15 Mars 2010 – Page : 14
«Croyez-moi, car je suis sincère lorsque je vous dis que cette race [les juifs], vile et faible, est hégémonique dans le monde entier et qu’on ne peut la vaincre. Des juifs siègent dans chaque gouvernement, dans chaque banque, dans chaque entreprise.»
Lettre de Mark Sykes, à un dirigeant arabe
Cette phrase résume à elle seule le sentiment profond qui prévalait au début du siècle dernier à l’endroit des Juifs «maîtres du Monde». L’Europe s’effarouche avec une horreur feinte de la politique du IIIe Reich elle qui en a fait le lit. Comme l’écrit Sophie Bessis: «Le nazisme ne fut pas une rupture mais une continuité.» Comment alors réparer sa faute originelle ad vitam aeternam vis-à-vis du sionisme? D’abord accepter de leur donner un «home» sur un terre loin de l’Europe. C’est ainsi que, sionisme théorisé par Théodore Herzl au Congrès de Bâle, se mit en ordre de marche.
Il y a 92 ans, écrit Alain Gresh, le 2 novembre 1917, le gouvernement britannique adoptait la déclaration Balfour, un texte qui est à l’origine du conflit palestinien. Un monde s’effondre. La Première Guerre mondiale entre dans sa dernière année. Des empires séculaires, celui des Ottomans – le turc -, l’empire austro-hongrois, n’y survivront pas. La Russie tsariste est déjà morte (….Nous) sommes le 2 novembre 1917 et lord Arthur James Balfour, ministre du puissant empire britannique, met la dernière touche à sa lettre. Hésite-t-il un instant à y apposer son paraphe? Est-il saisi d’une sombre prémonition? Sans doute pas, car le texte, plus connu sous le nom de «Déclaration Balfour», a été longuement débattu par le gouvernement de Sa Majesté. Celui-ci déclare qu’il «envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif». La déclaration qui, dans une première version, évoquait «la race juive», précise que, pour la réalisation de cet objectif, «rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les juifs jouissent dans tout autre pays». Comment créer un foyer national juif sans affecter les populations locales arabes? Cette contradiction, la Grande-Bretagne ne pourra jamais la résoudre et elle sera à l’origine du plus long conflit qu’ait connu le monde contemporain. La lettre de Balfour est adressée à lord Walter Rothschild, un des représentants du judaïsme britannique, proche des sionistes.
Les promesses britanniques
La déclaration Balfour répond à plusieurs préoccupations du gouvernement de Londres. Alors que la guerre s’intensifie sur le continent, il s’agit de gagner la sympathie des juifs du monde entier, perçus comme disposant d’un pouvoir considérable, souvent occulte. Cette vision, ironie de l’histoire, n’est pas éloignée de celle des pires antisémites qui détectent, partout, «la main des juifs». Le Premier ministre britannique de l’époque évoque dans ses Mémoires la puissance de «la race juive», guidée par ses seuls intérêts financiers.
Mais les Britanniques ne se sont pas contentés de promesses au mouvement sioniste, ils en ont fait aussi aux dirigeants arabes. Le calife ottoman (il exerce son autorité sur les territoires arabes du Proche-Orient et il est «le Commandeur des croyants») s’est joint en 1914 à l’Allemagne et à l’empire austro-hongrois. Il a même lancé un appel à la guerre sainte contre les infidèles. Pour riposter, Londres suscite une révolte des Arabes contre l’empire ottoman, animée par un dirigeant religieux, le chérif Hussein de La Mecque. En échange, Hussein obtient l’engagement britannique d’appuyer l’indépendance des Arabes. Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient…Comment, en effet, concilier l’indépendance arabe et la création d’un foyer national juif?(1)
Les années 70 à 2004 ont vu l’avènement d’un dirigeant hors norme, qui, il faut le regretter, n’a pas vu de successeur digne de ce nom. Il s’agit de Yasser Arafat. «Rien, écrit René Naba, absolument rien, ne sera épargné à celui que l’on a surnommé parfois, à juste titre, « le plus célèbre rescapé politique de l’époque contemporaine », et ce prix Nobel de la Paix, un des rares Arabes à se voir attribuer un tel titre, boira la coupe jusqu’à la lie. Le chef palestinien décédera pourtant le 11 novembre 2004, sans n’avoir cédé rien sur rien, sur aucun des droits fondamentaux de son peuple, pas plus sur le droit de disposer de Jérusalem comme capitale que sur le droit de retour de son peuple dans sa patrie d’origine. (…)De tous les grands pays arabes, seule l’Algérie accordera un soutien sans faille à la guérilla palestinienne, « Zaliman kana aw Mazloum », oppresseur qu’il soit ou opprimé, selon l’expression du Président Boumediene. L’Egypte fait la paix avec Israël et l’Amérique se lie par la clause Kissinger, qui subordonne tout contact avec l’OLP à des conditions équivalant, selon les Palestiniens, à une capitulation sans condition. (…) 2003, l’invasion américaine de l’Irak offre à Ariel Sharon l’occasion de confiner Yasser Arafat dans sa résidence administrative, avec la complicité honteusement passive des pays occidentaux»(2)
Nous sommes en 2010, près d’un siècle plus tard, après bien des avanies, le peuple palestinien s’accroche à cette dernière bouée lancée par le président Obama dans ses discours. Après Ghaza II et ses 1 400 morts impunis, après le dédain et l’enterrement en première classe du rapport Goldstone par la Communauté internationale, après l’assassinat dans des conditions tragiques d’un dirigeant du Hamas, un vent d’espoir avait soufflé ces derniers jours, avec le déplacement de Joe Biden en Israël pour assurer Israël que sa sécurité était celle des Etats-Unis, que le problème iranien était pris en charge et pour «relancer» les discussions selon le format imposé par Israël, a savoir: revenir à des négociations indirectes alors que depuis vingt ans elles étaient directes avec en prime un gel «temporaire» des colonies présenté par Hillary Clinton à l’époque en novembre 2009, comme une victoire et une concession majeure d’Israël.
