre ont été arrêtés un mois après cette évasion spectaculaire. Pascal Payet a été condamné en janvier 2005 à 30 ans de réclusion criminelle pour le meurtre d’un convoyeur de fonds lors d’une attaque en novembre 1997. Il a ensuite été condamné en mars 2005 à six ans de prison pour son évasion de Luynes.
19 mars 2010 à 13 01 38 03383
Le journal des locales Edition du 16/7/2007
Mon beau pays
Sour El Ghozlane (III)
Par M. A. Haddadou
La cité a dû être importante au vu des vestiges retrouvés : conduites d’eau et égouts, bassins de thermes, citernes, stèles funéraires… On a découvert également un grand nombres d’inscriptions latines dont quelques-unes sont exposées sur une place près de la mairie. Des vestiges ont été également retrouvés aux environs de la cité comme ce pressoir à huile en parfait état de conservation, qui se trouve à quelque trois kilomètre d’Auzia, sur le sommet du mont Englib al-Rabah, à 900 m d’altitude. C’est à Auzia que Tacfarinas, héros de la résistance à l’occupation romaine, a trouvé la mort en 24 après J.-C.
D’abord soldat dans l’armée romaine, il a fini par la quitter pour former une armée qui va infliger de sévères défaites à l’occupant.
L’empereur Tibère doit même détacher une légion de Pannonie et l’envoyer en afrique. Mais les Romains ne réussissent à le prendre qu’en utilisant la ruse : en le faisant livrer par les siens. La guerre a duré sept années et demie et avait ébranlé la présence romaine en Afrique.
M. A. H.
19 mars 2010 à 13 01 39 03393
Le journal des locales Edition du 16/7/2007
Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (9e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 8e partie n En Algérie, des versions de l’épopée de Djazia et de dhiyab al-Hilali ont été recueillies au XIXe siècle.
En 1902, c’est A. Bel qui a recueilli une nouvelle version de l’épopée de Djazia et de Dhiyab al-Hilali. Le récit provient, cette fois-ci, des Beni chougrane, près de Mascara, dans l’ouest algérien. Il s’agit d’un long poème de 156 vers, publié à la fois en arabe et traduit en français. On y retrouve, comme dans la version de Largeau, Dhiyab qui est épris de Djazia qui le soumet à des épreuves dont il triomphe. La sécheresse survenant, la tribu doit céder, pour ne pas mourir de faim, Djazia à un prince étranger.
Djazia finit par rentrer chez elle après avoir battu son époux à un jeu. Mais elle trouve la tribu disloquée parce que Dhiyab est parti.
Pour le compenser de la perte de Djazia, on lui a donné du bétail, des jeunes hommes et des jeunes filles et il a fondé son propre groupe. Le poète qui rapporte cette histoire pleure sur le sort de la tribu, autrefois unie, désormais divisée. En 1966, H. Breteau a recueilli, dans le Nord constantinois, trois versions de l’épopée hilalienne.
Le texte, enregistré en arabe, est également traduit en français. Ces versions ressemblent aux précédentes en de nombreux points.
On y trouve djazia et Dhiyab qui s’aiment mais qui se querellent. Djazia a beaucoup de prétendants et si c’est Dhiyab qu’elle choisit, c’est parce qu’il est le plus intelligent : la preuve, c’est qu’il parvient à triompher des épreuves auxquelles le soumet Djazia.
Cependant, la jeune femme est convoitée par un colporteur (‘ât’ar) juif qui l’enlève. Dhiyab le poursuit et le tue au cours du combat qu’il lui livre. Un autre rival, cette fois-ci un Zénète, lui dispute Djazia, il le provoque en duel et le tue.
Le couple n’est pas des plus harmonieux, ils se disputent et, pour finir, se défient au jeu de la khrabga, une sorte de jeu de dames dont raffolent les nomades.
Dans ces versions, le thème de la sécheresse et de la famine est évoqué mais comme épreuve pour punir Djazia qui a fait preuve de ruse. Le problème est résolu par un saint local (wali) qui fait tomber la pluie et pousser l’herbe et les grains.
La dernière version algérienne de la geste est, à notre avis, celle qu’a publiée en 1998 N. Chellig. Recueillie dans les Hauts-Plateaux, elle donne en traduction littérale (mais malheureusement sans le texte arabe) l’histoire de la belle Djazia et de Dhiyab, confrontés non seulement aux Berbères zénètes (chaouias) mais aussi entre eux. Djazia est intelligente, mais Dhiyab l’est encore plus, en triomphant des énigmes qu’elle lui pose et que lui pose également son père. Dhiyab est, selon le texte de Chellig, Hilalien par son père et Zénète par sa mère. L’auteur, qui fait suivre son récit d’une étude fort intéressante de la geste et de ses conditions de production, développe une thèse originale. «Bien que cette histoire soit le récit de la geste des Hilaliens venus au Maghreb au XIe siècle, on est frappé par le constant parallélisme et la constante référence aux Berbères zénètes sédentaires. Pour cette légende, le maghrébin n’évoque peut-être pas les Hilaliens venus du Hidjaz mais prend prétexte de ceux-ci pour mettre en scène ses propres «Hilaliens», des Berbères zénètes nomades. «C’est pour cette raison que l’auteur a considéré les Hilaliens comme des Berbères et Djazia, nom pas comme une reine arabe mais comme une reine berbère, d’où le titre de son étude : Jazia, princesse berbère.» (à suivre…)
K. N.
19 mars 2010 à 13 01 39 03393
Une date, un fait Edition du 16/7/2007
Ainsi va la vie
Premiers émois (9e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 8e partie n Omar est très intimidé par le luxe du bureau de son oncle.
Il entre dans le bureau, la casquette à la main.
— Ah, mais c’est Omar !
L’homme, très corpulent, le front dégarni, les tempes grisonnantes, ressemblant beaucoup à son père, se lève.
— Dans mes bras, petit chenapan !
Il l’embrasse et le serre contre lui, puis il le regarde.
— Comme tu as grandi ! On peut même dire que tu es devenu un homme !
— Mon oncle, je suis content de te revoir !
— Il y a longtemps qu’on ne s’est vu, toi et moi… Dis-moi, combien tu avais la dernière fois qu’on s’est rencontré ? Huit ans ? dix ans ?
— Douze ans, mon oncle.
— Et quel âge as-tu maintenant ?
— Dix-sept ans, mon oncle !
— Dix-sept ans, cela fait bien cinq ans ! A la maison, on ne va pas te reconnaître !
— Comment va tante Zahra ?
— ça va… et Nadia aussi, elle passe au lycée, tu sais, et avec une excellente moyenne. Toi aussi, tu passes au lycée, n’est-ce pas ?
— Oui, mon oncle. Et Rafik ?
Le visage de l’oncle se rembrunit.
— Rafik ne va pas bien… en dépit de tous les traitements, sa santé ne cesse de se dégrader. C’est à peine s’il peut se lever pour aller aux toilettes et même pour cela il faut l’aider !
— Je suis désolé, dit Omar.
L’oncle se met à sourire de nouveau.
— Tu n’as pas à être désolé, mon garçon. Ce n’est pas ta faute. Dis-moi, comment va Ali, J’ai appris qu’il faisait de la tension.
— Oui, mon oncle, mais il se soigne !
— Nous nous soignons tous mon garçon, moi aussi je fais de la tension, j’ai du cholestérol et des problèmes cardiaques.
Omar prend un air inquiet
— Ce n’est pas trop grave, mon oncle.
— Bien sûr que c’est grave, mais on fait avec, heureusement qu’il y a les médicaments… Tu sais combien de pilules je prends par jour ?
— Non, dit Omar.
— Huit ! Oui, huit comprimés et encore, ma tension est toujours élevée et j’ai des palpitations… Que veux-tu, c’est mon travail ! Mais je parle, parle, parle et tu dois être affamé !
— Non, non, mon oncle, je n’ai pas faim !
— Bien sûr que tu as faim ; comme j’ai beaucoup de travail et que je ne peux t’inviter au restaurant, nous allons manger ici, des sandwiches. (à suivre…)
K. Y.
19 mars 2010 à 13 01 40 03403
Une date, un fait Edition du 16/7/2007
Au coin de la cheminée
Le maître voleur (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Au seigneur qui lui demandait pourquoi il n’attachait pas l’arbre tordu qu’il avait aperçu dans son jardin, le paysan répondit qu’il était trop vieux et que c’est quand ils sont jeunes que les arbres doivent être redressés.
C’est comme avec votre fils, remarqua l’étranger, Si vous l’aviez dressé quand il était jeune, il ne vous aurait pas quitté ; mais à présent, il doit être endurci lui aussi, noueux et desséché.
— Probablement, oui : cela fait longtemps qu’il est parti, reconnut le paysan. Il doit avoir beaucoup changé.
— Le reconnaîtriez-vous si vous le rencontriez ?
— Physiquement peut-être pas, dit le vieux, mais il a une tache d’envie sur l’épaule, qui a la forme d’une fève. A ces mots, l’inconnu retira sa veste, découvrit son épaule et fit voir la fève au vieux paysan qui s’exclama : «Mon Dieu ! mais tu es vraiment mon fils !» Et son cœur en était tout ému.
— Mais comment se peut-il que tu sois mon fils, reprit-il et que tu sois devenu le grand seigneur que voilà, vivant dans le luxe et l’abondance ? Comment y es-tu arrivé ?
— Oh ! père, le jeune arbre n’était lié à aucun tuteur, répondit le fils, et il a poussé de travers ; à présent il est trop âgé et jamais plus on ne le redressera. Tu veux savoir comment je me suis procuré tout cela ? C’est que je suis devenu voleur. Mais n’en sois pas choqué : je suis un maître voleur, un artiste du genre. Il n’y a pas de serrure qui tienne, pas de verrou qui existe pour moi : ce qui me plaît est à moi. Mais ne va surtout pas croire que je vole misérablement comme les voleurs ordinaires, n’importe où, n’importe comment ! Je ne prends que le surplus des riches et les pauvres n’ont rien à craindre. Je préfère leur donner que de leur prendre quelque chose. En outre, ce qui ne réclame ni effort, ni astuce, ni subtilité, ne m’intéresse pas et je n’y touche pas.
— Il n’empêche que cela ne me plaît guère, mon fils ! Un voleur reste un voleur n’importe comment, dit le père. Cela finira mal, c’est moi qui te le dis ! Ils allèrent retrouver la mère qui pleura de joie en apprenant qu’il était leur fils, et qui versa des torrents de larmes en apprenant qu’il était un maître voleur. Mais la brave femme conclut : «Même s’il est voleur, c’est mon fils quand même ! Et mes yeux l’auront vu encore une fois !» Alors ils passèrent à table et le fils prit part, une fois encore, au repas familial, auquel il n’avait plus goûté depuis longtemps. (à suivre…)
19 mars 2010 à 13 01 40 03403
Une date, un fait Edition du 16/7/2007
Histoires vraies
Roudi et moi dans la même tombe (2e partie)
Résumé de la 1re partie n La mère Rodolf, s’étant assurée que son fils est bien endormi, tire de son emballage un long et imposant couteau. Dans quel but ?
Il y a d’autres photos dans l’appartement. Ici, les Fischerbold en compagnie de leurs amis dans un joyeux pique-nique en forêt Noire. Là, les Fischerbold en vacances aux Canaries. Plus loin, les Fischerbold souriant à la sortie d’une église ; sur cette photo, Rodolph, qui vient d’être baptisé, n’est qu’un bébé dans les bras de sa mère.
Inspecteur des Chemins de fer, M. Fischerbold n’avait pas un gros revenu : il a donc fallu vivre très raisonnablement pour que le garçon puisse suivre les cours de la faculté de droit.
Chez les Fischerbold, on n’est ni raciste ni contestataire, chacun considère la corrida comme un jeu criminel d’un autre âge et la chasse comme un divertissement sadique. Alors, comment expliquer ce long couteau pointu dans la main de Joséphine ?
