Le chef de l’Etat est parfaitement renseigné sur les interrogations inquiètes et les supputations débridées dont son silence et son effacement public sont la cause et le sujet, depuis des semaines, des conversations tant des cercles policito-médiatiques que de la rue.
Ces derniers jours, il a certes été plus visible en sacrifiant à des obligations protocolaires de caractère diplomatique. Mais sans que son exercice dissipe ou infirme pour l’opinion publique les troubles rumeurs dont elle est abreuvée. Ce pourquoi certainement hier, 8 mars, Journée internationale de la femme, il a respecté la tradition de sa rencontre en cette circonstance avec un panel de représentantes de la société féminine du pays. En ne se pliant pas à cette tradition, il aurait inévitablement ravivé et alimenté les spéculations alarmistes sur son état de santé, que son absence aux cérémonies anniversaires du 24 Février avait déjà relancées.
Mais pour les citoyens, il ne suffit pas que le Président se montre. Ils en attendent également un éclairage sur la situation et les problèmes auxquels le pays est présentement confronté et, pourquoi pas, sur les raisons de son apparent retrait, qui leur donne l’impression qu’il ne serait plus en possibilité de tenir fermement les rênes du pouvoir suprême. A cette attente, Bouteflika n’a pas répondu en ce 8 mars, qui lui offrait pourtant la tribune pour s’adresser à la nation. Et bien qu’il ait assisté à la cérémonie traditionnelle, il s’est contenté d’adresser la veille un message à la gent féminine, dont le contenu était limité à magnifier sa contribution à la lutte pour l’indépendance nationale, celle pour l’édification et le développement du pays et, last but not least, les avancées et droits dont a bénéficié sa condition depuis que lui, Bouteflika, a accédé au pouvoir.
Pour le reste, sur lequel aussi bien les femmes à qui a été adressé son message que les autres composants de la société, attendaient que le Président s’exprime, il n’y a eu que d’évasives allusions.
A cause de cela, le paradoxe est que la présence médiatisée du Président à cette rencontre du 8 mars ne contribuera en rien à mettre fin aux spéculations effrénées sur le pourquoi de son silence, qu’il prolonge de façon qui apparaît inexplicable à beaucoup dans le climat actuel pour le moins délétère dans lequel semblent vivre et fonctionner le sommet et les autres niveaux de l’Etat.
C’est là une attitude que le grand «communiquant» qu’est Bouteflika sait qu’elle favorise la production de rumeurs qui ne peuvent qu’aggraver le pessimisme ambiant que les Algériens cultivent quant à l’état peu réjouissant qu’ils estiment, à tort ou à raison, être celui du pays.
En des moments cruciaux où les citoyens s’interrogent et doutent pour de multiples raisons, le chef de l’Etat, source du pouvoir, est celui vers lequel ils se tournent et de qui ils attendent qu’il leur indique le cap. Mais quand ce repère se fait absent et silencieux, peut-on blâmer le citoyen parce qu’il n’accorde crédit et consistance qu’aux rumeurs qui entretiennent son pessimisme et en refuse au discours officiel qui en dénonce la fausseté ?
9 mars 2010
Contributions