« Catastrophe » Il faisait particulièrement chaud à Annaba en cette soirée du 24 juillet 1964.
Les rues et les avenues du centre-ville et surtout le Cours de la Révolution grouillaient de monde, comme si on était en plein jour. Il ne pouvait en être autrement d’ailleurs, car nul ne pouvait supporter de rester cloîtré par un temps pareil et chacun était sorti en quête d’un brin d’air, qui au bas de son immeuble qui, au bord de mer pour les plus chanceux. Il était 20h30. L’animation était telle qu’on aurait pu penser à une veillée de fête. Soudain, une déflagration confuse d’abord, puis s’amplifiant, déchira la nuit et la terre se mit à trembler. Personne ne comprit sur le coup ce qui venait de se passer.
La foule, interloquée, assista à un déluge de vitres que l’onde de choc provoquée par l’explosion avait presque instantanément brisées. Ce fracas de verre fut comme un signal pour les promeneurs, lesquels entreprirent de fuir éperdument dans tous les sens. La panique se répandit à l’intérieur des maisons au moment où se produisit la panne générale d’électricité. Femmes, vieillards et enfants quittèrent précipitamment leur demeure de crainte que les explosions qui commencèrent à se répéter ne les atteignent.
Malgré la nuit noire tous purent voir l’immense nuage qui montait dans le ciel du côté de l’avant-port alors que le feu d’artifices se prolongeait. Une scène apocalyptique s’offrait à la foule que le bouche à oreille avait informé de l’explosion d’un navire qui avait accosté à hauteur du quai nord, en face des docks-silos.
Ce ne fut qu’une heure après que les sirènes des ambulances et le bruit des moteurs des véhicules de la Protection civile commencèrent à se faire entendre. Les témoins virent aussi des camions, appartenant à l’armée suivis immédiatement après par des voitures de police, affluer en direction des quais Sehiafino où le sinistre venait de se produire, ceci au moment où l’électricité fut rétablie. On peut mesurer alors l’étendue des dégâts que causa l’explosion de ce navire «Star of Alexandria», bâtiment qui se trouvait à ce moment par vingt mètres de fond sous des tonnes de débris encore fumants.
On apprit que le bateau d’origine égyptienne transportait à son bord une grande quantité de munitions destinées à l’armée algérienne et qu’une explosion inexpliquée s’était produite dans sa partie avant, alors que l’opération de déchargement sous palan se déroulait. Selon des témoins oculaires, le pire aurait pu arriver si le conducteur du convoi ferroviaire presque entièrement chargé d’explosifs n’avait pas pris l’initiative de déplacer sa rame dès le début de l’accident. On releva quand même 52 corps affreusement mutilés et éparpillés sur plusieurs centaines de mètres du lieu d’accostage du «Star of Alexandria».
Les blessés, dont certains présentent des traumatismes sévères, conserveront des séquelles pour le restant de leur vie. L’hôpital du Caroubier dont une partie était affectée à l’époque fut le plus touché par les impacts des projectiles qui fusaient depuis le port.
On signale même des chutes d’obus intacts jusque sur le Cours de la Révolution et en face de la gare de chemin de fer.
Les hauteurs de la Place d’armes, qui fait face à la petite darse du port, reçurent également des retombées de débris métalliques provenant du navire. Une traverse en acier aurait même atterri dans une des ruelles qui font face à la mosquée du Bey, sans faire de victimes heureusement.
Près de quarante ans après cette catastrophe, les enfants de Annaba se souviennent sans pour autant pouvoir dire si l’explosion du navire égyptien était accidentelle, comme l’indique le rapport officiel où s’il s’agissait d’un sabotage comme l’affirment sans pour autant le prouver, certains témoins. Un mystère à mettre au compte de la raison d’état…
A. L.
19 mars 2010
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