Rodolph a connu sa fiancée il y a déjà huit ans, alors qu’il fréquentait un cours de danse. Ingrid, journaliste de mode et mannequin, ne faisait qu’apporter un sourire de plus dans cette maison heureuse. Lors de sa dernière visite, Rodolph revenait de la pêche avec des poissons vivants. Tous les trois : la mère, le fils et sa fiancée, incapables de les tuer, se sont regardés, pouffant de rire, devant ces poissons qui frétillaient sur la table de la cuisine. Il a fallu appeler un copain dans la maison voisine pour procéder à l’exécution. Alors, comment expliquer le long couteau pointu dans la main de Joséphine ?
Toute sa vie, elle s’est montrée d’une humeur égale envers tous, même envers la fiancée de son fils. Evidemment, de-ci, de-là, elle a exprimé quelque tristesse à l’idée de rester seule après le mariage dans ce grand appartement. Mais ni plus ni moins que les autres futures belles-mères. Alors, comment expliquer ce visage crispé, ces dents serrées et ce long couteau tandis qu’elle sort de sa chambre, traverse le couloir, pose la main sur la poignée de la porte de son fils ?
La poignée tourne lentement. Retenant son souffle, Joséphine passe le visage par l’entrebâillement. Dans la chambre obscure, aucun bruit, sinon une respiration profonde.
Le temps de s’habituer à cette obscurité, puis Joséphine, lentement, s’approche. La lueur venue du couloir lui permet de distinguer dans les draps le visage de Rodolph.
Mais le cou n’est pas visible… Or, c’est le cou qu’elle veut trancher.
Doucement, de la main gauche, Joséphine soulève le drap. Elle n’a pas un regard pour le visage paisible de son fils. Elle ne voit que la tache blafarde du cou qui, petit à petit, se dévoile.
Alors, sa main droite se crispe sur le manche du couteau pointu, affûté de neuf, et d’un geste rapide tranche la gorge de son fils.
Le sang jaillit. Mais Rodolph se redresse et découvre sa mère debout, près de lui, un couteau à la main. Il ressent une sensation tiède sur sa poitrine et voit puIser de sa gorge un liquide sombre.
Il a malgré tout la force de sauter du lit :
«Oh ! maman ! Qu’est-ce que tu as fait ?»
C’est un râle plus qu’une question, qui s’étouffe dans le sang. Encore quelques pas et il s’écroule sur la moquette du couloir.
Joséphine regarde l’agonie de son fils en murmurant plusieurs fois de suite :
«Pauvre chéri… Pauvre chéri.»
Après quoi elle va dans le living-room chercher un coussin pour le glisser sous la tête du jeune homme. Celui-ci tardant à rendre le dernier soupir, elle lève encore une fois le couteau pointu pour le lui plonger dans le cœur. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
19 mars 2010 à 13 01 46 03463
Le journal des locales Edition du 17/7/2007
Mon beau pays
Sour El Ghozlane (IV)
Par M. A. Haddadou
D’autres insurrections devaient éclater. La plus importante, après la guerre de Tacfarinas, est celle qui a embrasé, en 260, les montagnes des Babors, avec pour chef Faraxen, de la tribu des Faraxinenses.
Faraxen avait réussi à unir plusieurs tribus contre l’occupant, avant d’être battu à son tour. En 372, c’est Firmus qui soulève les tribus du mont Ferratus (Djurdjura), prend Césarée et assiège les romains à Castellum Auziense, poste militaire avancé de Auzia, près de Aïn Bessam. C’est également dans ce Castellum que Firmus a pris refuge et où il s’est donné la mort pour ne pas tomber entre les mains de l’ennemi (375). Comme ailleurs, le christianisme a dû se répandre à Auzia au début IIIe siècle, mais les vestiges de cette religion sont peu nombreux. Au Ve siècle, les Vandales envahissent l’Afrique.
Le comte romain, Boniface, qui gouvernait l’Afrique est destitué par l’empereur Honorius, mais il refuse de quitter son poste et s’allie aux Vandales, avant d’entrer en guerre contre eux. Battu, il doit leur céder les trois Maurétanies, la Sétifienne, la Césarienne et la Tingitane. C’est ainsi que Auzia va tomber sous la coupe des vandales pendant plus d’un siècle.
M. A. H.
19 mars 2010 à 13 01 46 03463
Le journal des locales Edition du 17/7/2007
Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (10e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 9e partie n Les versions algériennes de l’épopée de Djazia confrontent, comme les autres versions, les nomades bédouins aux Berbères sédentaires.
Toutes les versions que nous avons évoquées montrent combien l’épopée de Djazia la Hilalienne est riche. Ce n’est pas une histoire qu’il faut retenir mais cent, plus sans doute, quand on sait que toutes les versions sont loin d’être recueillies. Surtout en Algérie où, jusqu’à présent, seuls les textes que nous avons signalés ont été publiés.
Les récits de l’épopée de Djazia sont donc nombreux, les épisodes multiples et parfois se contredisant les uns les autres, mais le fond de l’épopée est le même. A travers le Maghreb et le Sahara : c’est celui de la vie nomade, représentée justement par les Hilaliens confrontés aux sédentaires, les Berbères zénètes. Les Hilaliens, qui sont un peuple de pasteurs et qui pratiquent l’élevage sur une grande échelle, ont constamment besoin de pâturages : les terres qu’ils ne peuvent obtenir par la négociation et les alliances, ils les obtiennent par la force du sabre.
D’après la plupart des versions, c’est la famine qui les a chassés du Nedjd, leur patrie d’origine. Ils vont traverser la Jordanie, l’Egypte, la Tripolitaine, avant d’arriver en Ifriqiya, la Tunisie et l’est de l’Algérie où croissent les plus «beaux printemps». On sait par les historiens que cette longue marche, appelée taghriba «marche vers l’Ouest» et mettant en branle des milliers de personnes, hommes, femmes et enfants, poussant en avant son bétail, n’a pas été pacifique.
Partout où ils arrivaient, les Banû Hilâl s’opposaient aux autorités sur place, s’emparant de force de territoires, ravageant les villes et les villages… On connaît le passage d’Ibn Khaldoun où il compare les nomades arabes à une armée de sauterelles, dévastant tout sur son passage… Cependant, il faut leur rendre justice : les Hilaliens n’ont jamais eu l’intention de fonder un Etat ou de se tailler dans le Maghreb un royaume, la seule organisation politique comptant pour eux, étant la tribu. Mais ils allaient transformer de fond en comble la physionomie du Maghreb, arabisant une partie importante d’un pays demeuré jusque-là, en dépit de l’islamisation, largement berbérophone.
On ignore si les personnages de Djazia et de Dhiyab ont réellement existé, mais dans tous les récits en rapport avec les Banû Hilal ou presque, ils apparaissent.
Dans ces récits, les Hilaliens répondent à l’image que les historiens ont donné d’eux : braves et prêts à se sacrifier pour les leurs mais violents et vindicatifs. La femme, loin d’être un objet, apparaît, avec Djazia, comme l’élément central de la société : on la consulte, on l’écoute, elle va et vient parmi les hommes.
Pour raconter l’épopée de djazia, nous avons préféré, au choix d’une version qui écarte les autres, voire qui les contredit, et donne une seule lecture de l’épopée, construire un texte, à partir de différents éléments. Le récit sera romancé, mais il respectera le cadre de l’épopée, notamment son cadre algérien : les Hauts-Plateaux où le souvenir des personnages, djazia, dhiyab ou Klifa Zénati, est encore vivace. (à suivre…)
K. N.
19 mars 2010 à 13 01 50 03503
Une date, un fait Edition du 17/7/2007
Ainsi va la vie
Premiers émois (10e partie)
Résumé de la 9e partie n Omar est chaleureusement accueilli par son oncle.
La secrétaire a apporté une petite table avec une nappe sur laquelle elle a déposé deux plateaux recouverts de papier cellophane.
— Nous avons un bon traiteur dans le quartier, dit l’oncle Tahar, quand je ne peux pas aller au restaurant, je fais venir un casse-croûte… Mais ouvre ton plateau !
Omar essaye d’ouvrir le plateau sans abîmer le cellophane, mais il doit le déchirer. Il découvre ce que l’oncle appelle un «casse-croûte» : un vrai repas : frites, viande, salade, fromage…
— Mange, dit l’oncle.
Il pique quelques frites, il a faim, mais il ne peut se jeter sur la nourriture.
— C’est comme ça qu’il faut manger, dit l’oncle.
Il saisit une poignée de frites et l’engloutit. Omar rit, amusé par cet appétit…
— Fais comme moi, dit l’oncle.
Il fait comme lui et se met à manger de bon appétit. Il est maintenant décrispé.
— J’aime te voir comme ça, dit l’oncle ! Maintenant, parle-moi un peu de toi…
Omar ne sait que dire.
— Il n’y a rien à dire mon oncle, à part que j’ai décroché mon brevet et que je vais aller au lycée…
— Mais, c’est une bonne chose, mon garçon, et tu penses poursuivre des études ?
— Si je réussis, mon oncle, autrement, je ferai comme tous les jeunes du village, une formation…
— Il vaut mieux continuer tes études, mon garçon… Nadia va passer également au lycée ; c’est une brillante élève, elle veut faire médecine… et trouver un traitement pour guérir la myopathie… elle pense à son frère, bien sûr !
— J’espère qu’elle y parviendra, mon oncle
— Je l’espère aussi, mon garçon… en attendant, il s’ennuie…
— Il a quitté l’école, je crois ?
— Oui, il ne peut plus y aller… Cela demanderait trop d’aménagements et aucune école ne lui offre cette possibilité…
Une tristesse passe dans les yeux de l’oncle.
— C’est dommage car c’était un élève brillant…
Omar est bouleversé.
— On ne peut vraiment rien faire, mon oncle ?
— Non, les déplacements lui sont difficiles… La position assise le fatigue beaucoup… Un professeur de musique lui donne des cours à domicile, il aime ça, il aime aussi lire… Je pense que ta présence va lui faire du bien, il aura quelqu’un de son âge pour discuter.
— Je ferai tout pour lui être agréable, mon oncle.
— Je compte sur toi, mon garçon… Et puis, j’attends de toi autre chose ! (à suivre…)
K. Y.
19 mars 2010 à 13 01 51 03513
Une date, un fait Edition du 17/7/2007
Au coin de la cheminée
Le maître voleur (3e partie)
Résumé de la 2e partie n A la joie et à la surprise du paysan et de sa femme, le riche seigneur qui s’est présenté à eux, est leur fils bien-aimé parti depuis longtemps. Le hic : c’est un voleur.
Si notre seigneur le comte, là-haut dans son château, venait à apprendre qui tu es et ce que tu fais, remarqua le père, il ne te prendrait certes plus dans ses bras pour te bercer, comme il le faisait quand tu étais petit, mais il t’enverrait à la potence !
— Sois tranquille, père, il n’en fera rien : je connais mieux l’art de ma profession ! J’irai lui rendre visite aujourd’hui même. Au début de la soirée, le maître voleur alla reprendre place dans son carrosse et se fit conduire au château, où le comte, le prenant pour quelque noble et important personnage, le reçut avec grande courtoisie. Mais à peine l’inconnu eut-il décliné son identité que le comte blêmit et resta figé un long moment dans un silence.
— Tu es mon filleul, finit-il par lui dire, c’est pour cette raison je te traiterai avec indulgence. Puisque tu te vantes d’être un maître voleur, je vais mettre ton art à l’épreuve ; mais si tu ne t’en tires pas à ton avantage, tant pis pour toi : tu fêteras tes noces avec la fille du cordelier (autrement dit : tu seras pendu) et les corbeaux accompagneront tes noces de leur musique !
— Cherchez et trouvez trois épreuves, monsieur le comte, aussi difficiles qu’il vous plaira, lui dit le maître voleur, et si j’échoue, vous ferez de moi ce que vous voudrez.
