L’HUMANITE A CHANGE DE PALIER
par Aissa Hireche
Si nous ne cautionnons pas le recours abusif à la grève des enseignants à cause du fait qu’elle est progressivement transformée en une prise d’otages régulière dont les victimes sont nos propres enfants, il nous est aussi difficile par contre d’approuver la décision du ministère de l’Education nationale consistant à licencier les grévistes et à les remplacer par des vacataires.
Cette décision, qui dit combien est grande la panique au département de Benbouzid, se veut l’expression de la fermeté et du sérieux, tout comme on voudrait d’ailleurs faire croire par cette décision que là-haut, on se préoccupe du bon déroulement de la scolarité des enfants. Or, cette décision de mettre dehors les enseignants qui refusent de mettre fin à la grève est un aveu de l’incapacité du département de Benbouzid à gérer un conflit dont on n’a ni l’exclusivité ni le monopole. Partout dans le monde, il y a des conflits de travail et c’est par la négociation que les gens civilisés arrivent à résoudre leurs problèmes et à aplanir leurs divergences.
D’ailleurs, si ce conflit est entré dans la durée, et si cela fait des années que les enseignants recourent à ce procéder, c’est parce qu’aucune solution n’a été trouvée. Ce qui confirme l’incapacité du ministère de l’Education nationale à résoudre un problème qui est bien le sien.
Recourir au bâton pour obtenir de l’autre partie qu’elle change sa perception des choses est une méthode qui date de quelques siècles avant l’ère de la pierre taillée, et il a fallu que ce soit chez nous qu’on y fasse appel. Et contre qui ? Contre des enseignants. C’est-à-dire contre ceux-là qui sont les mieux à même de comprendre et de négocier. Il s’agit en fait d’une énième danse du ventre dont nous gratifient la faiblesse et l’incapacité.
En effet, volontairement renfermés dans leur vision préhistorique du monde et du pouvoir, certains ont raté l’occasion de comprendre et, pourquoi pas, d’accompagner les changements majeurs qui caractérisent le monde depuis les années soixante-dix. Claustrés dans leurs énormes bureaux, ils n’ont jamais osé regarder à travers les fenêtres pour voir combien les choses changent. Nous ne sommes plus à l’ère des négociations du type «gagnant-perdant», comme voudrait l’imposer le département de l’Education nationale. L’humanité a traversé d’autres ères. Elle a changé de palier, depuis longtemps.
Et puis, est-ce vraiment s’inquiéter du sort de nos enfants que de remplacer leurs enseignants par des vacataires. Déjà que
6 mars 2010
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