Au coin de la cheminée
L’apprenti meunier et la petite chatte (3e partie et fin)
Résumé de la 2e partie :La petite chatte dit à Hans qu’elle allait lui apporter son cheval dans trois jours et lui demanda de rentrer chez lui après lui avoir montré le chemin.
Depuis sept ans, Hans n’avait jamais reçu de nouveaux vêtements ; il dut donc retourner chez lui vêtu de ses mêmes vieilles guenilles, devenues beaucoup trop petites avec le temps. Lorsqu’il arriva au moulin, les deux autres apprentis étaient déjà de retour. Chacun d’eux avait rapporté un cheval, mais l’un était aveugle, l’autre paralysé. Ils demandèrent à Hans : «Alors Hans, où donc as-tu mis ton cheval ?» «Dans trois jours il sera ici», répondit Hans. Les deux autres apprentis s’esclaffèrent et le traitèrent d’idiot.
Hans entra et alla dans la salle à manger. Mais le meunier lui dit qu’il ne pouvait pas s’asseoir à la table, qu’il était trop déguenillé et qu’ils auraient honte de sa présence. Il lui donna un peu de nourriture et l’envoya manger dehors. Lorsque le soir fut venu et qu’il fut temps d’aller se coucher, les deux autres apprentis ne voulurent pas lui donner un lit. Hans dut se faufiler dans la basse-cour et dormir sur la paille.
Quand il se leva le troisième jour, un carrosse arriva, tiré par un attelage de six chevaux. Un domestique en apportait un septième, celui-ci était pour Hans. ? ce moment, une princesse, qui n’était nul autre que la petite chatte bigarrée que Hans avait servie sept années durant, descendit du carrosse. Elle entra dans le moulin, et demanda au meunier où se trouvait Hans. «Eh bien ! dit le meunier, nous ne pouvons pas lui permettre de rester à l’intérieur. Il est si déguenillé qu’il a dû s’installer dans la basse-cour !» Alors, la princesse demanda à ce qu’on aille le chercher immédiatement.
On alla donc le chercher, et Hans se présenta devant elle vêtu de ses vieilles guenilles. Là, le domestique sortit de magnifiques vêtements ; Hans dut se laver et s’habiller. Lorsqu’il eut terminé, il ne pouvait y avoir plus beau prince que lui. Là-dessus, la princesse exigea qu’on lui fasse voir les chevaux que les autres apprentis avaient apportés. Mais l’un était aveugle, et l’autre paralysé. Elle fit apporter le septième cheval par l’un de ses valets, et lorsqu’il le vit, le meunier s’écria : ‘Mille tonnerres ! Jamais je n’ai vu un tel cheval !» «Il est pour Hans», dit la princesse. «Si c’est son cheval, alors c’est à lui que je donnerai mon moulin», dit le meunier. Mais la princesse lui répondit qu’il pouvait garder son moulin. Elle prit son cher Hans par la main, le fit monter avec elle dans son carrosse et, ensemble, ils s’éloignèrent. Ils se dirigèrent d’abord vers la maisonnette que Hans avait construite avec les outils d’argent. Mais la maisonnette s’était transformée en un immense château couvert, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’or et d’argent. Puis, ils célébrèrent un grand mariage et vécurent riches et heureux pour le restant de leur vie.
Voir tous les commentaires sur cet article:
http://nadorculture.unblog.fr/2010/03/19/une-ville-une-histoire-zineb-2/#comments
1 mai 2010 à 9 09 08 05085
Une date, un fait Edition du 11/4/2010
Au coin de la cheminée
Le jardinier et ses maîtres (4e partie)
Résumé de la 3e partie n Le jardinier, au lieu de se reposer sur sa renommée, redoubla de zèle…
Un jour, le jardinier arriva au salon avec un grand vase où parmi des feuilles d’iris s’étalait une grande fleur d’un bleu éclatant. «C’est superbe ! s’écria Sa Seigneurie enchantée : on dirait le fameux lotus indien !» Pendant la journée, les maîtres la plaçaient au soleil où elle resplendissait ; le soir, on dirigeait sur elle la lumière au moyen d’un réflecteur. On la montrait à tout le monde ; tout le monde l’admirait. On déclarait qu’on n’avait jamais vu une fleur pareille, qu’elle devait être des plus rares. Ce fut l’avis notamment de la plus noble jeune fille du pays, qui vint en visite au château : elle était princesse, fille du roi ; elle avait en outre de l’esprit et du cœur, mais dans sa position ce n’est là qu’un détail oiseux. Les seigneurs tinrent pour honneur de lui offrir la magnifique fleur, ils la lui envoyèrent au palais royal. Puis, ils allèrent au jardin en chercher une autre pour le salon. Ils le parcoururent vainement jusque dans les moindres recoins ; ils n’en trouvèrent aucune autre, non plus que dans la serre. Ils appelèrent le jardinier et lui demandèrent où il avait pris la fleur bleue : «Si vous n’en avez pas trouvé, dit Larsen, c’est que vous n’avez pas cherché dans le potager. Ah ! ce n’est pas une fleur à grande prétention, mais elle est belle tout de même : c’est tout simplement une fleur d’artichaut !