Le comte réfléchit un instant avant de dire :
— Très bien : en premier lieu, tu devras me dérober mon cheval favori dans l’écurie ; deuxièmement, tu auras à nous enlever le drap de dessous dans notre lit, à ma femme et à moi, quand nous serons couchés, sans que nous nous en apercevions, et il faudra en outre que tu prennes son alliance au doigt de ma femme ; comme troisième et dernière épreuve, tu me traîneras le curé et le sacristain hors de l’église. Garde bien tout cela en mémoire, sinon ton cou en répondra. Le maître voleur s’en alla à la ville voisine où il acheta, pour le revêtir, le costume que portait une vieille femme, puis il se grima le visage en brun et se peignit encore quelques vieilles rides, se transformant de telle sorte que personne n’eût su le reconnaître. Cela fait, il se fit encore remplir un tonnelet de vin de Hongrie auquel il mélangea un puissant narcotique. Il mit le tonnelet dans une hotte, la hotte sur son dos et s’en revint ainsi, d’une démarche lente et hésitante, jusqu’au château du comte. Il faisait déjà sombre quand il s’y présenta, ou plus exactement quand il alla s’asseoir sur une borne, dans la cour, et se mit à tousser comme une vieille femme bronchitique, tout en se frottant vigoureusement les mains comme quelqu’un qui a froid. (à suivre…)
19 mars 2010 à 13 01 51 03513
Une date, un fait Edition du 17/7/2007
Histoires vraies
Roudi et moi dans la même tombe (3e partie)
Résumé de la 2e partie n Malgré l’amour qu’elle porte à son fils unique, Joséphine a commis l’irréparable en l’égorgeant. Pourquoi a-t-elle agi de la sorte ?
Joséphine vient d’entendre frapper à la porte d’entrée. La famille Herbert, locataire du dessous, a été réveillée par le bruit lorsque Rodolph s’est effondré dans le couloir. Mme Herbert, ayant jeté un manteau sur ses épaules, vient de gravir l’escalier quatre à quatre. Elle demande maintenant derrière la porte fermée :
«Avez-vous besoin d’aide, madame Fischerbold ?»
Elle entend la voix calme de celle-ci lui répondre :
«Non, non, merci madame Herbert, ce n’est rien. Mon fils vient d’avoir un petit malaise, mais cela va mieux. Merci encore.»
La voisine, tranquillisée, redescend chez elle, tandis que Joséphine pieusement recouvre le cadavre avec la couverture qu’elle vient de prendre sur le canapé.
Cela fait, elle ouvre en grand le robinet du lavabo de la salle de bains pour laver ses bras pleins de sang. De retour dans sa chambre, la voici qui revêt la robe de deuil portée pour la dernière fois lors de l’enterrement de son mari.
Dans le living-room elle ouvre le petit secrétaire, sort du papier à lettres, s’assoit confortablement et commence à écrire une lettre d’adieu. Une longue longue lettre qui lui demande plus d’une heure de rédaction, car elle en remplit quatre pages d’une écriture nette, précise, sans la moindre trace d’agitation. La lettre commence par la phrase suivante : «Je quitte la vie et j’emmène Roudi avec moi. Tout ce que je vais écrire est la plus stricte vérité. Personne ne ment dans un moment pareil.»
Le reste traduit son désespoir, sa terreur de la solitude, sa jalousie, sa rage froide de voir son fils épouser ce mannequin blond et rose au sourire de bébé. La lettre se termine par cette prière : «S’il vous plaît, mettez-nous, Roudi et moi, dans la même tombe. Nous voulons rester ensemble. Adieu.»
Seul signe de son trouble : elle oublie de signer. Mais elle n’oublie pas de déposer près de la lettre l’argent nécessaire à l’enterrement : ce qui lui reste de l’assurance touchée à la mort de son mari.
A sept heures du matin, en un lundi pluvieux d’automne Mme veuve Joséphine Fischerbold, cinquante-deux ans, qui vient d’égorger Rodolph, son fils de vingt-sept ans, sort de sa maison bourgeoise, méticuleusement vêtue de son manteau d’astrakan, un petit foulard noué autour du cou et coiffée d’un chapeau qui ajoute à l’ensemble une touche de respectabilité parfaite.
Dans le parc municipal, qu’elle doit traverser pour se rendre à la gare, elle ouvre son sac à main, en sort la bague de fiançailles de Rodolph qu’elle jette avec désinvolture dans un buisson.
Huit heures trente. Elle monte dans le train.
Huit heures quarante-cinq. Elle quitte quelques instants son compartiment comme si elle se rendait aux toilettes. En réalité, Joséphine se contente d’ouvrir la porte du wagon, pour jeter dans la campagne le long couteau pointu et sanglant.
Neuf heures quinze. Parvenue dans la petite ville qui semble être le but de son voyage, Joséphine accomplit à pied le trajet qui sépare la gare de l’église, où elle s’agenouille et prie pendant une quinzaine de minutes. Avant de quitter l’église pour retourner à la gare, elle glisse deux cents marks en billets dans le tronc. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
19 mars 2010 à 13 01 53 03533
Le journal des locales Edition du 18/7/2007
Mon beau pays
Sour El Ghozlane (V)
Elle a tenté à plusieurs reprises de se soulever, mais à chaque fois les révoltes ont été réprimées dans le sang. Les Byzantins reprennent la ville et tentent de la relever de ses ruines, ils la dotent également de fortifications, mais Auzia, pas plus que les autres cités d’Afrique, ne retrouve sa splendeur d’autrefois. A la fin du VIIe siècle, l’arrivée des Arabes au Maghreb précipite la chute de l’empire romain. On ignore à quelle date Auzia a été conquise. La ville, passée à l’Islam, a dû être gouvernée par les tribus maures de la région. Comme beaucoup de villes romaines, Auzia est tombée en ruines. Le nom d’Auzia s’efface et il est remplacé —on ignore à quelle époque— par celui de Sour al-ghozlane. Auzia ne sera plus évoquée et finira par tomber dans l’oubli. Les Turcs y construiront, à partir des ruines de la ville, un fort où ils entretiendront une troupe régulière chargée de surveiller la région.
En 1843, le duc d’Aumale, de retour d’une expédition contre l’Emir Abdelkader, dans le Haut-Chélif, s’empare du site de la ville antique et décide d’y fonder un camp qui prendra, une année plus tard, son nom —Aumale— et servira de point de départ à la ville actuelle.
M. A. H.
19 mars 2010 à 13 01 53 03533
Le journal des locales Edition du 18/7/2007
Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (11e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 10e partie n Les tentes, dont le velum est tissé avec du poil de chameau, se ressemblent toutes : à l’origine grises, elles sont noircies par la fumée des feux de camp et surtout l’usage.
Les nomades ont installé leur camp à l’entrée d’une belle plaine, non loin d’une rivière qui, en cette période de l’année, est à sec. Mais le cadre, quoique semi-désertique, est agréable, les nuits notamment étant fraîches.
Les tentes s’abritent derrière une colline rocheuse où l’on peut voir, dispersés sur une grande distance, des ruines de ce qui a été sans doute, un camp romain. Morceaux de colonnes et pierres taillées, en grand nombre, qui auraient fait le bonheur des citadins, toujours en quête de pierres pour construire leurs maisons, mais qui laissent totalement indifférents les nomades, venus de la lointaine Arabie et qui, en fait de maisons, ne connaissent que les tentes, aux parois mouvantes. Les tentes, dont le velum est tissé avec du poil de chameau, se ressemblent toutes : à l’origine grises, elles sont noircies par la fumée des feux de camp et surtout l’usage. Quelques unes se distinguent, cependant, par leur tailles –elles sont plus grandes- et surtout par le luxe des tapis qui les couvrent à l’intérieur. Il s’agit des tentes des notables, qui possèdent le plus de bétails et qui commandent à la tribu.
Cheikh Ghanem est de ceux-là. Voilà plusieurs années qu’il commande à sa tribu, qui, depuis quelques générations, nomadisent dans cette région de l’est algérien, au pied de la montagne et des piémonts, habités par les sédentaires berbères. Les rapports n’ont pas toujours été bons entre les deux populations : les nomades qui se sont accaparés des terres de pâturage pour leurs bêtes ont souvent razzié les villages sur les coteaux fertiles, et les Berbères ont souvent livré la guerre à ces voisins turbulents… Mais quand ils ne sont pas en guerre, chacun s’accommode de la présence de l’autre, et des alliances, par le mariage, sont également contractés. Et il devient difficile, quand on a des parents dans le camp adverses, de se livrer constamment la guerre !
Cheikh Ghanem a plusieurs épouses et l’une d’entre elle est justement berbère. C’est le fille d’un chef zénète, Ben Ali Chrif, connu et respecté dans toutes la région.
Depuis qu’il l’a épousé Cheikh Ghanem est en paix avec ses voisins berbères.
Ce jour-là est un grand jour, parce que la Zénète est sur le point d’accoucher, et cheikh Ghanem espère bien que ce sera un garçon. Un garçon qui, par sa double ascendance, hilalienne et berbère, pourra bien un jour commander non seulement aux siens mais aussi aux Berbères !
La Zénète a tenu a être assistée par une accoucheuse de son pays. Elle l’a fait venir quelques jours plus tôt et depuis, elle ne la quitte plus.
Cheikh Ghanem n’a pas le droit d’entrer dans la tente où a lieu l’accouchement. Il fait les cent pas, énervé, attendant qu’on l’appelle. Brusquement, aux cris de douleurs de sa femme s’ajoutent les vagissement du nourrisson…
Quelques instants après, l’accoucheuse apparaît, sur le pas de la porte, le visage souriant.
«C’est un garçon», dit-elle. (à suivre…)
K. N.
19 mars 2010 à 13 01 55 03553
Une date, un fait Edition du 18/7/2007
Ainsi va la vie
Premiers émois (11e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 10e partie n L’oncle Tahar demande à Omar de s’occuper de son fils handicapé.
L’oncle a dit qu’«il attend de lui autre chose». Omar est intrigué : que peut bien attendre de moi mon oncle ? Quel service peut-il rendre à un homme de l’importance de son oncle, lui pauvre garçon de la campagne ?
L’oncle n’en dit pas plus. Après le repas, il lui allume la télévision dans une sorte d’antichambre jouxtant le bureau. Il l’a également autorisé à manipuler l’ordinateur.
—Tu sais t’en servir ? lui a-t-il demandé
— Oui, mon oncle, nous avons un cybercafé au village.
Il a préféré tout de même regarder un match à la télé. Vers seize heures, l’oncle est venu le retrouver.
— Nous allons rentrer, lui dit-il.
La voiture de l’oncle est aussi luxueuse que celle du chauffeur.
— Tes bagages sont dans la malle, dit l’oncle
— Oui, mon oncle, tu as vu le sachet ?
— Ah, oui, le chauffeur m’a averti, c’est de l’huile d’olive ! Ne t’inquiète pas, je l’ai placé de telle sorte que le bidon ne se renverse pas… C’est une bonne idée de m’en avoir envoyé… Nous n’en avons plus… et l’huile qu’on vend ici est de mauvaise qualité !
— Mon oncle on t’en enverra quand tu en auras besoin !
— C’est loin, mon petit !
— Je la ramènerai moi-même, mon oncle !
— C’est gentil, mon petit… Tu sais, j’attends beaucoup de toi !
Omar se retourne vers lui.
— Tu peux tout me demander, mon oncle !
— Je te l’ai déjà dit, je compte sur toi pour aider Rafik dont le moral est au plus bas…
— Je serai avec lui, mon oncle…
– Tu sais, il est handicapé, il peut à peine se lever, mais il a gardé… comment dire… sa force d’adolescent… tu m’as compris, il est, comme les autres garçons, normal… Tu m’as compris ?
Omar, qui a compris, rougit.
— Je comprends, mon oncle
— Alors, je voudrais que tu sois un peu son confident, qu’il te confie ses sentiments… que tu l’aides…
— Oui, mon oncle
— Je vais entreprendre des travaux dans la maison… je vais engager des ouvriers, et comme je ne peux pas être sur place, je voudrais que tu me remplaces… Bien sûr, cela ne durera que quelques jours, puis tu pourras aller à la plage avec Rafik et Nadia…
— Oui, mon oncle
— Nadia et Zahra aussi, je les mets sous ta protection… tu seras un peu, en mon absence, l’homme de la maison !
