Culture : RENCONTRE AVEC KHADRA LATRACHE
L’enfer des anges ou l’amour en triomphe
A force de sentir, ressentir, toucher, palper, sonder, le poète finit par tout absorber. Il devient empathique et traduit alors ses sentiments et émotions par des vers, qui plus forts et plus puissants que tout autre mode d’expression, font de lui l’illusionniste des mots. Telle se profile donc Khadra Latrache.
La poésie féminine algérienne s’enrichit davantage de textes plutôt de proses et de vers. Et cette fois-ci, c’est Khadra Latrache qui revient nous présenter un deuxième travail. Dans la présente plaquette au titre symbolique l’Enfer des anges paru récemment aux éditions Nounou, la jeune poétesse sonde l’âme humaine et offre aux anges déchus un espace d’émotions et de partage. «Comment rester de glace, comment ne pas se pencher sur la sensibilité qui jette ses amarres au fond de l’océan où s’engloutissent toutes les souffrances sentimentales d’une femme tourmentée par un amour fuyant.» Le voilà, donc, cet Enfer des anges, Khadra emprunte sa plume sensible à la femme amoureuse, à celle qui cherche son âme sœur, à celle qu’elle voudrait voir heureuse, arrivant «à bon port auprès de quelqu’un qu’elle aime», écrit-elle. L’amour prend des dimensions et des espérances et ne s’encombre ni de lourdeur ni de lenteur. Et Khadra, avec ses mots simples et rêveurs, déporte les peines et les tourments pour laisser place et crédit à ce sentiment dont elle y croit fermement et un poète ne peut que chanter l’amour, cela va de pair sinon rien n’aurait plus aucun sens. «Si seulement tu savais/Qu’il n’y a pas de quoi être fier/De voir mes mains lacérées à force de tenter de graver/ Mon nom sur ton cœur de pierre». Le recueil de Khadra dont la couverture est toute un symbole, représentant une jeune femme de Boussaâda, au regard profond et énigmatique, aux traits magnifiques, celle qui a su ravir le cœur d’Etienne Dinet, le peintre amoureux et passionnée et qui a su le convertir, l’aimer et être à jamais sa muse. Khadra aussi est née à Boussaâda, la ville magique aux couleurs presque irréelles. Ce Sud qui lui a certainement transmis cette magie qu’il avait déjà offerte à Dinet, Eberhardht, Monod et bien d’autres. «Tu m’appelais la fille du sud/Qui te faisait perdre le nord/Qui jouait trop souvent aux prudes/Mais avait le diable dans le corps. Je t’appelais alors mon Don Quichotte/Qui prenait mes peurs pour ses moulins». Il est plaisant de lire ce qu’écrit Khadra. «Et dans mes yeux installe des ports pour accueillir tes navires.» Elle tranche avec cette poésie quasi-stérile qui reste cloîtrée dans des espaces balisés et souffrant d’un manque de liberté dans la pensée et dans l’écrit, une poésie qui a envahi ces derniers temps nos espaces littéraires et qui ne répond plus aux inspirations belles et spontanées. Khadra Latrache tranche aussi par la thématique choisie, il n’y a pas de «nationalisme » à outrance ni cette révolution chantée à tort et à travers ni ces causes multiples qu’épousent certains poètes juste pour se donner une conscience. Il y a, certes, du sens et la portée dans les vers de Khadra, et elle écrit réellement ce que lui souffle sa muse et sa muse est cet amour que seul peuvent chanter les poètes du cœur et n’est-ce pas que le poète est la conscience des amoureux comme le voudrait le mythe. Lorsque l’errance du poète, sa souffrance, ses déchirures et ses souffles font de lui l’illusionniste des mots «Que notre amour n’ait plus rien à se mettre/Et là, je lui offrirai des chapeaux en verre/Des costumes tissés par des peut-être/ Et des manteaux faits de chimères». A force de sentir, ressentir, toucher, palper, sonder, le poète finit par tout absorber, il devient empathique et traduit alors ses sentiments et émotions par des vers, qui plus forts et plus puissants que tout autre mode d’expression, font de lui l’illusionniste des mots même si la solitude et le silence sont son habitude, et l’habitude de Khadra est de nourrir sa vie et nos vies de tous ces mots aigres-doux.
Nassira Belloula
L’Enfer des angesde Khadra
Latrache, poésies, 43 p.,
Nounou éditions
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/03/16/article.php?sid=97117&cid=16
16 mars 2010
1.POESIE