Grand Dieu ! Une fleur d’artichaut ! s’écrièrent Leurs Seigneuries. Mais, malheureux, vous auriez dû nous dire cela tout d’abord. Que va penser la princesse ? Que nous nous sommes moqués d’elle ! Nous voilà compromis à la cour. La princesse a vu la fleur dans notre salon, elle l’a prise pour une fleur rare et exotique ; elle est pourtant instruite en botanique, mais la science ne s’occupe pas des légumes. Quelle idée avez-vous eue, Larsen, d’introduire dans nos appartements une fleur de rien ! Vous nous avez rendus impertinents ou ridicules.» On se garda bien de remettre au salon une de ces fleurs potagères. Les maîtres se firent à la hâte excuser auprès de la princesse, rejetant la faute sur leur jardinier qui avait eu cette bizarre fantaisie et qui avait reçu une verte remontrance. «C’est un tort et une injustice, dit la princesse. Comment ! il a attiré nos regards sur une magnifique fleur que nous ne savions pas apprécier ; il nous a fait découvrir la beauté où nous ne nous avisions pas de la chercher et on l’en blâmerait ! Tous les jours, aussi longtemps que les artichauts seront fleuris, je le prie de m’apporter au palais une de ces fleurs.» Ainsi fut-il fait. Les maîtres de Larsen s’empressèrent de leur côté de réinstaller la fleur bleue dans leur salon et de la mettre bien en évidence, comme la première fois. «Oui, elle est magnifique, dirent-ils ; on ne peut le nier. C’est curieux, une fleur d’artichaut !» Le jardinier fut complimenté. (à suivre…)
Conte du monde
1 mai 2010 à 9 09 09 05095
Une date, un fait Edition du 11/4/2010
Histoires vraies
Les chiens sauvages et l’enfant (2e partie)
Résumé de la 1re partie n Averti par Irina, le comité du village décide de tendre un piège, pour attirer la meute et son «chien» étrange…
Dans un premier temps quelques quartiers de viande réussissent à faire venir les chiens, mais au moment d’attraper les bêtes, les volontaires pour cette besogne renoncent. Les chiens possèdent tous des crocs bien blancs et bien pointus. Leur colère est si évidente qu’il n’est d’autre solution que de les laisser filer. Au milieu de la meute, toujours flanquée de la chienne puissante, la créature poilue et grise suit le train. Tout le monde remarque que la créature, contrairement aux autres, ne possède pas de queue.
Au bureau du comité on décide qu’il faut réussir cette capture. Quelqu’un suggère :
— Et si l’on se servait de la cabane où l’on remise la pompe à incendie ?
Le plan est simple. Dès le lendemain soir la meute des chiens sauvages sort de l’ombre du bois. C’est logique car pour le flair des animaux une forte odeur de viande fraîche est un appât irrésistible. La meute, prudente, s’approche de la cabane des pompiers. Comme par hasard la porte est entrouverte. La grosse chienne s’approche la première et flaire avec précaution l’entrée du petit bâtiment de bois… Puis, elle se décide d’ y pénétrer : la tentation de la viande fraîche est trop forte. Juste derrière elle, la «chose» inconnue se glisse, puis les autres chiens suivent. De toute évidence, tous respectent une hiérarchie dans laquelle la grande chienne est le chef de la meute et la créature grise et chevelue bénéficie de la protection de la grande chienne pour avoir accès à la meilleure part.
A peine le dernier chien de la meute est-il entré que la porte se referme sur la meute tout entière. Un policier vient de la faire claquer d’un vigoureux coup de botte.