— Oui, mon oncle. (à suivre…)
K. Y.
19 mars 2010 à 13 01 55 03553
Une date, un fait Edition du 18/7/2007
Au coin de la cheminée
Le maître voleur (4e partie)
Résumé de la 3e partie n Il faisait déjà sombre quand le voleur alla s’asseoir sur une borne, dans la cour et se mit à tousser comme une vieille femme bronchitique, tout en se frottant vigoureusement les mains comme quelqu’un qui a froid.
Devant la porte de l’écurie, les soldats d’une garde spéciale se réchauffaient autour d’un feu, et l’un d’eux, voyant la vieille, lui cria : «Approche-toi, grand-mère, viens te chauffer avec nous ! Tu ne sais pas où dormir, sans doute, et tu t’accommodes de ce que tu trouves, là où tu es.» La vieille trottina vers eux, les pria de l’aider à enlever sa hotte et s’assit près du feu.
— Qu’as-tu dans ton tonnelet, la vieille ? questionna l’un des hommes.
— Un fameux coup à boire, chevrota la vieille. Ce vin-là, c’est mon petit commerce ! Si vous le payez comptant et le demandez gentiment, je veux bien vous en offrir un verre. «Alors, vas-y !», fit le soldat. Et quand il eut goûté, il dit : «Un verre de plus, ce vin est bon !». Les autres suivirent son exemple avec le même enthousiasme, et l’un d’eux appela ceux qui étaient à l’intérieur de l’écurie : «Holà, camarades ! Nous avons ici une grand-mère avec un vin qui doit avoir le même âge qu’elle. Buvez-en aussi un coup, il vous réchauffera l’estomac bien mieux que le feu que nous avons là.» Prenant son tonnelet, la vieille clopina jusque dans l’écurie. Ils étaient trois : un sur la selle, un autre la main à la bride et le troisième cramponné à la queue du cheval favori. Elle leur versa à boire autant qu’ils en voulurent jusqu’à ce que la source fût tarie ; et peu après, la main qui les tenait lâcha les rênes et l’homme glissa à terre où il commença à ronfler ; le second abandonna la queue pour se coucher par terre et se mettre à ronfler encore plus fort, quant au troisième, sur la selle, il y resta bien assis, mais se pencha en avant, le menton dans la poitrine et la tête presque dans le cou du cheval, ronflant comme un soufflet de forge. Dehors, il y avait un bon moment que les autres dormaient, allongés autour du feu, immobiles comme des statues.
En voyant son succès, le maître voleur mit un bout de corde dans la main de celui qui tenait la bride, et un bouchon de paille dans les mains de celui qui tenait la queue du cheval. Mais que pouvait-il faire avec celui qui était sur le dos de la bête ? Il ne voulait pas le remettre par terre, parce qu’il risquait de se réveiller et de donner l’alarme en criant. La bonne idée lui vint bientôt : avisant quelques bonnes cordes suspendues au mur, il desserra la sangle de la ventrière, noua quatre bonnes cordes à la selle, lança les autres bouts par-dessus une solive et hissa le tout, selle et cavalier, pour les reposer doucement sur la grosse barre de séparation entre les stalles ; cela fait, il y fixa solidement la selle sur laquelle ronflait toujours le cavalier. (à suivre…)
19 mars 2010 à 13 01 56 03563
Une date, un fait Edition du 18/7/2007
Histoires vraies
Roudi et moi dans la même tombe (4e partie)
Résumé de la 3e partie n Joséphine écrit une lettre dans laquelle elle reconnaît avoir tué son fils. Elle se débarrasse aussi du couteau et de la bague de fiançailles de Roudi.
Neuf heures quarante-cinq. La voici qui monte de nouveau dans le train comme si elle voulait retourner chez elle.
A la même heure, au quatrième étage de la maison bourgeoise, un ami de Rodolph, venu le chercher pour l’aider dans ses préparatifs de mariage, après avoir longtemps sonné et frappé, s’étonne que personne ne lui réponde. La voisine du dessous, Mme Herbert, le rejoint quatre à quatre :
«C’est bizarre, dit-elle. Cette nuit j’ai été réveillée par un bruit. Mme Fischerbold m’a dit que son fils venait d’avoir un malaise. Pourvu que cela ne se soit pas aggravé.»
L’ami de Rodolph, inquiet, à tout hasard, essaie de jeter un œil par le trou de la serrure. Or, que voit-il par le trou de la serrure ? Exactement dans son champ visuel… Le corps de son ami qui semble dormir dans le couloir, allongé sous une couverture, la tête sur un coussin. Mais un rayon de lumière venu d’une fenêtre lointaine laisse deviner une énorme tache sombre autour de lui sur la moquette.
«Ma parole, c’est du sang !»
Dix heures. Profitant d’un arrêt dans une petite gare, Joséphine, apparemment décidée à se suicider, saute de son wagon, se rend au bout du quai, descend sur la voie et marche quelques instants entre les rails. Elle cherche un endroit propice, un virage par exemple, qui empêcherait le conducteur d’un train de la voir de loin, ou bien un arbre, un muret qui lui permettrait de se dissimuler pour se jeter sous la locomotive au dernier moment.
Mais dans les champs, de loin, des paysans l’observent, étonnés de voir une femme marcher ainsi sur la voie. Elle décide alors d’attendre qu’ils soient partis. Peut-être dans une heure ou deux iront-ils déjeuner. Elle a tout son temps.
Dix heures trente. Sous une pluie battante, Joséphine a gagné le centre de la petite ville pour entrer dans un café et attendre l’heure du déjeuner. Elle prend une tasse de thé et mange des gâteaux. De retour à la gare, une heure plus tard, elle consulte les horaires des chemins de fer. Un train est prévu pour dix heures cinquante. Quinze nouvelles minutes à passer dans la salle d’attente. Après quoi elle gagne l’extrémité du quai, descend sur la voie et marche au-devant du train.
Le voici qui apparaît, tout là-bas, très loin, minuscule. Le train approche tandis que Joséphine avance d’un pas égal, enjambant la pierraille de traverse en traverse.
Il n’y a plus de paysans dans les champs, mais un arbre à droite, et un peu plus loin un muret sur la gauche. Or, non seulement elle ne se dissimule pas, mais se fige bien visible au milieu de la voie lorsque le train n’est plus qu’à 200 mètres.
Après avoir fait hurler sa sirène, le conducteur actionne brutalement les freins, et dans un hurlement le lourd convoi s’arrête à quelques pas.
Dans le bureau du commissariat, un vieux policier bourru, ancien combattant qui doit à une grenade sa gueule de travers, voit s’asseoir devant lui le distingué expert en psychiatrie qui vient d’interroger la criminelle :
«Alors ?
Alors c’est une dépression, dit le psychiatre aux cheveux en brosse, essuyant ses lunettes. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
19 mars 2010 à 13 01 59 03593
Le journal des locales Edition du 19/7/2007
Mon beau pays
Sour El Ghozlane (VI)
Par M. A. Haddadou
Comme les Romains autrefois, les Français seront souvent attaqués par les tribus réfugiés dans les montagnes. En 1846, ils seront même obligés, pour protéger les colons qui s’y installaient, de construire autour de la ville une muraille de trois kilomètres de long et d’une hauteur variant de cinq à dix mètres, avec de nombreux bastions et des meurtrières. Peu avant l’insurrection de 1871, Cheikh El-Mokrani séjourne dans la ville où il gagne les notables à la cause nationale.
Le 16 mars 1871, l’insurrection commence avec l’attaque de bordj bou-Arréridj par el-Mokrani, puis le 18 celle de Bordj de l’oued Okriss par Boumezrag. Sour al-Ghozlane entre en révolte le 22 : les autorités coloniales doivent dépêcher d’Alger plusieurs escadrons pour reprendre la ville.
Après plusieurs mois d’émeutes une répression terrible s’abat sur les insurgés qui seront massacrés ou déportés. En représailles, les tribus en guerre sont soumises à de fortes amendes, spoliées de leurs terres et refoulées vers les zones les plus déshéritées. Les terres lors du séquestre seront distribuées aux colons européens, venus s’installer par milliers dans la région.
M. A. H.
19 mars 2010 à 14 02 00 03003
Le journal des locales Edition du 19/7/2007
Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (12e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 11e partie n La femme du chef des bédouins hilaliens, Cheikh Ghanem, vient d’avoir un garçon.
Le camp est en fête : le bruit court que c’est un enfant extraordinaire. Il semble fort et déjà, il manifeste des signes d’intelligence.
Cheikh Ghanem a fait égorger et mettre en broche plusieurs moutons, pour fêter l’événement.
«Ce sera un chef», ne cesse-t-il de répéter à ceux qui viennent le féliciter.
Le petit a déjà reçu son nom —Dhiyab— et tout le monde est persuadé qu’il sera promis à une grande destinée.
Des zénètes, ayant appris l’heureux événement, arrivent et demandent à voir leur neveu. L’enfant, s’il est hilalien, donc Arabe, appartient également, par sa mère, aux zénètes, les Berbères.
Cependant, alors que la fête bat son plein, une ombre se glisse dans la nuit. C’est la rebouteuse qui a assisté la Zénète et qui revient, serrant un paquet dans son sein ; en fait, le paquet est un nourrisson, et elle vient l’échanger contre le nouveau-né. La parturiente, épuisée, dort. Elle ne s’aperçoit donc pas de la substitution qui s’opère. La femme ressort de la tente et va trouver un cavalier, qui attend dans l’ombre. Elle lui donne l’enfant et lui dit :
«Va, emmène-le au village !»
La nuit passe et, le lendemain, au matin, l’accouchée se lève et donne le sein au bébé. Elle ne s’aperçoit pas de la substitution ! Le père, également, quand il vient voir son fils, n’y voit que du feu. Il faut dire que les nourrissons, à la naissance, se ressemblent beaucoup et que si on n’a pas pris le temps de bien regarder un enfant, on ne parvient pas à le distinguer d’un autre ou alors, il faudrait qu’il ait une marque caractéristique pour établir la différence. Malheureusement, Dhiyab n’avait aucune marque : ni tache d’envie, ni proéminence, ni grain de beauté !Personne ne s’aperçoit donc, sur le moment de la substitution. Les jours, puis les semaines et les mois passent. Le jeune enfant grandit en force et en beauté. Son père, qui le voit tous les jours, commence à lui trouver un air bizarre ;
— il n’est pas aussi vif qu’il devrait l’être, dit-il à sa mère.
— c’est un garçon intelligent, répond la Zénète.
— Mais il n’a pas la vivacité des nomades, répète Cheikh Ghanem.
Un jour, il le trouve assis au milieu d’une flaque d’eau et le voit en train de façonner des objets avec de la terre glaise.
— Mais c’est une charrue et un socle que tu as fait là ! s’exclame-t-il.
Un fils de nomade devrait plutôt faire des chevaux ou du moins des moutons, les charrues et les socs sont pour les enfants de laboureurs, les sédentaires ! «Ce garçon n’est pas le mien !», se dit Cheikh Ghanem.
Il n’ignore pas cette coutume d’échanger en secret des enfants, et sans tarder, il va trouver un ‘ârif de la tribu, c’est-à-dire une sorte de devin qui sait justement établir la paternité et retrouver les gens perdus (à suivre…)
K. N.
19 mars 2010 à 14 02 00 03003
Une date, un fait Edition du 19/7/2007
Ainsi va la vie
Premiers émois (12e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 11e partie n Omar est mis à l’aise par son oncle qui attend de lui beaucoup.
La voiture s’arrête devant une luxueuse demeure, entouré d’un mur peint en blanc. L’oncle Tahar sort une clé de sa poche, appuie dessus et une porte en fer s’ouvre : c’est le garage. L’oncle fait entrer la voiture.
— Voilà, dit-il, nous sommes arrivés !
Il l’aide à sortir ses bagages de la malle, puis ils sortent du garage.
— Voilà le jardin, dit l’oncle
Omar est émerveillé par les allées bien taillées et les massifs de fleurs.
— Comme c’est beau, dit-il
— ça te plaît ? dit l’oncle
— Oh, oui…
— C’est vrai, tu n’es jamais venu ici…
Il l’invite à entrer dans la maison ;
— Eh, dit l’oncle, il n’y a personne ?
Omar, occupé à regarder autour de lui, n’entend pas le bruit de pas.