Ainsi, la visite de Joe Biden commença sous de bons auspices tant qu’il s’est agi de diaboliser l’Iran. Joe Biden a fait assaut d’amabilité en déclarant même qu’il était sioniste. Rien n’y fit: en pleine préparation des premières discussions, le ministre de l’Intérieur israélien annonce que le gouvernement avait donné son accord pour la construction de 1600 logements dans la partie arabe de Jérusalem annexée en 1967 et non reconnue comme étant israélienne par la communauté internationale. Mieux encore, on apprend par le quotidien Haaretz que le gouvernement de Benyamin Netanyahu n’a jamais eu l’intention d’arrêter la colonisation. Alors que le vice-président américain écrit Le Nouvel Observateur est en visite en Jérusalem, le ministère israélien de l’Intérieur a approuvé mardi 9 mars, la construction de 1600 nouveaux logements pour des colons juifs à Jérusalem-Est, secteur à majorité arabe et annexé en 1967.
Cette décision concerne la construction de 1600 logements supplémentaires dans le quartier de Ramat Shlomo, une colonie juive dans le secteur oriental de la Ville sainte annexé par Israël lors de la guerre des Six-Jours en juin 1967. La communauté internationale ne reconnaît pas cette annexion. Lundi, le ministre israélien de l’Environnement, Gilad Erdan, avait annoncé la construction de 112 logements dans une colonie de Cisjordanie, à Beitar Ilit, près de Bethléem, au sud de Jérusalem. Le gouvernement du Premier ministre de droite Benjamin Netanyahu, a décrété un «gel» de la colonisation – en fait un moratoire limité et temporaire – de 10 mois à la fin novembre. Mais ce moratoire ne concerne ni Jérusalem-Est, ni les 3000 logements qui étaient en chantier en Cisjordanie, ni la construction d’édifices publics (synagogues, écoles, hôpitaux).
La décision d’Israël de construire de nouveaux logements dans un quartier de colonisation juive à Jérusalem-Est menace les négociations, a déclaré le porte-parole de la présidence de l’Autorité palestinienne.(3)
Pour rappel, les deux intifadas qui ont eu lieu ont eu pour démarrage des provocations israéliennes liées au caractère sacré de Jérusalem pour les musulmans. La première intifada s’est déroulée sous le gouvernement Netanyahu. La deuxième suite à la provocation d’Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées. Les tensions sont toujours vives en Israël autour des lieux saints. Des heurts entre manifestants palestiniens et policiers israéliens ont éclaté vendredi 5 mars sur l’Esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est. Ceci est dû à la décision du Premier ministre d’ajouter deux lieux saints, le Caveau des Patriarches à Hébron et le Tombeau de Rachel, à Bethléem, à la liste des sites historiques d’Israël. Va-t-on vers une troisième intifada?
Le double langage d’Israël
On nous dit qu’Israël va autoriser exceptionnellement le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, à entrer prochainement dans la bande de Ghaza. Cette dernière, d’une façon tout à fait hypocrite, écrit à Netanyahu pour lui dire d’arrêter la colonisation et de finaliser les accords de paix. Voilà pour le Smic européen vis-à-vis des droits de l’homme. Il ne faut pas cependant «énerver» Israël qui jouit d’un réel ascendant sur les gouvernants occidentaux et qui terrorise les potentats arabes.