Cependant, aucun villageois n’est entré dans la cabane : par les fenêtres crasseuses tous jettent un coup d’œil prudent. Ils sont armés de fourches ou de gourdins. A l’intérieur, la créature s’est ruée sur la porte et tente de forcer cette barrière. L’animal (mais est-ce un animal ?) se dresse sur ses pieds et martèle le panneau de bois de ses poings.
— C’est un enfant ! Il se tient debout !
L’enfant chevelu et couvert de boue essaie de mordre la poignée de métal et la serrure. Au bout d’un moment, épuisé et haletant, il se calme. On entrouvre la porte et on se trouve face à face avec la créature… aux yeux hagards ! Que lit-on dans ces yeux ? De la haine ? Sûrement pas. De la terreur plutôt. Une terreur animale qui n’a rien d’humain. Bizarrement, les chiens sauvages, eux, sont tous assis sagement sur leurs arrière-trains. Certains continuent de dévorer à belles dents le morceau de mouton qui les a piégés mais aucun n’essaie d’attaquer les humains du dehors. Leur instinct leur fait comprendre qu’entre l’homme et le chien l’homme est le maître incontesté. Alors, ils attendent le résultat de la confrontation entre l’enfant sauvage et ses congénères villageois.
Deux policiers décidés à faire parler d’eux veulent prendre cet enfant inhabituel. De toute évidence, ce petit homme a séjourné trop longtemps parmi les chiens de la forêt. Il se met à montrer les dents tout comme ses compagnons et à gronder d’une manière que ne désavouerait aucun loup de Sibérie.
Pourtant, ni l’agressivité ni la détermination animale du jeune garçon ne peuvent rien contre l’astuce de l’homme organisé. L’enfant se retrouve séparé de la meute. Les chiens en profitent pour se faufiler hors de la cabane des pompiers et ils regagnent les profondeurs de la forêt. Longtemps, cette nuit-là, on les entend hurler à la mort comme pour envoyer un dernier adieu à leur compagnon de quelques mois. (à suivre…)
Pierre Bellemare
1 mai 2010 à 9 09 22 05225
Au coin de la cheminée
Le jardinier et ses maîtres (3e partie)
Résumé de la 2e partie n Renseignement pris, le jardinier est ravi d’apprendre que tous les fruits vantés par ses maîtres sont les siens…
Eh bien, dit le jardinier, voilà de quoi me rendre fier. Il faut donc que Votre Seigneurie sache que le jardinier du roi n’a pas été heureux cette année avec ses melons. Ces jours derniers il est venu me voir ; il a vu combien les miens avaient bonne mine, et après en avoir goûté, il m’a prié de lui en envoyer trois pour la table de Sa Majesté.
— Non, non, mon brave Larsen, ne vous imaginez pas que ces divins fruits que nous avons mangés hier proviennent de votre jardin.
— J’en suis parfaitement certain, répondit Larsen, et je vous en fournirai la preuve.
Il alla trouver le jardinier du roi et se fit donner par lui un certificat d’où il résultait que les melons qui avaient figuré au dîner de la cour avaient bien réellement poussé dans les serres de ses maîtres. Les maîtres ne pouvaient revenir de leur surprise.
Ils ne firent pas un mystère de l’événement. Bien loin de là, ils montrèrent ce papier à qui le voulut voir. Ce fut à qui leur demanderait alors des pépins de leurs melons et des greffes de leurs arbres fruitiers. Les greffes réussirent de tous côtés. Les fruits qui en naquirent reçurent partout le nom des propriétaires du château, de sorte que ce nom se répandit en Angleterre, en Allemagne et en France. Qui se serait attendu à rien de pareil ? «Pourvu que notre jardinier n’aille pas concevoir une trop haute opinion de lui-même !» se disaient les maîtres.
Leur appréhension était mal fondée. Au lieu de s’enorgueillir et de se reposer sur sa renommée, Larsen n’en eut que plus d’activité et de zèle. Chaque année il s’attacha à produire quelque nouveau chef-d’œuvre. Il y réussit presque toujours. Mais il ne lui en fallut pas moins pour entendre souvent dire que les pommes et les poires de la fameuse année étaient les meilleurs fruits qu’il eût obtenus. Les melons continuaient sans doute à bien venir, mais ils n’avaient plus tout à fait le même parfum. Les fraises étaient excellentes, il est vrai, mais pas meilleures que celles du comte Z. Et lorsqu’une année les petits radis manquèrent, il ne fut plus question que de ces détestables petits radis. Des autres légumes, qui étaient parfaits, pas un mot. On aurait dit que les maîtres éprouvaient un véritable soulagement à pouvoir s’écrier : «Quels atroces petits radis ! Vraiment, cette année est bien mauvaise : rien ne vient bien cette année !» Deux ou trois fois par semaine, le jardinier apportait des fleurs pour orner le salon. Il avait un art particulier pour faire les bouquets ; il disposait les couleurs de telle sorte qu’elles se faisaient valoir l’une l’autre et il obtenait ainsi des effets ravissants.