— Mais c’est le petit Omar… Ah, comme il a grandi !
Il reconnaît à peine, dans la belle dame qui lui parle, la femme de son oncle, Zahra. Il va vers elle et l’embrasse ;
— Comment vont ton père, ta mère et toute la famille,
— Tout le monde va bien ma tante, tout le monde vous embrasse…
— Cela fait longtemps que nous nous sommes vus… Ce n’est pas l’envie d’aller faire un tour au pays qui manque, mais on ne peut pas déplacer Rafik… et on ne peut plus le laisser, non plus…
— Et Rafik, comment va-t-il ?
— Il est dans sa chambre… Depuis qu’il a appris que tu viens, il ne tient pas en place !
— Eh bien, dit Tahar, conduis-le dans sa chambre !
— Il n’est pas trop fatigué ? (à Omar) tu veux peut-être aller d’abord dans ta chambre, te rafraîchir…
— Non, non, dit Omar, je veux voir Rafik…
Il monte à l’étage, derrière Zahra. Quelle belle maison, se dit-il, c’est encore plus luxueux que dans les feuilletons télévisés… Et surtout, quelle propreté !
Zahra pousse une porte ;
— Rafik, je t’emmène Omar !
Rafik, un pauvre petit corps, recroquevillé dans son lit, des magazines épars autour de lui, lève son visage amaigri. Omar reconnaît à peine le garçon qu’il a connu il y a quelques années.
— Rafik, mon cousin !
Il va vers lui et l’embrasse affectueusement. Zahra, elle, ferme la porte, laissant les deux garçons seuls. (à suivre…)
K. Y.
19 mars 2010 à 14 02 01 03013
Une date, un fait Edition du 19/7/2007
Au coin de la cheminée
Le maître voleur (5e partie)
Résumé de la 4e partie n Astucieux, le maître voleur arriva à neutraliser tous les soldats en les enivrant. Restait le dernier, celui qui était sur le dos de la bête. Il le prit et l’attacha sur la grosse barre de séparation entre les stalles.
Détacher le cheval, ensuite, ne lui demanda qu’un instant ; mais s’il l’avait enfourché pour traverser la cour et son dallage, le galop aurait été entendu du château. Alors il enveloppa soigneusement de chiffons les sabots du cheval, le mena prudemment à la main jusqu’à la porte extérieure, et une fois là, sauta en selle et partit au triple galop. Enfourchant ce cheval, le maître voleur s’en revint au château après le lever du jour. Le comte sortait du lit et s’était mis à la fenêtre.
— Bonjour, monsieur le comte, lui cria-t-il, je vous ramène votre cheval, que j’ai eu le bonheur de sortir de son écurie. Vous pouvez voir vous-même comme vos soldats sont gentiment allongés et comme ils dorment bien ! Si vous voulez vous en donner la peine, venez constater à l’écurie le doux confort que se sont donné vos gardiens. Le comte ne put s’empêcher de rire à ces mots
— Bon, dit-il, le premier coup tu l’as réussi ; mais ta seconde opération est loin d’être aussi facile ! Et je t’avertis : si je te rencontre comme un voleur, c’est en voleur que je te traiterai. Le soir, quand la comtesse alla se coucher, elle serra bien sa main sur l’anneau de mariage, cependant que le comte disait : «Toutes les portes sont fermées et verrouillées, mais je reste éveillé pour attendre le voleur ; si jamais il veut entrer en passant par la fenêtre, je tire et je l’abats.» Le maître voleur, de son côté, était allé au gibet couper la corde d’un pendu, qu’il chargea sur son dos jusqu’au château. Arrivé là, il plaça une échelle sous la fenêtre de la chambre à coucher, reprit le mort sur ses épaules et grimpa, en prenant soin de s’arrêter dès que la tête du mort fut au niveau de la fenêtre. Le comte, qui veillait dans son lit, braqua son pistolet et fit feu dès qu’il vit la tête apparaître, sur quoi le maître voleur laissa tomber son mort du haut de l’échelle, redescendit et courut lui-même se cacher dans un coin. La nuit était assez claire, grâce à la lune, pour que le maître voleur, de sa cachette, pût voir le comte enjamber le rebord de sa fenêtre, puis descendre par l’échelle, traîner le mort jusque dans le jardin où il se mit à creuser une fosse pour l’y enterrer.
«C’est le moment !», se dit le maître voleur qui se glissa sans un bruit jusqu’à l’échelle et monta rapidement à la hauteur de la fenêtre, toujours ouverte. (à suivre…)
19 mars 2010 à 14 02 01 03013
Une date, un fait Edition du 19/7/2007
Histoires vraies
Roudi et moi dans la même tombe (5e partie et fin)
Résumé de la 4e partie n Joséphine tente de se suicider en se mettant sur la voie ferrée. Le train freine à quelques mètres d’elle.…
Une dépression ? Dites plutôt que c’est une folle !
Elle a en effet le comportement d’une folle, admet le psychiatre. Etre fou, c’est avoir un comportement anormal. Si je suis là, c’est pour expliquer pourquoi, comment elle en est arrivée à ce comportement que vous appelez : la folie… Je vous en parIe ou je me contente de faire un rapport au Parquet ?
— Allez-y, grogne le vieux policier, je vous écoute.
— Eh bien, Mme Fischerbold a été poussée à l’assassinat par un complexe mère-fils maladif. Celui-ci s’est aggravé après la mort de son mari, pour prendre de monstrueuses proportions lorsqu’elle a su qu’elle allait perdre Rodolph à cause de ce mariage. La psychose dépressive, d’abord lente, est devenue une force capable de faire exploser sa personnalité.
— Je veux bien, mais de là à tuer son fils…
— Ce n’est pas tellement étrange, monsieur le commissaire, cela peut arriver à bien des gens, n’importe quand, n’importe où. L’assassinat a été préparé soigneusement et n’a donc pas eu lieu dans un instant de colère : ce n’est pas un crime passionnel. Le but d’une personne dépressive, son objectif essentiel, c’est de se nuire, de se démolir, de se détruire. Et tout ce qui lui barre le chemin, tout ce qui l’empêche d’atteindre ce but doit être écarté, anéanti, quoi que ce soit ou qui que ce soit. Dans le cas de cette femme, la dépression est tellement forte qu’elle a éteint l’amour très réel qu’elle portait à son fils. Son fils vivant, elle ne pouvait pas se suicider, alors elle l’a tué.
— Moi je veux bien, grogne encore le commissaire, mais comment expliquez-vous le cynisme avec lequel elle vient de m’avouer son crime ?
— Ce n’est pas du cynisme, monsieur le commissaire, mais une sorte de sérénité. Elle m’a dit : «A présent, je suis contente de ne pas m’être suicidée. Maintenant, je peux expier. Je veux expier.» La mort du fils a supprimé le complexe, donc supprimé l’intention de se suicider. Les onze mille marks qu’on a trouvés sur elle démontrent que, consciemment ou non, elle ne comptait plus se suicider. Elle m’a expliqué : «Je les ai mis sans réfléchir dans mon sac.»
Un petit détail : l’église catholique refusera à Rodolph un enterrement religieux, le considérant comme excommunié. Explication : il avait l’intention d’épouser Ingrid dans une église protestante.
Les conventions et les explications à propos de tout, et son tout, finiront-elles par rendre fous jusqu’à ceux qui les créent et les recherchent ?
D’après Pierre Bellemare
19 mars 2010 à 14 02 03 03033
Le journal des locales Edition du 21/7/2007
Mon beau pays
Sour El Ghozlane (VII)
Par M. A. Haddadou
Le nom antique, Auzia, est berbère. C’est le nom d’une divinité locale, un de ces dii mauri, évoqué par une inscription retrouvée près du fort turc de Bordj Hamza (Bouira) et datant de 225 : Avsio DEO GENIO ET CONSERVATORI COL, dédicace au dieu et génie protecteur de la colonie…. D’autres dieux étaient vénérés à Auzia, comme Saturne ou Célestis (en fait la déesse carthaginoise Tanit) mais c’est Auzio qui était le dieu principal. Son nom est à rapprocher d’un verbe berbère, awes attesté dans quelques dialectes, avec le sens d’aider : awes (touareg), aws, as (chleuh), awwac (zénaga), verbe qui a fourni, dans beaucoup de dialectes le nom du travail communautaire, de la corvée collective : twizet (Ouargli), tiwizi (Maroc central, kabyle, chaoui, etc.). Le dieu Auzio était le dieu dont on implorait le secours, à l’image des saints maghrébins appelés aujourd’hui al-ghut, «le grand secours, l’aide». Le nom actuel provient de l’arabe et signifie «le mur aux gazelles». Des légendes parlent aussi d’un personnage fabuleux appelé Ghozlan. Durant la période coloniale, la ville avait pris le nom de son conquérant, le duc d’Aumale.
M. A. H
19 mars 2010 à 14 02 03 03033
Le journal des locales Edition du 21/7/2007
Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (13e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 12e partie n Le fils du chef des Banû Hilal a été échangé à la naissance. Son père, qui s’en est rendu compte, veut le récupérer.
Quelques jours après, profitant d’une invitation de ses beaux-parents qui fêtaient un heureux événement, Cheikh Ghanem se rend dans le camp des Zénata. Il a pris soin de se faire accompagner du ârif, le devin, qu’il fait passer pour un serviteur.
Après le repas, Cheikh Ghanem se promène dans le camp. Il aperçoit des enfants en train de jouer et s’approche d’eux. Un des enfants, de l’âge de son fils, attire aussitôt son regard : il a le teint halé des hommes du désert alors que les autres enfants ont le teint pâle des enfants de sédentaires. De plus, cet enfant paraît très fort et c’est avec une certaine violence qu’il traite ses camarades de jeu. Le cheikh l’appelle.
— Dis-moi comment tu t’appelles ?
L’enfant lui dit son nom, un nom évidemment zénète.
— Comment s’appellent tes parents ?
Il lui donne le nom de ses parents. Puis le cheikh lui demande s’il possède des jouets.
— Oui, dit l’enfant, fièrement.
— Tu peux me les montrer ? demande encore Cheikh Ghanem
L’enfant va chercher ses jouets, des chevaux sculptés dans du bois et une épée également en bois.
— C’est ton père qui les a faits pour toi ?
— Non, dit l’enfant fièrement, c’est moi qui les ai sculptés !
Il montre d’un doigt méprisant ses compagnons de jeu :
— Eux ne savent faire que des charrues et des bœufs !
— Et cette épée ?
— C’est moi qui l’ai faite également. Un jour, je serai un grand guerrier, un cavalier !
— Mais tes parents sont laboureurs !
— Et moi, je te le dis, je veux être un guerrier !
Cheikh Ghanem se penche vers le ‘ârif, qui a écouté en silence la conversation.
— Qu’en penses-tu ? lui demande-t-il
— Je pense que ce garçon est ton véritable fils !
Cheikh Ghanem le croit aussi mais il veut que cela soit confirmé par la sage-femme qui a assisté sa femme quand elle a accouché. Il lui place le sabre sur le cou et menace de la tuer si elle ne dit pas la vérité.
— C’est vrai, dit-elle, j’ai fait enlever ton fils et mis un Zénète à sa place !
— Je veux que tu répètes ce que tu as dit devant Ben Ali Chérif, le chef de ta tribu.
Elle le répète et Ben Ali Chérif dit à son gendre.
— Ne blâme pas cette femme, ce genre d’enlèvement se fait fréquemment !
— Mais moi, je veux récupérer mon fils !
Tu peux le prendre et nous renvoyer l’autre garçon…
Et d’ajouter :
— Ce n’est pas une mauvaise chose que ce garçon s’en aille… il est violent et querelleur, il a certainement hérité ce caractère de ses ancêtres ! (à suivre…)
K. N
19 mars 2010 à 14 02 04 03043
Une date, un fait Edition du 21/7/2007
Ainsi va la vie
Premiers émois (13e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 12e partie n A peine arrivé dans la maison de son oncle, Omar va voir son cousin Rafik, un handicapé de son âge.
Rafik le regarde, admiratif :
— Comme tu as grandi ! il est vrai que nous ne nous sommes pas vus depuis plusieurs années !
