Mouloud Feraoun est sans doute l’un des écrivains algériens majeurs du siècle dernier. Il a aussi été à tort un auteur très controversé. Pourtant, la vie ne l’a pas toujours gâté. Il est né loin de la bourgeoisie des grandes villes, dans un petit village : Tizi-Hibel un 8 mars 1913.
Sa famille était pauvre et son père était l’un des tous premiers émigrés du village à partir en France en 1910, pour travailler dans les mines. Cependant et malgré ces conditions difficiles, Mouloud Feraoun
fréquente l’école française du village.
Après avoir fait ses premières classes, il obtient en 1926, après concours, une bourse d’étude pour intégrer le cours complémentaire de Tizi-ouzou. Dans l’année 1932, il est reçu à l’Ecole Normale de Bouzaréah, section indigène, où il collabore dans une revue ‘’Le profane’’, dirigée par un certain Emmanuel Roblès. Trois ans plus tard, c’est le retour dans sa Kabylie natale où il devient instituteur jusqu’en 1946.
En 1952, il est nommé directeur des cours complémentaires de Fort-National (Larbaa Nath-Iraten), avant de venir en 1957 au Clos-Salembier à Alger pour prendre la direction de l’école. Il est nommé ensuite inspecteur pour l’enseignement agricole des centres sociaux éducatifs. Le 15 mars 1962 Mouloud Feraoun est assassiné par l’OAS.
Tous ceux qui l’ont connu, disent de lui qu’il était un homme paisible, tranquille et pacifique. Michel Lambart vice-président de l’association des amis de max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs collègues dit ceci en 2007 : «Ce qui m’a frappé chez cet homme, dès notre premier entretien, c’est qu’il respirait la bonté. A l’écoute des autres, il savait se montrer disponible pour ses interlocuteurs quelles que soient la situation et ses charges familiales et professionnelles». La polémique autour de son «désengagement» pour la Révolution de 1954 est sans fondement.
Lui qui de sa plume n’a cessé de dénoncer la colonisation et ses dégâts sur la population algérienne. Avant de mourir tragiquement, il avait même perdu deux beaux-frères fusillés par des soldats en 1957. Son engagement de voir une Algérie libre, il l’écrit ouvertement dans plusieurs lignes de son Journal : «Voilà, c’est la guerre et c’est affreux. Mais il n’y a rien d’autre à dire…Rien à dire, parce qu’un mort ne peut plus parler et qu’un vivant craint de mourir s’il parle, tout en sachant fort bien qu’un jour ou l’autre il mourra à son tour, puisqu’on est décidé à tous nous tuer, tant que nous persisterons à vouloir l’indépendance et que malheureusement cette idée d’indépendance est devenue pour tous, la seule raison de vivre».
DISPARITION TRAGIQUE
Aussi n’est-t-il pas vrai que Feraoun a longtemps souffert de cet «exil» qui l’a emmené loin de sa terre natale, c’est-à-dire de la Kabylie ? Lassé par cette violence et le grouillement de la capitale, il retourne, dès qu’il le peut à Tizi-Hibel. Là, il a la tranquillité. Son attachement à cette terre, il ne cessera de le revendiquer. Il y va régulièrement pour se reposer mais aussi et certainement pour s’inspirer. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant de noter que dans chacune de ses œuvres, les petites ruelles, le couscous, les plaines et les terres de Kabylie sont toujours présents. Qui a pu raconter mieux que lui la culture et la tradition orale de la Kabylie, les gens et leurs modes de vie et pensées, leurs rires et leurs misères, leurs croyances et leurs querelles ? Tout au long de son parcours, il devait beaucoup aux siens, et dans chaque roman, il en parle différemment. A Tizi-Hibel, on se souvient encore de cet homme instruit, discret et bon qui, lorsqu’il venait au café, tenait toujours un livre entre ses mains, c’est pour cette raison d’ailleurs que les villageois l’appelaient le «Cheikh».
Le 15 mars 1962, soit quatre jours avant les accords d’Evian, Mouloud Feraoun est convoqué pour participer à une réunion discrète des inspecteurs des centres sociaux éducatifs dans les bâtiments de Château-Royal à El Biar.
A onze heures, un commando Delta de l’OAS chargé de décapiter ces centres fait irruption dans la salle dans laquelle travaillaient une vingtaine d’inspecteurs.
Sept d’entre eux furent appelés : un était absent, trois Algériens et trois Français, dont Mouloud Feraoun et Max Marchand. Ils sont emmenés à l’extérieur de la salle, c’est alors qu’ils furent criblés de balles. Mouloud Feraoun meurt en martyr, il sera enterré dans son village natal.
15 mars 2010
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