«Vous avez bon goût, cher Larsen, disaient les maîtres. Vraiment oui. Mais n’oubliez pas que c’est un don de Dieu. On le reçoit en naissant ; par soi-même on n’en a aucun mérite.» (à suivre…)
Conte du monde
1 mai 2010 à 9 09 23 05235
Une date, un fait Edition du 10/4/2010
Histoires vraies
Les chiens sauvages et l’enfant (1re partie)
Comment vivent les Russes aujourd’hui? Il y a deux hypothèses. Certains ont su profiter de l’arrivée de la démocratie et du commerce libéral pour «surfer», comme on dit, sur la vague tumultueuse de l’offre et de la demande. Ils ont les moyens d’acheter ou ils ont quelque chose à vendre. Ils ont les moyens de se faire protéger. Politiquement et physiquement. Ce sont les nouveaux riches ou les nouveaux mafiosi. Ils ne songent qu’à des séjours au soleil, à des palaces de luxe. Les autres, trop pauvres ou trop vieux, se débrouillent comme ils peuvent pour trouver une nourriture chaque jour plus rare et plus chère. Il y a les vieux, mais il y a les jeunes. Souvent abandonnés à eux-mêmes.
C’est ainsi qu’en ce mois de juin 1998, dans un petit village russe, des gamins s’amusent comme ils peuvent. Tout leur est bon.
— Regardez la bande des chiens sauvages. On y va. Le premier qui arrive à en choper un avec un caillou gagnera une bouteille de bière !
Les gamins, dont le plus âgé doit avoir 12 ans, se précipitent pour ramasser des pierres. A quelques mètres de là, dans la demi-obscurité de l’orée du bois, une meute de chiens de tous poils se glissent, la gueule basse. Ils cherchent quelque nourriture, quelques déchets comestibles. Les gamins jettent des cailloux vers les animaux mais se tiennent quand même à bonne distance. Les chiens poussent des glapissements en voyant les pierres rebondir sous leurs truffes. Si l’un d’entre eux est touché, Il lance un court aboiement de douleur mais les animaux continuent à rester groupés en glissant le long du bois touffu.
— Hé, les gars, regardez un peu ! Il y a un drôle d’animal avec les chiens ! Qu’est-ce que c’est que cette bestiole ?
En effet, au milieu de la meute, auprès d’une grande femelle, mélange puissant de chien-loup et de doberman, on voit quelque chose qui ressemble vaguement à un singe. En tous les cas, il ne s’agit pas d’un chien.
Mais les gamins agressifs n’en sauront pas plus ce jour-là. La meute tout entière décide de s’enfoncer dans l’épaisseur de la forêt. Aucun des petits moujiks n’a le courage de les poursuivre.
En terrain plat, à portée de vue des villageois, les enfants se sentent un peu en sécurité. Dans la profondeur de la forêt, ce sont les chiens qui auraient facilement le dessus. Ils seraient capables d’entourer un des petits imprudents et de le dévorer tout cru…
Une semaine plus tard. Irina Vedrechkova, une brave mère de famille, sort de bon matin pour aller chercher un peu de ravitaillement dans la ferme de sa sœur, à quelque distance du village. Soudain Irina s’arrête net :
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
«Ça», c’est une créature chevelue, nue, grise, couleur de boue. Une créature qui se déplace à toute vitesse sur ses quatre pattes. Quatre pattes ou bien deux pieds et deux mains. Irina n’y voit pas suffisamment clair. Elle se demande si les monstres des légendes russes n’existent pas réellement dans le cœur de la forêt.
Dès qu’elle rentre, son panier plein de raves et de lait, elle se précipite au bureau politique du village pour y conter son étrange vision.
— Une créature qui marche et je dirais même qui «court» à quatre pattes. Mais je n’ai pu m’approcher car la meute des chiens sauvages du bois l’entourait !