— Toi aussi, tu as grandi, dit Omar.
Le jeune garçon se renfrogne.
— tu crois ?
— ah oui, dit Omar, je me rappelle la dernière fois que je t’ai vu…
— la dernière fois que tu m’as vu, j’allais à l’école, je marchais également… C’est vrai, je boitais, je m’aidais d’une canne mais je marchais !
Omar le regarde, ému.
— Je t’assure que tu es bien…
— Bien ? dit Rafik. C’est à peine si je peux aller aux toilettes, je m’aide de deux béquilles…
— L’essentiel est que tu te mettes debout !
Rafik soupire.
— jusqu’à quand ?
— allons, ne perds pas espoir… tu guériras un jour !
— ma maladie est évolutive, tout ce que l’on peut faire, c’est la ralentir… Mais la guérir jamais…
— la recherche scientifique avance à pas de géant… qui sait, demain on pourra trouver un remède et te guérir !
Omar lui tapote la joue.
— tu veux bien le croire, cousin ?
— si cela te fait plaisir, cousin !
— Cela me fait plaisir… Je veux passer les vacances avec toi… Je suis sûr que tu m’apprendras beaucoup de
choses !
— Tu crois ? dit Rafik, en souriant.
— Oui, oncle Tahar m’a dit que tu lis beaucoup. Il parle de toi comme d’un savant !
— papa exagère !
— je suis sûr que non…
Omar jette un coup d’œil autour de lui. Il remarque des étagères pleines de livres. Il lit les titres.
— tu t’intéresses à tous ces sujets ? demande-t-il, admiratif.
— Oui, dit Rafik.
— tu sais, il y a des titres que je ne comprends pas…
— je t’expliquerai !
— Je compte bien sur
toi ! tu sais, en dehors des ouvrages scolaires, je n’ai rien lu du tout !
— même pas un roman ? s’étonne Rafik.
— non… Mais je regarde les feuilletons télévisés où on parle beaucoup d’amour !
Rafik éclate de rire. Omar, amusé, rit aussi. (à suivre…)
K. Y.
19 mars 2010 à 14 02 05 03053
Une date, un fait Edition du 21/7/2007
Au coin de la cheminée
Le maître voleur (6e partie)
Résumé de la 5e partie n Pendant que le comte enterrait le cadavre de l’un des hommes pendus, le prenant pour celui du maître voleur, ce dernier pénétrait dans la chambre de la comtesse en enjambant la fenêtre.
Ma chère femme, dit-il en imitant la voix du comte, le voleur est mort ! Mais c’était mon filleul néanmoins ; ce n’était pas un mauvais bougre, au fond : il avait plutôt le goût de l’aventure que celui du Mal. Je ne veux pas le livrer à la honte publique. Et puis, je pense aussi à ses malheureux parents qui me font pitié. Je vais donc l’enterrer moi-même dans notre jardin, avant le jour, et éviter ainsi que l’histoire se répande au-dehors. Il me faut aussi le drap de lit pour lui servir de linceul : je ne peux tout de même pas l’enterrer comme un chien ! Donne-le-moi… Et puis tiens ! Ajouta-t-il en contrefaisant toujours le comte, il faut suivre ses élans de générosité : donne-moi également ton anneau. Puisque le malheureux a risqué sa vie pour l’avoir, je vais le lui laisser dans sa tombe. La comtesse ne voulait pas contrarier son époux, et bien qu’elle ne le fît pas de bon cœur, elle retira néanmoins l’alliance de son doigt et la lui tendit, après lui avoir remis le drap du lit. Le voleur les emporta et arriva sans encombre chez lui avant que le comte n’eut fini son travail de fossoyeur dans le jardin. Le lendemain, quand le maître voleur lui rapporta la bague et le drap, le comte avait plutôt l’air déconfit en le voyant.
— Es-tu sorcier ? Questionna-t-il. Qui t’a ressuscité et sorti de la tombe, dans laquelle je t’ai couché de mes propres mains ?
— Ce n’est pas moi que vous avez enterré, lui apprit le voleur, mais un pauvre pendu qui se balançait à la potence. Lorsqu’il lui eut raconté toute l’histoire, le comte reprit confiance et lui dit :
— Je reconnais que tu es un voleur habile et intelligent, mais tu n’es pas au bout de tes peines. Il te reste la troisième épreuve à réussir, et si tu n’y parviens pas, rien au monde ne pourra te sauver !
Le maître voleur se contenta de sourire et ne répondit point. La nuit venue, il se rendit à l’église du village avec un grand sac sur le dos, un baluchon sous le bras et une lanterne à la main. Dans le grand sac, il avait des écrevisses et dans le baluchon, de petits cierges très courts. Il alla s’asseoir dans le cimetière, sortit une écrevisse de son sac, lui colla avec un peu de cire fondue un petit cierge allumé sur le dos, puis la laissa aller à sa guise. Il tira de son sac une seconde écrevisse et fit la même chose, puis une troisième, une quatrième et ainsi de suite jusqu’à la dernière écrevisse du sac. Cela fait, il enfila une longue robe noire qui ressemblait à un froc de moine et se mit au menton une longue barbe grise. (à suivre…)
19 mars 2010 à 14 02 05 03053
Une date, un fait Edition du 21/7/2007
Histoires vraies
Le scoop (1re partie)
Didier Demangeon est assis devant sa machine à écrire. Une magnifique page blanche est engagée dans le chariot de la machine. Au-dehors, une petite pluie fine tombe sur Le Havre. Un temps à vous flanquer le cafard. Le téléphone sonne. Didier laisse la sonnerie envahir l’appartement. Il n’est pas pressé de répondre car il sait déjà qui l’appelle et pourquoi. Enfin, il décroche le combiné : — Demangeon, j’écoute…
— Ah, c’est toi, Didier ? Ici Nathalie… Tu devines pourquoi je t’appelle ?
— Oui je sais : le père Raguet s’impatiente et attend ma copie. Eh bien je suis désolé, mais je n’ai rien à lui fournir. J’ai beau attendre à l’arrivée de tous les bateaux, pas le moindre écho qui justifie que je noircisse des pages.
— Ecoute, il faut que tu nous envoies cent lignes au moins. On boucle demain soir. Trouve n’importe quoi mais écris quelque chose d’intéressant. Raguet est furieux et tu risques de te faire vider si tu ne ponds rien.
— Il est marrant, Raguet. Je ne vais pas inventer n’importe quoi ! En ce moment, c’est le calme plat. Rien de rien. Pas d’assassinat, pas de vol, pas de vedette. Il pleut, un point c’est tout.
— Débrouille-toi. Je suis certaine que tu vas nous téléphoner un truc sensationnel. Voilà Raguet qui arrive, je raccroche, bises.
Demangeon repose le combiné :
— Il commence à me les briser, le père Raguet. Quand il ne se passe rien, il ne se passe rien.
Le journaliste enfile son imperméable, met son feutre un peu en arrière et sort à la recherche de «sensationnel». Mais quand, deux heures plus tard, il revient chez lui, la situation n’a pas évolué d’un centimètre. Calme plat sur toute la ligne. Et, à Paris, le père Raguet, le rédacteur en chef attend toujours ses cent lignes de sensationnel. La carrière de Didier Demangeon risque d’être très compromise.
Bon, tu veux de la copie. Eh bien, tu vas en avoir. Aux petits oignons. Allons-y, mon vieux Raguet !
Didier se met devant sa machine et commence à taper, avec deux doigts, comme tout bon journaliste qui se respecte :
«Le Havre, 15 mars 1937. De notre correspondant Didier Demangeon. A l’arrivée du «Ville du Havre» ce matin, deux passagers ont débarqué, arrivant tout droit du Canada. Nous les avons rencontrés au bar du Sélect et l’histoire qu’ils nous ont racontée prouve que l’aventure est encore possible en plein XXe siècle. Nos deux voyageurs nous ont demandé de respecter leur anonymat. Mais laissons-leur la parole…»
Demangeon, maintenant, accélère le rythme. La petite sonnerie qui marque le retour du chariot trouble seule le silence de la chambre. Quand Demangeon a terminé ses cent lignes, il relit sa «copie», corrige une ou deux formules. Supprime une répétition et estime qu’il est temps de transmettre par téléphone son article «sensationnel» à la direction de l’hebdomadaire et au père Raguet qui l’attendent à Paris :
— Ah ! tu veux du sensationnel. Je vais t’en faire, du sensationnel !
L’article sort dans le numéro suivant. Dans la rubrique «Ce monde est incroyable». Pas un mot n’y a été changé. Raguet, le rédacteur en chef, téléphone à Demangeon pour lui dire :
— Superbe, cette histoire des chercheurs d’or. Vous voyez, mon petit Demangeon : il suffit de s’accrocher et on trouve toujours de quoi faire de la bonne copie. Il faut me suivre cette affaire. ?a me semble passionnant.
Demangeon répond :
— Oui, patron. Je vais essayer d’en savoir davantage. Je vous tiens au courant. (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
19 mars 2010 à 14 02 09 03093
Le journal des locales Edition du 22/7/2007
Mon beau pays
Tigzirt (I)
Par M. A. Haddadou
Tigzirt est une station balnéaire et un petit port de pêche de la Kabylie maritime, situé à 125 km à l’est d’Alger. Le site a été occupé depuis la préhistoire et, aux temps historiques, les Phéniciens y ont établi un comptoir dont les traces ont été retrouvées. Mais ce sont les Romains qui ont marqué de leurs empreintes la région, avec des ruines importantes. On ignore si la ville romaine a succédé au comptoir phénicien ou à une agglomération berbère, le site ayant été entièrement occupé. On sait que les Romains, qui n’ont pu pénétrer la montagne kabyle, le Djurdjura dénommé pour cela Mons Ferratus, la Montagne de Fer, ont édifié tout au long de la côte, des établissements militaires devenus par la suite des villes, pour surveiller l’arrière-pays : Rusuccuru (Dellys), Ruzurus (Azeffoun), Saldae (Béjaïa) sur la côte, et, plus à l’intérieur, Bida Municipum (Djemaâ Saharidj) et Tubuscum Oppidum (Tiklat). Aux origines, la ville, l’établissement romain de Tigzirt, Omnium, n’était constitué que d’un casernement et d’un port. Fondé vers 145 après J.-C. : des extensions ont été apportées par la suite au camp mais c’est au IIIe siècle, sous le règne de l’empereur Septime Sévère, qui était d’origine africaine, que la ville va s’agrandir et s’embellir de plusieurs monuments dont le temple dédié au génie du municipe de Rusuccuru et qui est assez bien conservé.
M. A. H.
19 mars 2010 à 14 02 09 03093
Le journal des locales Edition du 22/7/2007
Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (14e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 13e partie n Cheikh Ghanem réussit à récupérer son fils enlevé à la naissance par ses oncles maternels.
Le cheikh, amusé, suit la bataille engagée entre les enfants. Ils sont tous armés d’épées en bois et s’envoient des coups, se font des croche-pieds, tombent l’un sur l’autre. L’un d’eux – le garçon récupéré chez les Zénètes — semble le plus excité de tous, et, apparemment, il a le dessus sur ses compagnons.
Le cheikh, sans hésiter, va dans sa tente et appelle sa femme.
— Viens, lui dit-il, sors un instant.
La Zénète obéit. Son époux la conduit jusqu’aux enfants et lui montre le groupe.
— Vois, lui dit-il.
A ce moment-là, son fils, qui a réussi à terrasser tous ses compagnons, brandit son épée.
— Pitié ! crient les vaincus sur un ton pathétique
— Il n’y a pas de pitié, dit l’enfant !
Et il fait semblant de transpercer ses compagnons, puis, il les aide à se relever et leur dit :
— Peuh ! Vous êtes de piètres guerriers !
Cheikh Ghanem hoche la tête.
— Et toi, dit-il au jeune garçon, toi qui as vécu parmi les laboureurs, tu te crois un bon guerrier ?
— Je le serai, répond fièrement le garçonnet.
— En attendant, tu ferais mieux de ne pas déchirer tes vêtements…
— J’ai donné des coups et j’en ai reçus !