Comment, en effet, donner du crédit au double langage israélien quand les règles internationales sont régulièrement bafouées; le gouvernement Netanyahu s’est illustré comme à son habitude par des prises de positions qui n’ont que trois types d’explication. L’ascendant israélien sur les Occidentaux du fait de leur dette qu’ils font payer au petit peuple israélien. Cette dette si bien décrite par Aba Eban, ancien ministre israélien des Affaires étrangères d’Israël: «Les frontières d’Israël sont celles d’Auschwitz». Il y a une deuxième explication qui est celle de la force réelle d’Israël qui défie tout le monde de par sa puissance nucléaire que personne ne veut discuter, ainsi que par la force des lobbys qui peuvent créer partout dans les pays occidentaux des cataclysmes financiers, économiques, éthiques, religieux et civilisationnels et enfin par le mythe du martyr des Israéliens qui ont de ce fait une pulsion de mort – Complexe de Massada- qui verront alors l’avènement de l’Apocalypse de la fin des temps. Cette dernière hypothèse a la faveur des sionistes chrétiens à l’image du pasteur Haage, qui encouragent la parousie et la conversion des Juifs au christianisme
On avait cru aussi que les Américains sous l’ère Obama pouvaient, au nom de la morale internationale, au nom des droits de l’homme, rendre justice à ce peuple. Que reste-t-il de la résolution du 22 novembre 1967 acceptée par Israël et qui consacre expressément qu’Israël doit restituer les territoires occupés, que Jérusalem- Est doit être restitué aux Palestiniens et que les réfugiés ont le droit au retour?
Or, depuis cette date, Israël n’a pas cessé de coloniser, appliquant les pires lois de l’apartheid, aidé en cela par des médias occidentaux et notamment français qui nous présentent les gentils pionniers dans les kibboutz sans parler de l’autre face: le drame des familles expulsées, des terres spoliées, de la politique de la terre brûlée de l’Irgoun des massacres de Deir Yassin, de Jénine et ceux à répétition de Ghaza. Mieux: encore aidés par de puissants lobbys qui sont sa vraie force, notamment l’Aipac, le Crif, Israël encourage le droit au retour des Juifs de la Diaspora qui n’ont jamais eu d’Etat depuis plus de 2000 ans en sponsorisant avec l’argent des lobbys et des sympathisants chrétiens sionistes leur «alya» leur retour en Israéliens.
Voilà donc une armée d’occupation qui installe des Russes, des Moldaves des Juifs séfarades sur des terres palestiniennes d’où sont expulsés depuis plus de 60 ans des Palestiniens qui eux, n’ont pas le droit au retour dans leur maison. Il se trouve heureusement des Juifs courageux qui osent braver le sionisme et prendre le risque d’être taxés d’antisémites.
Pierre Stambul est l’un d’eux. «On pense parfois, écrit-il, que la guerre menée par l’armée israélienne contre le peuple palestinien est compliquée et sans solution. Ce n’est pas vrai. Dans cette guerre, il y a un occupant et un occupé. (…) Tout a commencé avec un mensonge historique: la Palestine n’était pas « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Un peuple vivait là et il n’est pas parti de son plein gré. Il a été expulsé en 1948 et c’est aujourd’hui en grande partie un peuple de réfugiés»(4)
Je pense que le monde se trompe. Il nous faut changer de paradigme pour amener l’Etat israélien à la table des négociations sans faux-fuyants, sans politique continuelle du fait accompli qui a amené les Palestiniens, au fil du temps, de la nullité des dirigeants arabes, de la tétanisation et pourquoi ne pas le dire, de la peur panique des dirigeants occidentaux tétanisés par la faute originelle de l’Europe -la Shoah- à accepter de vivre sur moins de 20% de la Palestine originelle.
Naturellement, nul ne parle de la Nekba palestinienne qui dure depuis près d’un siècle et qui a vu la mort de milliers de Palestiniens, femmes, enfants, vieillards dont le dernier épisode sanglant de Ghaza millésime 2009, a vu la mort de plus de quatre cents enfants dont le seul tort est d’être palestiniens Que veut Israël? Régulièrement, il a bafoué toutes les résolutions de l’ONU à telle enseigne que plus personne n’en parle et que cette instance s’est effacée au fil du temps devant des ensembles occidentaux plus intéressés à être partie prenante du conflit qu’à le résoudre. Je veux citer notamment le Quartette qui brille par sa nullité et surtout les ingérences des pays européens (Anglais, Français et Allemands) à côté des Américains.
Non! le gouvernement israélien ne veut pas la paix. L’initiative saoudienne qui propose une normalisation avec tous les pays arabes contre le retour aux frontières de 1967- c’est-à-dire que les Palestiniens acceptent de vivre sur 22% de la Palestine originelle, est jetée aux orties. Assurément, il n’y a rien à attendre de ce gouvernement qui veut réduire la Palestine à un Bantoustan, et Miguel Angel Moratinos, dans un moment de lucidité envers les causes justes, dit qu’il faut qu’Israël arrête la colonisation, sinon il n’y aura plus rien à négocier puisqu’il n’y aura plus de territoire. Israël veut être un Etat juif. Les Palestiniens et Arabes israéliens ont de ce fait, vocation à accepter les lois d’apartheid ou aller se réfugier dans les pays arabes.
(*) Ecole nationale polytechnique
(*) enp-edu.dz
1.http://blog.mondediplo.net/2009-11-02-2-novembre-1917-la-declaration-Balfour
2.René Naba: Yasser Arafat, Mister Palestine for ever 07/11/2009
3.Israël ne gèle pas la colonisation à Jérusalem-Est Nouvelobs.com 9 03 2010
4.Pierre Stambul Site de l’UJFP/ Site Altermonde -le village.
Pr Chems Eddine CHITOUR (*)
15 mars 2010
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