par Kamel Daoud
Une religion sert à aller au paradis (lorsqu’on ne peut pas le construire avec ses mains avant la mort), elle sert à expliquer le monde mais elle peut aussi servir à jouer un sketch. L’appel de Kadhafi au djihad contre la Suisse est en effet un sketch. Sinistre, ridicule et affreusement gênant pour nous les habitants de la Planète d’Allah. Ben Laden a fait de nous des pilotes assassins, le président libyen nous présente à l’humanité comme des clowns incorrigibles.
Car que penser de la dernière trouvaille de cet homme qui n’en finit pas de nous insulter en croyant gouverner un pays et un continent avec une tente et un livret ? Que penser de son usage de la religion et de l’appel au djihad en confondant une religion, son fils et sa belle-fille, ses propres délires et le choix des civilisations ? Rien, il ne faut pas penser mais changer de trottoir.
Cet homme a déjà fait de son pays une bande dessinée avec des révolutions valable pour Tintin, il n’hésitera pas à transformer une religion entière en une chamelle enragée. La Suisse a donc compris ce que peut subir un pauvre arabe qui osera imposer une loi à un fils de colonel ou de roi dans notre monde, elle va voir ce qu’on peut faire d’une religion quand on a besoin d’un burnous. Pour laver « l’affront », Kadhafi a utilisé tout un pays, un peuple, la diplomatie, la prise d’otage et la menace. Cela ne lui a pas apparemment suffi, il veut aujourd’hui impliquer Allah et Mohammed dans une affaire familiale.
Pour notre image dans le monde, musulmans de foi, de choix ou de culture, croyants et incroyables, le désastre est immense. Le monde avait peur de nous, maintenant il va rire de ce qui reste de nous. Saddam a été le clown de notre nationalisme panarabe, le colonel Vert sera le clown de la religion locale. Il faut en effet voir et revoir cette harangue faite à une foule d’enturbannés et de bouches béates par le colonel pour comprendre que la distance entre le pagne et le pantalon n’a pas été suffisamment creusée et pour sentir en soi monter l’envie de vomir et de s’exiler loin de cette mascarade étatique. L’aveu est aussi de l’usage que l’on fait un peu partout dans le monde arabe de l’islam : les uns le prennent pour une sublimation de la polygamie, d’autres pour une légalisation du meurtre en vrac, les derniers pour un folklore identitaire et d’autres encore pour une propriété privée avec droits d’auteur réservés pour les arabes de souche, et d’autres encore pour une ceinture de chasteté recommandée par les fabricants de ciels.
L’islam sert à tout aujourd’hui, sauf à chercher cet Allah et à le rencontrer. De l’ablution à la fatwa, il n’y pas presque plus de place pour un poème de Djallal Eddine Rûmi ou une vision d’Ibn Arabi ou le sourire d’un Gandhi. Le Kadhafi peut donc lui aussi s’en servir pour rameuter des dromadaires et aller faire la guerre à la Suisse sous prétexte qu’elle interdit les minarets des mosquées, chez elle. C’est donc le spectacle, à l’œil nu, de l’échelle de nos petitesses : nos colonels, présidents et rois nous prennent vraiment et absolument pour des bédouins à piles que le nom d’Allah pourra réunir et qu’un fourgon de police peut disperser. Et Kadhafi a montré comment on peut se servir de tout un peuple et de toute une religion comme d’un papier mouchoir. Nous ne sommes pas tous Suisse certes, mais nous sommes tous Libyens quelque part et à un certain moment de nos vies face à nos régimes locaux, seule la méthode et le visage du Colonel local diffèrent chaque fois.
Conclusion ? Vous avez été nombreux à protester contre les 12 caricatures danoises, faites-le pour la 13ème caricature libyenne.
28 février 2010
Contributions