Il montre ses bras et ses jambes en sang.
— Tu n’as pas mal ?
s’inquiète sa mère
— Même quand ils ont mal, dit le garçonnet, les hommes ne se plaignent pas !
Et il va, avec ses compagnons, jouer ailleurs.
— Ça, c’est mon sang, dit Cheikh Ghanem ! Un véritable Banû Hilal, qui saura défendre les siens contre les Zénètes !
— N’oublie pas que les Zénètes sont ses oncles, dit la jeune femme. Il a autant hérité de ton caractère et de ceux de ta race que de mon caractère et de ceux de ma race !
— Quoi qu’on en dise, ce sera un Banû Hilal ! Les poètes chanteront ses exploits et les générations futures se rappelleront toujours Dhiyab le Hilalien !
Le cheikh a vu juste : son fils, Dhiyab, est effectivement de l’étoffe dont on fait des héros. A peine âgé d’une dizaine d’années, dit la légende, il monte à cheval et s’essaye, à la course, avec les jeunes de la tribu. A douze ans, il participe aux campagnes de son père et aux razzias.
— Cet enfant est exceptionnel, dit le cheikh à sa femme.
— Tu sais qu’il commence à faire la cour aux filles ?
— Ah bon ? dit le cheikh.
— Je devrais dire à une fille : la fille de ton frère, Djazia
Le cheikh sourit.
— C’est une jolie fille, mais je pense qu’il aura beaucoup de rivaux… Et puis, Djazia est comme lui : elle a beaucoup de caractère…
— Tu veux dire que c’est une fille très maligne ! (à suivre…)
K. N.
19 mars 2010 à 14 02 13 03133
Une date, un fait Edition du 22/7/2007
Ainsi va la vie
Premiers émois (14e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 13e partie n Omar retrouve son cousin handicapé qui a perdu de sa mobilité, mais Omar sait trouver les mots qui rendent l’espoir.
La porte de la chambre s’ouvre. C’est la tante Zahra.
— Omar, dit-elle, tu dois descendre dîner !
— Va, dit Rafik, c’est l’heure du dîner…
Ces propos étonnent Omar.
— Et toi, dit-il, tu ne vas pas dîner ?
— Je prendrai quelque chose ici, dit-il.
Zahra soupire :
— Voilà bien longtemps que Rafik ne dîne plus… il n’a plus d’appétit ! du moins, il le dit…
Omar se penche vers son cousin.
— C’est vrai que tu as perdu l’appétit ?
Rafik ne répond pas, il se contente de hausser les épaules. Sa mère, profite de la présence de Omar, pour faire ses doléances :
— Non seulement il ne mange presque plus rien, mais aussi il refuse de sortir, de discuter avec nous… il est tout le temps enfermé dans cette chambre !
Rafik hausse de nouveau les épaules.
— Qu’irai-je faire dehors… tu sais bien que je ne peux pas marcher !
— Tu sortirais au jardin, ce serait déjà bien….
— Je suis bien dans ma chambre !
— Non, dit Omar, tu dois sortir… et ce soir, je veux que tu descendes dîner avec moi !
— Je n’en ai pas envie, dit Rafik.
— Je suis ton hôte, dit Omar.
— Tu dîneras avec papa, maman et Nadia…
— Je veux aussi que tu sois avec moi !
Zahra encourage Omar du regard. Comme elle voudrait que son fils quitte cette chambre et dîne avec la famille.
Comme Rafik ne se décide pas, Omar décide de frapper un coup plus fort.
— Si tu ne descends pas dîner, eh bien, je ne dînerai pas non plus !
— Mais toi tu peux manger, dit Rafik, irrité.
— Toi aussi tu peux manger, dit Omar, seulement tu refuses !
— Tu n’as pas à m’imiter, dit Rafik.
– Alors, viens dîner avec moi, nous serons tous ensemble, en famille !
Rafik grommelle quelque chose, mais finit par se lever.
— Passe-moi mes béquilles, dit-il.
Omar regarde, triomphant, la tante Zahra, la pauvre femme, qui lui envoie un baiser de la main.
— J’accepte cette fois-ci, dit Rafik, de mauvaise humeur mais la prochaine fois…
— Ne pense pas à la prochaine fois, dit Omar.
Il lui passe ses béquilles et l’aide à se lever.
— C’est ton oncle qui sera content, souffle Zahra à Omar. (à suivre…)
K. Y
19 mars 2010 à 14 02 14 03143
Une date, un fait Edition du 22/7/2007
Au coin de la cheminée
Le maître voleur (7e partie)
Résumé de la 6e partie n Le maître voleur alla s’asseoir dans le cimetière et colla avec un peu de cire fondue un petit cierge allumé sur le dos de chaque écrevisse sortie de son sac et les laissa partir. Auparavant, il s’était déguisé.
Méconnaissable après cette transformation, il reprit son grand sac, vide à présent, entra dans l’église et monta en chaire. L’horloge de la tour égrenait justement les douze coups de minuit, et dès que la vibration du dernier coup se fut éteinte, le nocturne prêcheur se mit à prêcher d’une voix retentissante :
— Ecoutez et entendez, hommes de péché, voici venue la fin de toutes choses, le Jour du Jugement arrive ! Ecoutez ! Entendez ! Qui veut aller au ciel avec moi doit se glisser dans mon sac. Je suis saint Pierre, celui qui ouvre et qui ferme les célestes portes. Voyez dehors, au cimetière, les morts qui se sont levés et qui cherchent à rassembler leurs ossements ! Les âmes cherchent leurs corps pour la Résurrection ! Venez ! Venez ! Entrez dans le sac. C’est la fin du monde ! C’est la fin ! La clameur de cette voix retentit d’un bout à l’autre du village, mais les premiers à l’entendre furent pourtant le curé et son sacristain qui habitaient tout près de l’église. En voyant les petites lumières qui semblaient flotter partout dans le cimetière, ils avaient déjà compris qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire et ils s’étaient précipités à l’église. Là, ils avaient écouté l’étonnante prédication en gardant le silence, puis le sacristain poussa le curé du coude pour lui confier : «Ce ne serait pas mal, qu’en dites-vous, de profiter de l’occasion et d’arriver tous deux au ciel, aussi facilement, avant l’heure du Jugement ?» Le curé répondit : «Assurément ! C’était ce que j’étais en train de me dire. Si vous le voulez bien, nous allons nous mettre en chemin tout de suite.» Le sacristain approuva aussitôt, non sans laisser la première place au curé, en lui disant : «Vous d’abord, monsieur le curé, je vous suis !» Le curé monta donc le premier et se fourra dans le sac, immédiatement suivi du sacristain. (à suivre…)
19 mars 2010 à 14 02 14 03143
Une date, un fait Edition du 22/7/2007
Histoires vraies
Le scoop (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Pour satisfaire son patron, Demangeon imagine une situation et fait un article. Ruguet demande à son journaliste de suivre l’affaire…
Elle est bien bonne celle-là. Demangeon a strictement tout inventé : dans son histoire, deux jeunes chercheurs d’or reviennent du Canada. Là-bas, dans les profondeurs glacées du Yukon, ils ont, un jour, découvert un squelette au pied d’une falaise. Auprès du squelette quelques objets. Au doigt du squelette, une chevalière. Les deux explorateurs ont réussi à se hisser jusqu’en haut de la falaise et, après quelques kilomètres dans la neige, ils ont trouvé une cabane abandonnée.
Cette cabane devait être le camp de base du malheureux dont ils ont découvert les restes. Dans la cabane, des sacs de quartz aurifère indiquent que le disparu était un chercheur d’or. Les deux garçons réalisent qu’ils sont au centre d’un «placer». Ils se rendent à Whitehorse, la ville la plus proche, et se renseignent. On leur dit que personne n’a déposé de demande pour une concession concernant ce territoire. lIs remettent au shérif la chevalière trouvée sur le squelette et ils en profitent pour faire une demande de concession en leur nom propre. Aujourd’hui, après deux ans d’exploitation, ils reviennent en France, histoire de se refaire une santé…
Demangeon peut être content de lui. Il vient d’inventer une histoire digne des meilleurs romans-feuilletons. De toute manière, dans deux jours, les lecteurs auront tout oublié et personne n’y pensera plus.
C’est là que Demangeon se trompe lourdement…
Deux mois plus tard, le téléphone sonne chez Demangeon :
Allô, c’est vous, mon petit Didier ? Ici Raguet. Dites donc, il y a du nouveau pour votre histoire. Nous venons de recevoir une lettre d’une certaine Mathilde de Ferrière. Elle a lu votre reportage et elle est persuadée que les deux prospecteurs que vous avez rencontrés ont découvert le squelette de son frère. Il est parti il y a cinq ans dans le Yukon pour y chercher de l’or et il n’a plus jamais donné de nouvelles. Il faudrait demander au shérif de Whitehorse la description de la chevalière. Cela permettrait d’identifier le squelette. Il s’agit, d’après elle, de son frère Thibault de Ferrière.
Demangeon ne sait trop que répondre :
— Ah, ça, c’est formidable ! Oui, ça serait bien si c’était son frère. Enfin je veux dire… ça serait triste. Mais intéressant. C’est fou que cette histoire ait un tel rebondissement !
Pour être fou, on peut dire que ça l’est. Comment cette Mlle de Ferrière a-t-elle pu croire suffisamment au «roman» inventé par Demangeon pour y reconnaître son frère ? Demangeon est un peu inquiet. Mais, après tout, que risque-t-il ? On va contacter le shérif de Whitehorse. Il répondra Dieu sait dans combien de temps, qu’il n’a aucune trace de chevalière ni de squelette découvert au pied d’une falaise. Et puis tout retombera dans l’oubli. Il y aura mille raisons plausibles pour expliquer qu’on n’aboutisse à rien.
Les semaines passent et Didier Demangeon continue son dur métier de «correspondant exclusif». Dieu merci, il parvient toujours à fournir de la copie au père Raguet, mais, il faut bien l’avouer, rien n’est aussi excitant que l’aventure du squelette et des chercheurs d’or…
Demangeon sommeille encore quand le téléphone sonne :
— C’est vous, mon petit Demangeon ? Je vous appelle pour l’histoire du «squelette du Yukon». Ça y est, nous avons reçu une réponse du shérif de Whitehorse et grâce au Yukon Telegraph nous avons reçu par bélino une photo de la chevalière…
Une photo de la chevalière ? Mais quelle chevalière ? (à suivre…)
D’après Pierre Bellemare
19 mars 2010 à 14 02 17 03173
Le journal des locales Edition du 23/7/2007
Mon beau pays
Tigzirt (II)
Par M. A. Haddadou
On a reconnu aussi, lors des fouilles, les traces d’un forum ainsi que l’existence de nombreux bâtiments. D’abord placée sous l’autorité de Rusuccuru (Dellys), Omnium a fini par être érigée en municipe, ce qui lui donnait son autonomie administrative. De la période chrétienne, on conserve les ruines d’une basilique, construite au Ve ou au VIe siècle : c’est un grand édifice dont l’intérieur était divisé en trois nefs par des colonnes et dont le sol était recouvert de belles mosaïques. On a retrouvé aussi les restes d’un baptistère à cuve ronde. Omnium a dû, comme les autres villes de l’époque, connaître les troubles donatistes, puis l’invasion vandale, avant que les Byzantins ne la reprennent. A cette période, une partie de la ville est abandonnée et une citadelle est construite près du temple.
A son tour, cette citadelle sera abandonnée pour une nouvelle enceinte autour de la presqu’île. Les troubles religieux entre catholiques et donatistes ont peut-être justifié ces déplacements, à moins qu’il ne s’agisse d’incursions des populations montagnardes qui faisaient régner l’insécurité dans la région.
M. A. H.
19 mars 2010 à 14 02 18 03183
Le journal des locales Edition du 23/7/2007
Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (15e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 14e partie n Dhiyâb, le fils du chef des Banû Hilal, grandit. Il commence à faire la cour à sa cousine, la belle Djazia.
Très maligne, Djazia ? Elle l’était, et Dhiyab n’était pas le seul garçon de la tribu à lui faire la cour.
Ce jour-là, justement, ils sont quatre ou cinq à se presser autour d’elle quand le jeune garçon arrive.
