Une ville, une histoire
L’épopée de Djazia (12e partie)
Par K. Noubi
Résumé de la 11e partie n La femme du chef des bédouins hilaliens, Cheikh Ghanem, vient d’avoir un garçon.
Le camp est en fête : le bruit court que c’est un enfant extraordinaire. Il semble fort et déjà, il manifeste des signes d’intelligence.
Cheikh Ghanem a fait égorger et mettre en broche plusieurs moutons, pour fêter l’événement.
«Ce sera un chef», ne cesse-t-il de répéter à ceux qui viennent le féliciter.
Le petit a déjà reçu son nom —Dhiyab— et tout le monde est persuadé qu’il sera promis à une grande destinée.
Des zénètes, ayant appris l’heureux événement, arrivent et demandent à voir leur neveu. L’enfant, s’il est hilalien, donc Arabe, appartient également, par sa mère, aux zénètes, les Berbères.
Cependant, alors que la fête bat son plein, une ombre se glisse dans la nuit. C’est la rebouteuse qui a assisté la Zénète et qui revient, serrant un paquet dans son sein ; en fait, le paquet est un nourrisson, et elle vient l’échanger contre le nouveau-né. La parturiente, épuisée, dort. Elle ne s’aperçoit donc pas de la substitution qui s’opère. La femme ressort de la tente et va trouver un cavalier, qui attend dans l’ombre. Elle lui donne l’enfant et lui dit :
«Va, emmène-le au village !»
La nuit passe et, le lendemain, au matin, l’accouchée se lève et donne le sein au bébé. Elle ne s’aperçoit pas de la substitution ! Le père, également, quand il vient voir son fils, n’y voit que du feu. Il faut dire que les nourrissons, à la naissance, se ressemblent beaucoup et que si on n’a pas pris le temps de bien regarder un enfant, on ne parvient pas à le distinguer d’un autre ou alors, il faudrait qu’il ait une marque caractéristique pour établir la différence. Malheureusement, Dhiyab n’avait aucune marque : ni tache d’envie, ni proéminence, ni grain de beauté !Personne ne s’aperçoit donc, sur le moment de la substitution. Les jours, puis les semaines et les mois passent. Le jeune enfant grandit en force et en beauté. Son père, qui le voit tous les jours, commence à lui trouver un air bizarre ;
— il n’est pas aussi vif qu’il devrait l’être, dit-il à sa mère.
— c’est un garçon intelligent, répond la Zénète.
— Mais il n’a pas la vivacité des nomades, répète Cheikh Ghanem.
Un jour, il le trouve assis au milieu d’une flaque d’eau et le voit en train de façonner des objets avec de la terre glaise.
— Mais c’est une charrue et un socle que tu as fait là ! s’exclame-t-il.
Un fils de nomade devrait plutôt faire des chevaux ou du moins des moutons, les charrues et les socs sont pour les enfants de laboureurs, les sédentaires ! «Ce garçon n’est pas le mien !», se dit Cheikh Ghanem.
Il n’ignore pas cette coutume d’échanger en secret des enfants, et sans tarder, il va trouver un ‘ârif de la tribu, c’est-à-dire une sorte de devin qui sait justement établir la paternité et retrouver les gens perdus (à suivre…)
K. N.
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19 mars 2010
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