— Camarade, tu es une femme sensée et d’une sobriété exemplaire. Nous n’avons aucune raison de mettre en doute ce que tu dis avoir vu. Nous allons essayer de mettre la main sur la créature que tu as aperçue. Est-ce un animal ou un être humain ? Il faut le savoir.
Après une réunion spéciale du comité du Parti, les responsables du village décident de tendre un piège : il s’agit d’attirer la meute et son «chien» étrange dans une sorte de nasse et de filets tendus. (à suivre…)
Pierre Bellemare
1 mai 2010 à 9 09 36 05365
Une date, un fait Edition du 8/4/2010
Histoires vraies
La bête qui valait une fortune
Résumé de la 3e partie n Daisy pense que Grace Spinelli, la meilleure amie de sa mère, pourra lui dire de quel cadeau il s’agit…
Maman et elle auraient bien voulu se revoir. Mais c’était bien trop loin, trop cher… Elles se sont écrit pendant quelques années et puis elles ont cessé… Oh
oui ! J’en suis sûre ! Je me souviens qu’un jour maman m’a dit : «Nous nous disions tout.»
Grace Spinelli, femme de ménage dans une entreprise de nettoyage industriel, habite un immeuble lépreux du Bronx, le quartier pauvre de New York. Elle a la soixantaine. C’est une petite femme voûtée et flétrie. Bob Hardy n’a mis que vingt-quatre heures pour la retrouver. Mais pour lui, ce n’est pas une performance, c’est de la routine.
En entendant la question fatidique, Grace Spinelli ne marque pas une seconde d’hésitation:
— Le cadeau qu’elle a fait à John ? Bien sûr que je sais ce que c’est, puisque c’est moi qui le lui ai donné !
— C’est vous ?
— Oui. Je m’en souviendrai toujours… Ma chienne avait eu des petits. Jane m’avait dit ce jour-là qu’elle voulait faire un cadeau à John pour son anniversaire mais qu’elle n’avait pas d’argent. Je lui ai répondu : «Donne-lui un de mes chiots, cela en fera un de moins que je tuerai.» Elle a choisi une femelle… C’était un petit bâtard de griffon noir et blanc.
Le 27 décembre 1968, Bob Hardy se retrouve dans le bureau de Peter Appleby en compagnie de Daisy Norton. Malgré leur vieille amitié les deux hommes se regardent d’une manière solennelle.
— Bob, selon toi, Miss Daisy Norton, ici présente, est-elle la fille de mon client John Derek ?
— Absolument !
— Bien… Miss Norton, c’est donc à vous que je pose la question : quel cadeau votre mère a-t-elle fait à John Derek pour son anniversaire, le 3 septembre 1933 ?
Daisy Norton est visiblement émue. Pour la circonstance, elle s’est habillée avec ce qu’elle avait de mieux : le tailleur sombre qu’elle avait acheté pour l’enterrement de sa mère. Mais cela ne l’empêche pas de manquer singulièrement d’allure, avec ses épaules trop larges, son teint pâle et ses lunettes aux verres épais. Elle répond, ou plutôt elle murmure :
— Un petit chien…
Me Appleby parle de sa voix la plus professionnelle :
— Je note : «un petit chien». Maintenant, je vais procéder à l’ouverture de la lettre scellée…
II y a un moment d’angoisse, troublé seulement par le bruit des cachets de cire qui sautent… Peter Appleby parcourt rapidement la lettre et un sourire s’inscrit sur son visage. Bob et Daisy savent que c’est gagné…
— La réponse est : «Un petit chien… C’est en sa compagnie que j’ai quitté la malheureuse Jane. Je l’ai emporté avec moi quand j’ai pris le train sans billet pour New York. C’était un griffon bâtard, une petite femelle. Je pensais qu’elle m’aiderait à réussir et je l’ai appelée Mascotte. Aujourd’hui, je crois que si j’ai fait fortune, c’est grâce à elle. Entre les chiffonniers, la concurrence était dure. Mais à moi, les gens donnaient plus facilement leurs vieilles affaires parce que Mascotte, qui ne me quittait jamais, attirait leur sympathie. Lorsqu’elle est morte, treize ans plus tard, j’étais déjà très riche.»
Tel est l’épilogue de cette histoire. Daisy Norton est entrée en possession de l’immense héritage de son père et nous ne savons pas précisément ce qu’elle en a fait. Mais quelle importance dans le fond ? Cela, c’est son problème, son heureux problème.
Pierre Bellemare