— Que se passe-t-il ? demande-t-il.
— C’est Djazia, dit l’un des garçons, nous lui récitons des poèmes plus beaux les uns que les autres, mais elle refuse de nous écouter, elle nous demande d’abord de trouver la réponse à une énigme…
— Une énigme si difficile, dit l’un des adolescents que nous donnons tous notre langue au chat !
— Dites-moi quelle est cette énigme !
— Peuh, parce que tu te crois plus malin que nous ?
Djazia, qui a suivi l’échange sans rien dire, se met soudain à parler. Elle s’adresse à Dhiyab ;
— Ecoute, toi qui viens d’arriver : il naît avec des cornes, il vit sans cornes, il meurt avec des cornes !
Un des garçons s’exclame :
— Quel étrange animal ? Existe-t-il seulement, un bélier qui naît avec des cornes, vit avec des cornes et meurt sans cornes !
— Et qui te dit que c’est un bélier ? C’est peut-être un bœuf !
— Ou alors un bouc ou une chèvre…
— C’est vous qui êtes des animaux… Il ne s’agit ni d’un bélier, ni d’un bœuf, ni d’un bouc, ni d’un tout autre animal !
— Alors, toi qui te crois malin, dis-nous de quoi il s’agit !
Mais c’est vers Djazia que Dhiyab se retourne :
— Ce dont il s’agit veut rivaliser avec toi en beauté et en éclat mais quels que soient ses efforts, il n’y parvient pas !
La jeune fille rougit et baisse les yeux. Les jeunes gens qui lui font la cour s’emportent :
— Au lieu de faire des compliments à Djazia, tu ferais bien de donner une réponse à son énigme !
— Mais je l’ai donnée dit Dhiyâb : la chose qui cherche à rivaliser avec elle est la lune ! Et la lune est la réponse à l’énigme !
Les jeunes courtisans se regardent :
— La lune ?
— Oui, la lune !
— Explique-nous alors comment la lune peut avoir des cornes !
— Imbéciles, répond Djazia, la lune, quand elle naît, est croissant : elle porte bien deux cornes. Quand elle grandit et se transforme en pleine lune, elle n’a plus de cornes, mais au fur et à mesure qu’elle décroît, elle retrouve la forme de croissant, avec laquelle elle meurt…
Les jeunes gens se regardent émerveillés.
— Ce que tu dis est vrai !
— Je veux bien discuter, en tête à tête avec toi, dit Djazia à Dhiyab. (à suivre…)
K. N.
19 mars 2010 à 14 02 20 03203
Une date, un fait Edition du 23/7/2007
Ainsi va la vie
Premiers émois (15e partie)
Par K. Yerbi
Résumé de la 14e partie n A peine arrivé dans la maison de son oncle, Omar va voir son cousin Rafik, un handicapé de son âge.
Regardez qui nous vous ramenons !
Zahra, triomphante, annonce ainsi Rafik. La pauvre femme est si contente de voir son fils sortir de sa chambre, qu’elle en a oublié son hôte, Omar. Celui-ci, qui avance en souriant, s’arrête en apercevant la jeune fille assise à côté de son oncle.
— Mais c’est bien, dit Tahar, c’est bien !
Et il se retourne vers Omar.
— Je devine que c’est toi qui nous l’as ramené !
Mais le jeune homme est comme fasciné par la jeune fille qui, il est vrai, est d’une grande beauté : un visage rond, de grands yeux couleur noisette et une longue chevelure blond cendré…. Une véritable image de star. Tahar, le premier, s’aperçoit du trouble de son neveu.
— Ah, oui, tu n’as pas vu Nadia !
La jeune fille, souriante, se lève pour aller vers lui. Il a l’idée de reculer mais il ne bouge pas.
Il est tout rouge de confusion.
— Tu ne la reconnais pas, n’est-ce pas ? dit l’oncle.
— Non, dit-il.
Nadia arrive à son niveau et… lui tend la joue ! il ne sait que faire.
— On se fait la bise ? dit la jeune fille.
Il tend ses joues et il frémit de tout son corps quand les lèvres fraîches frôlent ses joues. Il a la force de dire :
— Comment vas-tu ?
— Et toi, cher cousin ?
— Oh, ça va…
— Et mon oncle ? Et ma tante ? Et mes cousins et cousines ?
— Tout le monde va bien…
Rafik laisse tomber une béquille, Omar se précipite et la ramasse, puis il aide son cousin à prendre place.
— Mets-toi à côté de moi, dit Rafik.
— Vous vous entendez bien tous les deux, n’est-ce pas ? dit Tahar.
— Je me suis toujours entendu avec Rafik, dit Omar, dommage que nous nous soyons perdus de vue…
— J’aurais dû te faire venir plus tôt, dit Tahar.
Zahra, toute contente apporte le premier plat.
— Je n’en prendrai qu’un bout, dit Rafik.
— Tu prendras ta part, dit Omar avec autorité… Sinon, je ne mange pas, non plus… Et j’ai faim !
Rafik fait la grimace, mais il ne proteste pas quand sa mère lui remplit son assiette. Omar tend à son tour son assiette. Il commence à manger, de bon appétit quand il s’aperçoit que Nadia le regarde à la dérobée…
— Eh bien, mange, lui dit Rafik.
Il rougit, s’excuse et détourne le regard de la jeune fille. (à suivre…)
K. Y.
19 mars 2010 à 14 02 21 03213
Une date, un fait Edition du 23/7/2007
Au coin de la cheminée
Le maître voleur (7e partie et fin)
Résumé de la 6e partie n Dupés par le rusé maître voleur, le curé et le sacristain allèrent de leur plein gré se mettre dans le sac, et ce dans l’espoir d’une ascension rapide au ciel les menant directement au paradis.
Sur quoi le maître voleur ne perdit pas un instant et boucla solidement l’ouverture, empoigna le bourrelet et traîna le sac et son contenu jusqu’au bas de l’étroit escalier de la chaire.
Chaque fois que les têtes des deux idiots cognaient une marche, il leur criait : «Voici maintenant que nous franchissons déjà les hautes montagnes !» Puis il les traîna de la même manière à travers le village, et quand ils passaient dans une flaque : «Voici que nous arrivons dans l’humidité des nuages !» Et quand enfin il les tira pour monter l’escalier du château : «Nous voici sur l’escalier du ciel ! annonça-t-il. Nous entrerons bientôt dans l’antichambre !» Une fois arrivé en haut des marches, il alla fourrer son sac dans le pigeonnier. «Vous entendez, leur dit-il, vous entendez comme les anges se réjouissent et battent des ailes ?» Il s’assura que tout était bien comme il le fallait, tira la porte, poussa le verrou et s’en alla. Le lendemain matin, il se rendit chez le comte et lui annonça que la troisième épreuve était réussie également, que le curé et le sacristain avaient été tirés hors de l’église.
— Où les as-tu laissés ? demanda le comte.
— Ils sont là-haut, dans le pigeonnier, enfermés dans un sac, et ils s’imaginent qu’ils sont au ciel. Le comte y monta aussitôt et ne put que constater de ses propres yeux qu’il n’avait pas menti. Monsieur le curé et son sacristain furent remis en liberté, après quoi le comte lui déclara :
— Tu es vraiment un maître voleur, et un grand maître encore ! Tu me l’as parfaitement démontré. «Tu as donc sauvé ta peau pour cette fois ; mais tâche, à l’avenir, de te tenir éloigné de mes terres, parce que si jamais on venait à t’y rencontrer, tu pourrais compter sur ta suprême promotion qui te hissera là-haut, à la potence.» Le maître voleur passa dire adieu à ses parents avant que de repartir à travers le monde, et personne n’a plus entendu parler de lui.
19 mars 2010 à 14 02 21 03213
Une date, un fait Edition du 23/7/2007
Histoires vraies
Le scoop (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie n L’histoire inventée par Demangeon s’avère véridique… La chevalière atteste que l’histoire s’est réellement produite.
Mais la chevalière trouvée par les deux chercheurs d’or que vous avez interviewés. Vous n’êtes pas réveillé, mon petit. La chevalière du squelette.
— Le shérif avait la chevalière du squelette. ?a alors ! Mais comment est-ce possible ?
— Qu’est-ce que vous me racontez, «comment est-ce possible» ? Ne me dites pas que vous avez oublié votre propre article…
— Eh bien, patron, c’est que…
Demangeon sent qu’il a la tête en feu, ouvre déjà la bouche pour tout avouer au père Raguet. Pour lui dire : «Mais tout ça c’est du bidon. Je n’ai rencontré aucun chercheur d’or. Il n’y a pas de squelette, pas de chevalière, pas de filon aurifère. J’ai tout inventé pour vous fournir vos futures cent lignes de copie sensationnelle.»
Mais, l’instinct de survie professionnelle fait que Demangeon ne dit rien. D’ailleurs, à quoi bon faire des aveux puisque, de toute évidence, «la réalité rattrape la fiction»…
— C’est drôlement intéressant, patron. Et cette chevalière, vous aIlez la faire voir à Mlle de… comment s’appelle-t-elle ?
— Mlle de Ferrière. Nous l’attendons. Elle nous en avait donné une description précise dès le début. Il n’y a pas de doute, la chevalière remise au shérif de Whitehorse est bien celle de Thibault de Ferrière. Le blason est bien tel que sa sœur nous l’avait décrit. Dès qu’elle a su que nous avions des nouvelles de Whitehorse, elle nous a dit qu’elle sautait dans le train pour venir nous voir. Je vous tiens au courant. Enfin, mon petit Demangeon, je vous félicite encore pour votre interview. C’est devenu une sorte de feuilleton qui passionne les lecteurs. Nous recevons un courrier formidable… Et vous avez vu que cette histoire est passée en première page des derniers numéros.
Mlle de Ferrière, dès qu’elle a en main l’image de la chevalière transmise par bélino, ne peut retenir ses larmes :
— Mon pauvre Thibault, il n’y a pas de doute, c’est sa chevalière. C’est bien lui.
Mais, après tout, votre frère aurait pu s’en séparer, la vendre, se la faire voler.
— Jamais de la vie. D’ailleurs, tenez, je porte moi aussi les armes de la famille sur ma chevalière. Vous voyez, le blason est le même. Le shérif de Whitehorse vous a-t-il donné d’autres détails ?
— Eh bien, il nous a communiqué les noms des deux jeunes chercheurs d’or qui ont découvert les restes de votre frère. D’ailleurs, ils sont retournés là-bas et ils ont repris l’exploitation du filon. Le shérif nous a indiqué qu’ils possèdent encore une partie de l’équipement de votre malheureux frère. Si vous pouvez vous rendre sur place, vous pourriez peut-être reconnaître quelques objets personnels.
Mlle de Ferrière hésite un peu et déclare :
— Il est de mon devoir de me rendre à Whitehorse. Je veux m’incliner sur la tombe de mon pauvre Thibault. Et puis, j’aimerais connaître les deux jeunes gens qui m’ont permis de mettre fin à cette attente angoissante…
Mlle de Ferrière a aussi une petite idée derrière la tête. Mais elle n’éprouve pas le besoin, pour l’instant, d’en faire part aux journalistes.
Quelques mois plus tard, Didier Demangeon, de plus en plus perplexe, reçoit un nouveau coup de fil du père Raguet qui lui annonce :
Vous savez, Mlle de Ferrière… La sœur du squelette. Eh bien, elle s’est rendue au Yukon. Vous parlez d’une expédition pour une vieille fille. Et là-bas elle est allée jusqu’à Whitehorse. Elle a reconnu les objets personnels de son frère. Et elle a rencontré vos deux «chercheurs d’or». Elle a pris un avocat. Et elle a signé un con¦rat. Les deux garçons qui sont désormais propriétaires du filon ont consenti à lui céder pour les cinquante ans à venir un tiers de tout ce qu’ils sortiront du «placer» découvert par son frère.
Didier Demangeon, aujourd’hui encore, se demande comment il a pu «inventer» une histoire vraie. A moins que l’esprit du défunt Thibault de Ferrière ne lui ait tout soufflé.
D’après Pierre Bellemare